Mohammad Chatah, proche conseiller de l'ex-Premier ministre libanais Saad Hariri a été tué dans un attentat à Beyrouth ce vendredi 27 décembre. Le clan Hariri accuse le Hezbollah, allié de Damas, d'être responsable de l'explosion meurtrière. Ce nouvel attentat s'inscrit dans une série de violences commises au Liban ces derniers mois et qui seraient liées au conflit syrien.
Un proche conseiller de l'ex-Premier ministre Saad Hariri, Mohammad Chatah, hostile au régime syrien et son allié le Hezbollah, a été tué vendredi dans un attentat à la voiture piégée à Beyrouth, marquant une nouvelle escalade dans ce pays divisé entre partisans et opposants de Damas. Mohammad Chatah, 62 ans, également ex-ministre des Finances et ancien ambassadeur à Washington, est la neuvième personnalité libanaise critique du régime syrien et du Hezbollah à être assassinée depuis 2005. Au moment de l'explosion, il se dirigeait vers la maison de Saad Hariri, où devait se tenir une réunion de sa coalition. La puissante explosion, ressentie à travers la capitale libanaise, a dévasté une des artères du centre-ville, très fréquentée notamment le soir en cette période de fêtes. Le procureur général, Samir Hammoud, a fait état d'une charge explosive de 50 à 60 kg. Des journalistes de l'AFP ont vu au moins quatre cadavres dans la rue, du sang sur les trottoirs, des voitures calcinées et une dizaine d'immeubles à la devanture dévastée, alors que le centre-ville est considéré comme l'une des zones les plus sécurisées de Beyrouth.
Un blessé lors de l'attentat du 27 décembre / Photo AFP
Le Hezbollah mis en causeSaad Hariri, qui dirige la coalition dite du 14 mars, a mis en cause le Hezbollah dans cet attentat qui a fait cinq autres morts, dont le chauffeur de M. Chatah, et plus de 50 blessés, selon le ministère de la Santé. "Le terrorisme frappe de nouveau le Liban", a titré la télévision Future TV, qui appartient à la famille Hariri.De son côté, le Hezbollah a affirmé dans un communiqué que "ce crime ignoble s'inscrit dans le cadre de la série des crimes et des attentats qui visent à détruire le pays". Et d'ajouter : "C'est une tentative répugnante de porter atteinte à la stabilité et à l'unité nationale, qui ne profite qu'aux ennemis du Liban".Le président français François Hollande a condamné le "lâche attentat", tandis que le président de la République libanaise Michel Sleimane et le Premier ministre sortant Najib Miqati ont tous deux salué en M. Chatah une "personnalité modérée". L'ambassadeur de France, Patrice Paoli, qui a qualifié M. Chatah d'"ami personnel", ainsi que les ambassadeurs des États-Unis et de Grande-Bretagne, trois pays qui soutiennent la coalition du 14 mars, se sont rendus sur le lieu de l'attentat.
Attentat du 27 décembre à Beyrouth qui a fait 5 morts / photo AFP
"Tout est lié à la Syrie"Marié et père de deux enfants, Mohammad Chatah était considéré comme le représentant au Liban de Saad Hariri qui, pour des raisons de sécurité, ne vit plus au Liban depuis 2011. Dans son dernier tweet, une heure avant sa mort, il s'en prenait au Hezbollah, l'accusant de faire le jeu du régime syrien au Liban, où Damas a exercé une tutelle pendant 30 ans. "Le Hezbollah fait pression pour qu'il obtienne des prérogatives en matière de sécurité et de politique étrangères semblables à celles exercés par le régime syrien" pendant la période de tutelle, avait-il écrit.Le Hezbollah est accusé par la coalition du 14 mars d'utiliser son puissant arsenal comme moyen de pression pour imposer sa volonté dans le pays. Sur les lieux de l'attentat, des Libanais exprimaient leur ras-le-bol des attentats à répétition et des violences liées à la Syrie. (Lire notre article en en cadré sur le sujet) "Tout est lié à la Syrie. Il n'y a pas d'avenir, si je pouvais quitter le pays avec ma femme et mes enfants, je le ferais", lance Ziad, 37 ans, qui travaille dans la rue où a eu lieu l'attaque.
Une manifestation pour le deuxième anniversaire de la mort de Rafic Hariri / Photo AFP
Un procès à venir Beyrouth a déjà été frappé par plusieurs attentats depuis l'été qui visaient pour la plupart des bastions du mouvement chiite Hezbollah, dont les hommes combattent les rebelles syriens aux côtés de l'armée du président Bachar al-Assad. Le dernier en date remonte au 19 novembre lorsqu'un double attentat suicide revendiqué par un groupe lié à Al-Qaïda avait visé l'ambassade d'Iran, un allié de Damas, dans un fief du Hezbollah à Beyrouth faisant 25 morts. Le 23 août, un double attentat à la voiture piégée contre deux mosquées sunnites avait fait 45 morts à Tripoli, la grande ville du nord du Liban. "Pour nous, les accusés sont (...) les mêmes qui se dérobent à la justice internationale, ceux qui refusent de comparaître devant le tribunal international", a indiqué Saad Hariri dans un communiqué en référence au Tribunal spécial pour le Liban (TSL) en charge d'identifier et de juger les responsables de l'assassinat en 2005 de son père, le dirigeant Rafic Hariri. Cinq membres du Hezbollah sont inculpés pas ce tribunal mais le parti chiite refuse de les remettre à la justice alors que le procès des responsables présumés de l'assassinat de Rafic Hariri doit débuter le 16 janvier 2014.
Analyse : A qui profite cet attentat ?
27.12.2013En plateau Elias Masboungi, correspondant du journal “L'Orient-Le Jour“