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Au Canada, l'Université du Québec à Montréal fête ses 50 ans

Il existe quatre universités à Montréal : deux anglophones, deux francophones, dont l’Université du Québec à Montréal, l’UQAM, qui fête cette année ses 50 ans. Une université qui a une place unique dans la métropole et dans le monde universitaire québécois. Une université réputée dans les communications et les sciences humaines, mais aussi pour son audace et son côté frondeur. 
L’UQAM est née dans un contexte très particulier, un contexte qui va définir sa vocation et son image de marque. Dans les années 60, le Québec vit sa « révolution tranquille » : les francophones prennent le contrôle de leur province en s’emparant des pouvoirs politique, économique et social détenus pendant des siècles par la communauté anglophone et l’Église catholique. Un mouvement de « libération » en douceur dont le slogan est « maître chez nous » et qui passe aussi par une volonté d’offrir un enseignement supérieur aux enfants nés après la guerre et qui arrivent à l’âge adulte.

Or, le Québec manque d’université pour combler les demandes. Le gouvernement québécois crée donc l’Université du Québec à Montréal en avril 1969 et elle accueille ses 6 500 premiers étudiants en septembre de la même année.  

« C’est une université qui vise spécifiquement des populations qui n'avaient pas accès aux études supérieures, explique Joanne Burgess, professeure d’histoire à l’UQAM. Dans ce sens-là, c'est une volonté de démocratiser l'accès à l'université parce qu'on va permettre à des jeunes de milieux sociaux, où la fréquentation d'une université n'est pas une tradition, d'y accéder.

L’UQAM a donc dès son origine une vocation d’université populaire et un outil de démocratie. Elle va ouvrir ses portes à des étudiants défavorisés et à des adultes déjà sur le marché du travail  qui veulent se réorienter ou se perfectionner.

Elle est aussi une université laïque et publique alors que l’Université de Montréal était à l’époque une université catholique. 


Une université rebelle et frondeuse

Cette vocation va marquer au fer rouge cette université qui, de par ses étudiants, mais aussi ses jeunes professeurs, va absorber comme une éponge tous les mouvements sociaux de l’époque, la contestation de l’ordre établi, etc.

L’UQAM depuis sa création est régulièrement agitée par des grèves - d’étudiants, de profs, de chargés de cours, de personnel administratif. Au "printemps érable" de 2012 par exemple (grève étudiante québécoise, ndlr), le cœur de la grève étudiante était à l’UQAM.

Pour moi, une des marques de commerce de l'UQAM, c'est son rôle social.

Joanne Burgess, professeure d’histoire à l’UQAM

« Si on pense à cette tradition de combativité « uqamienne », c'est aussi lié à ce projet inscrit dans ses structure, qui est de reconnaître une place plus grande pour les profs et les étudiants dans la gestion de l'université et une prise de parole plus grande dans les affaires de l'université », ajoute Joanne Burgess.

C’est une institution qui sort donc du cadre traditionnel des universités, dans sa structure, ses modes de gestion et ses étudiants. Ce côté rebelle lui a parfois joué des tours en lui donnant une réputation d’être une université où on n’apprend qu’une chose : faire la grève et des manifs !

Batiment UQAM
Le Pavillon Judith-Jasmin de l'UQAM
© Photo UQAM

Une université avec un rôle social

« Pour moi, une des marques de commerce de l'UQAM, c'est son rôle social, explique Joanne Burgess. On crée l'UQAM avec une volonté de doter l'université d'une mission, avec la mise en place des services aux collectivités dont le rôle est de créer des ponts avec la communauté, des partenariats avec le mouvement syndical, le mouvement des femmes, les organismes communautaires pour que l'expertise universitaire soit davantage au service des besoins de la communauté ».

Ce lien avec la communauté va même servir de modèle à d’autres universités au Canada. L’UQAM a aussi été à l’avant-garde dans le féminisme et dans les études sur la sexualité : c’est d’ailleurs en matière de sciences humaines, dans les arts et les communications que l’université est réputée. 

L’UQAM en quelques chiffres

  • Plus de 40 000 étudiants, dont plus de 3800 d’origine étrangère provenant de 95 pays.
  • Plus de 269 000 personnes sont diplômées de l’UQAM, et plus de 369 000 diplômes décernés.
  • Plus de 1 100 professeurs et 2 200 chargés de cours.
  • 70% des enseignants de la région de Montréal et 30% des enseignants du Québec sortent de l’UQAM.
  • 40 départements et écoles, dont l’Institut de recherches et d’études féministes et l’Institut des sciences de l’environnement.
  • 310 programmes, tous cycles confondus

Un campus urbain

L'UQAM a aussi eu un impact important sur le développement de la ville de Montréal, car, tout comme sa consœur anglophone l’université Concordia, son campus est en plein centre-ville. 
« Une des caractéristiques de l'UQAM, c'est de s'implanter au cœur de la ville », déclare France Vanlaethem, professeur émérite de l’école de Design de l’UQAM. 

En 1969, c’est sous la pression du maire Jean Drapeau que l’UQAM ouvre ses portes dans l’est de la ville, car il voulait redynamiser le quartier. Mais c’est en 1979 que les deux bâtiments principaux du campus de l’UQAM sont inaugurés, le pavillon Judith Jasmin et le pavillon Hubert Aquin, en préservant les monuments existants.

L'un des défis pour l'avenir c'est l'interculturalité.

Joanne Burgess, professeure d’histoire à l’UQAM

« L'une des caractéristiques fondamentales du campus de l'UQAM est qu'il prend ses distances avec une pratique courante à l'époque qui était la tabula rasa, précise France Vanlaethem. On a donc conservé des éléments de l'église Saint-Jacques qui était la première cathédrale de Montréal, dans le pavillon Judith Jasmin ».

L’université se développe également stratégiquement autour de la station de métro Berri, au centre des deux principales lignes du métro montréalais. « Une des grandes caractéristiques de Montréal sur le plan urbain, c'est le Montréal souterrain. L'UQAM participe à ce Montréal souterrain parce que les deux pavillons initiaux sont irrigués par un réseau de circulation piétonnier intérieur », souligne France Vanlaethem. 

Au fil des décennies, l’UQAM a étendu ses tentacules dans tout le quartier en construisant de nouveaux pavillons. Une université qui s'intègre parfaitement, donc, dans le paysage urbain montréalais et qui tient à préserver cette urbanité. 

Les défis à relever 

Cinquante ans, c’est jeune pour une université. L’UQAM a atteint sa maturité, mais elle a plusieurs défis devant elle : ceux liés au numérique, aux transformations de la clientèle scolaire, comme toutes les universités, « et peut-être pour l'UQAM la question de l'inclusion sociale, estime Joanne Burgess.

À l’origine, son mandat était d'accueillir une population québécoise francophone issue de milieux populaires. Maintenant, un des défis pour l'avenir c'est l'interculturalité. Comment accueillir plus largement dans les programmes le corps professoral ? Comment accueillir dans les structures de gestion les communautés culturelles qui vivent à Montréal ? ».