130 morts, 350 blessés, des milliers de proches traumatisés et un pays marqué dans sa chair. Six ans après les attentats meutriers du 13 novembre 2015, place à la justice, des hommes. 1765 personnes se sont portées partie civile. Que peuvent-elles attendre de ce procès ?
Ce mercredi 8 septembre, le procès des attentats du 13 novembre s'ouvre. Pendant neuf mois, les victimes et les rescapés des attaques vont se replonger dans l'horreur du vendredi 13 novembre 2015.
Vingt personnes sont poursuivies, dont Salah Abdeslam. Ce dernier est le seul survivant des commandos. Plus de 330 avocats et 1800 parties civiles vont se succèder dans le vieux Palais de Justice de Paris, sur l'Ile de la Cité.
Retour sur les faits
Il est 21h16 ce vendredi 13 novembre 2015. Un "
kamikaze" vient de se faire exploser près du Stade de France, où se joue un match amical France-Allemagne. Puis au cœur de Paris, deux commandos de trois hommes mitraillent à l'arme de guerre des terrasses de cafés et de restaurants et tirent sur la foule d'un concert au Bataclan. L'assaut des forces de l'ordre sera donné peu après minuit.
Deux assaillants sont en fuite, la traque s'organise. Elle durera cinq jours. Abdelhamid Abaaoud, un des djihadistes les plus recherchés et chef opérationnel des attentats, et son complice, sont tués le 18 novembre, lors de l'assaut policier dans un immeuble de Saint-Denis où ils s'étaient retranchés.
Une enquête tentaculaire se met en place, en collaboration avec la justice belge. Elle permet de reconstituer largement la logistique des attentats et le parcours des commandos revenus de Syrie.
Un procès à l'organisation inédite
Ce procès est hors-normes. Il s'agit de la plus grande audience criminelle jamais organisée en France. Il doit s'ouvrir à la mi-journée, sous sécurité maximale dans un contexte de menace terroriste toujours élevé.
Gérald Darmanin, le ministre de l'Intérieur français, a demandé aux responsables de la sécurité du territoire "
un haut niveau de vigilance", particulièrement autour des lieux classés sensibles.
Le procès des attentats de janvier 2015 avaient été l'occasion d'une "
succession d'attaques sur le territoire national" (contre les anciens locaux de Charlie Hebdo, assassinat de Samuel Paty mi-octobre) après la republication par l'hebdomadaire satirique de caricatures de Mahomet.
- Une salle construite pour ce procès hors normes
Une salle spéciale a été créée pour accueillir une partie des parties civiles, les accusés, les centaines de journalistes accrédités et le public. Elle peut accueillir 550 personnes.
Cette salle des « Grands Procès » mesure 750 m2, 45 mètres de long et 15 mètres de large. Elle aurait coûté 8 millions d'euros, selon le journal
Les Échos.
Dix salles de retransmission seront mises à disposition des journalistes et des partis civiles, lors des temps forts du procès.
Pour accèder à la salle des "Grands Procès", les accusés seront escortés depuis leurs prisons franciliennes dans des engins blindés, un hélicoptère à l'appui,
selon France Inter. Des rues seront barrées à la circulation pour faciliter la circulation des convois. La circulation sur l'île de la Cité sera interdite jusqu'au début des audiences qui commencent à 12:30.
Ce procès sera le deuxième en matière de terrorisme, après celui des attentats contre Charlie Hebdo et l'Hyper Cacher, à être intégralement filmé, au titre des archives audiovisuelles de la justice.
Une webradio a également été mise en place pour les familles des victimes ou les rescapés ne souhaitant pas être présents mais voulant suivre les débats à distance, selon
Les Échos.
Regarder : France : pourquoi les procès ne sont-ils pas tous filmés ?
Calendrier d'un "marathon-judiciaire"
- L'appel des parties civiles
En raison du très grand nombre de victimes, la cour procédera d'abord et pendant deux jours à l'appel des près de 1.800 parties civiles constituées. Du jamais vu. C'est six fois plus qu'au procès des attentats de janvier 2015.
La cour fera ensuite l'appel de plus d'une centaine de témoins.
La cour d'assises est exclusivement composée de cinq magistrats professionnels. Elle sera présidée par Jean-Louis Périès.
Le troisième jour, le président du tribunal lira son rapport résumant les quelque 500 tomes du dossier.
- Place aux témoins dès le 28 septembre
Un des premiers moments forts est attendu dès le 28 septembre avec le début des témoignages de quelque 300 proches de victimes et rescapés des attaques. Ils doivent se succéder à la barre pendant cinq semaines pour raconter cette nuit d'épouvante et ses séquelles, des drames personnels mêlés à un effroi collectif.
Plus d'une centaine de témoins ont été cités, dont de nombreux enquêteurs français et belges. L'ancien président de la République témoignera également le 10 novembre.
Le soir du 13 novembre 2015, François Hollande avait quitté précipitamment le Stade de France où il assistait à la rencontre amicale France-Allemagne, avant de décréter dans la nuit l'état d'urgence. L'ex-chef de l'Etat devrait également être questionné sur la politique étrangère de la France.
- Place aux accusés dès janvier 2022
Tous les accusés doivent être interrogés à plusieurs reprises, courant février et mars 2022, jusqu'au 24 ou au 25 mai.
Salah Abdeslam, seul survivant du commando des attentats, sera interrogé une première fois sur les faits les 13 et 14 janvier.
En l'absence du donneur d'ordres, le vétéran du djihad Oussama Atar, et d'autres gradés de l'EI comme les frères Fabien et Jean-Michel Clain, présumés morts, tous les regards seront tournés en effet vers Salah Abdeslam et son complice présumé Mohamed Abrini.
La cour arrivera-t-elle à lever les dernières zones d'ombre du dossier ? Quel rôle exact a joué par Salah Abdeslam ? L'homme est resté mué pendant son arrestation et durant l'enquête.
Regarder : Attentats de Paris : se souvenir 5 ans après
- Premières plaidoiries début avril
Les quelque 300 avocats de parties civiles doivent commencer à plaider le 6 avril et jusqu'au 22. Puis le parquet national antiterroriste (Pnat) dira quelles peines il sollicite à l'encontre des vingt accusés (douze encourent la perpétuité), lors d'un réquisitoire à trois voix prévu du 2 au 5 mai.
La défense aura la parole du 6 au 23 mai.
Au terme de neuf mois d'audience, la cour d'assises spéciale doit rendre son verdict. Le rendu sera donné à la fin du mois de mai.