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©AP Photo/Markus Schreiber
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Attentats de Paris: quelles conséquences pour les migrants ?

L'ONU appelle les Etats à ne pas revenir sur leurs promesses d'accueil des migrants. Depuis que l'on sait que l'un des kamikazes des attentats de Paris, visiblement syrien, est arrivé en Grèce via le flot de migrants, l'inquiétude grandit chez les réfugiés. Côté politique, certains Européens n'hésitent pas à faire l'amalgame entre ces attaques et les politiques d'accueil migratoires.
Le Haut-commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR) a appelé mardi les Etats à ne pas revenir sur leurs promesses d'accueil de migrants et réfugiés, essentiellement des Syriens qui arrivent en Grèce, après les attentats de Paris.

"Nous sommes préoccupés par les réactions de certains Etats qui veulent mettre fin aux programmes mis en place, revenir sur leurs engagements pris pour gérer la crise des réfugiés, ou proposent d'ériger des barrières ou des clôtures", a déclaré une porte-parole du HCR, Melissa Fleming, lors d'un point de presse.

Selon nos collègues de France 2, l'un des kamikazes, dont le passeport syrien a été retrouvé au Bataclan, a bien emprunté la route des réfugiés pour arriver en France. Ses empreintes, relevées après les attentats, correspondent à celles enregistrées en Grèce, sur l'île de Leros.
 

Passeport syrien
Passeport d'Ahmed Almuhamed, 25 ans. Il est présenté comme un migrant syrien enregistré lors de son arrivée sur une île grecque en octobre.
©capture d'écran
Cette découverte est venue alimenter la polémique autour de l'accueil que l'Europe entend accorder aux nouveaux migrants. Certains dirigeants européens et représentants politiques ont très vite fait l'amalgame entre les attaques de Paris et la crise des migrants.

En France, le Front national a tenu à rappeller qu'il prônait la fermeture des frontières et l'arrêt pur et simple de l'accueil de migrants sur le territoire français.
Le député FN Gilbert Collard a tweeté sur ce sujet.

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Des portes qui se ferment en Europe

Hors des frontières françaises, le premier ministre hongrois Viktor Orban a été l'un des premiers à s'exprimer sur la question. "De façon délibérée et organisée, les terroristes ont exploité les migrations de masse, en se mélangeant à la foule des gens quittant leurs foyers en quête d'une vie meilleure (...)", a déclaré devant le parlement le Premier ministre, défenseur d'une ligne intransigeante en matière d'immigration. Il a également décrit "le droit à l'auto défense" des Européens comme "plus fort que  tous les autres (droits, ndlr)".

Viktor Orban, dont le pays a été un point de passage très important vers l'Allemagne, a décidé au plus fort de la crise de fermer ses frontières avec la Serbie et la Croatie d'où affluaient chaque jour des milliers de réfugiés.

En Pologne, le nouveau ministre des Affaires étrangères Konrad Szymanski, en a profité pour expliquer que le parti conservateur Droit et Justice (PIS) allait revenir sur la décision du gouvernement libéral sortant d’accueillir environ 7 500 réfugiés dans le cadre du plan européen de répartition.

« Après les événements tragiques de Paris, la Pologne ne voit pas de possibilité politique d’exécuter la décision de relocalisation de réfugiés », a écrit M. Szymanski, sur un site Internet conservateur. « Les attentats de Paris se sont produits dans le contexte direct de la crise migratoire et des bombardements français des positions de Daech [acronyme arabe de l’Etat islamique] », explique cet ancien eurodéputé, considéré comme un modéré du PIS, qui fustige « la faiblesse de l’Europe ». Il a toutefois nuancé ses propos un peu plus tard : « La Pologne accueillera des réfugiés s’il y a des garanties de sécurité, et ces dernières sont mises en question après les attentats de Paris.»

En Grèce, principale porte d’entrée des migrants, le débat est vif entre ceux qui veulent lier les attaques à l’arrivée de milliers d’entre eux en Europe et ceux qui rappellent que la grande majorité des réfugiés sont les premiers à fuir ce terrorisme.
Le premier ministre grec, Alexis Tsipras, en appelle à la raison : « Nous avons la responsabilité d’apporter des solutions à la question migratoire, au drame des réfugiés qui mettent leur vie en danger en mer en essayant d’échapper à ces mêmes terroristes. Les terroristes auront gagné s’ils transforment l’Europe en une Europe forteresse au sein de laquelle vivraient des peuples pétris d’effroi. »

Pour le parti néonazi Aube dorée, « l’attaque islamiste terroriste de Paris est une menace directe pour la Grèce, où entrent chaque jour et sans contrôle des djihadistes criminels à cause de la politique traîtresse d’ouverture des frontières de ce gouvernement ».

L'accueil "allemand" en première ligne

Angela Merkel
La chancelière allemande Angela Merkel, lors du sommet du G20 en Turquie, le 16 novembre 2015
©AP
L'Allemagne, en première ligne de la politique d'accueil des migrants, elle s'apprête à accueillir 800.000 demandeurs d’asile en 2015, n'échappe pas à la polémique, notamment du côté des partis de droite.
Allié à la CDU d’Angela Merkel, la CSU critique depuis plusieurs semaines la politique d’accueil et d’ouverture pratiquée par la chancelière. La CSU voudrait notamment instaurer un quota maximum de réfugiés chaque année. Le ministre de l’intérieur, Thomas de Maizière, a critiqué ces propos, en demandant à ce « que personne ne fasse le lien de manière précipitée avec la politique d’immigration ».

Pour l'Union Européenne, pas question de revoir sa politique sur l'accueil des réfugiés. "Ceux qui ont perpétré les attentats sont exactement ceux que les réfugiés fuient, et non pas l'inverse, et par conséquent il n'y a pas lieu de revoir dans son ensemble la politique européenne en matière de réfugiés", a déclaré Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, devant la presse à l'occasion du début du G20 à Antalya, (Turquie) dimanche 15 novembre.

Et pour éloigner tout risque de raccourci intellectuel, Jean-Claude Juncker rappelle que l'assaillant au passeport syrien n'était pas enregistré comme réfugié. "Je ne crois pas que la personne en question puisse être catégorisée comme étant un réfugié ou un demandeur d'asile. Ne confondons pas les auteurs des actes criminels à Paris avec les demandeurs d'asiles, avec les migrants qui ont de bonnes raisons de frapper à nos portes, et ne confondons pas ceux qui ont commis ces atrocités avec ceux qui fuient leur pays (à cause) de la philosophie et la mentalité qui inspirent les actes que nous avons observé à Paris".

Aux Etats-unis, les portes se referment également. La moitié des gouverneurs des Etats fédérés, dont un seul démocrate, ont fait part de leur refus au président Barack Obama d'accueillir des réfugiés syriens. Mardi, le président républicain de la Chambre des représentants, Paul Ryan a demandé une pause dans l'accueil de réfugiés venant de Syrie, de crainte que des jihadistes ne s'infiltrent sur le territoire américain dans la foulée des attentats de Paris. En septembre, Barack Obama avait annoncé qu'il voulait accueillir jusqu'à 10 000 réfugiés d'ici septembre 2016, contre 1 800 seulement depuis 2011.

Malaise chez les migrants

Après la découverte d'un passeport syrien près du corps d'un des kamikazes, les migrants rassemblés dans la jungle de Calais en France hésitent entre crainte et colère.

« C'est pas possible, c'est un cauchemar. Plus personne en Europe ne va vouloir de nous », réagit avec inquiétude ce Kurde de Syrie de 29 ans dans un article du Parisien. « Il a été tué par Daech. J'ai fui Daech. Et là, en France, je retrouve qui ? Daech. Je suis en colère », explique-t-il tandis que la nuit tombe sur la « jungle ».

Dans la Voix du Nord, Tamer et Ahmad racontent qu'ils ignoraient que les attentats avaient été revendiqués par Daech. Un nom qui glace le sang de Tamer, 19 ans. En Syrie, son ami Ibrahim a rejoint l’armée islamiste. Il y a perdu la vie. « Les terroristes ont joué avec son cerveau, ils l’ont enrôlé. Deux mois plus tard, il mourrait dans une attaque », raconte le jeune homme. Ahmad, qui a suivi des études universitaires en économie, a constaté que ceux qui se sont fait enrôler par Daech sont originaires des villages, pas des grandes villes. « Ils recrutent des gens qui ont peu d’éducation, de culture. C’est plus facile de leur retourner le cerveau. »
migrants calais
©AP Photo/Markus Schreiber


Dans le centre-ville de Calais, Nicole, 77 ans, répond à la journaliste du Parisien et ne cache pas son angoisse. « Je me suis toujours demandée s'il n'y avait pas dans la jungle des personnes qui étaient là pour de mauvaises raisons. Je n'avais peut-être pas tort. Tout cela crée un malaise. J'avais déjà peur d'aller au supermarché, alors là... », note-t-elle. Dans le même article, Louis-Pierre, 65 ans, ancien directeur des douanes, rétorque : « Ne plus les accueillir ? Fermer les frontières ? Voter FN ? Tout ça, ce sont des propos de politicards qui ne tiennent pas. On devrait renoncer à toute humanité parce qu'un migrant sur 50 000 serait peut-être mal intentionné ? Très peu pour moi .