Fil d'Ariane
Beyrouth, 14 février 2005. Une voiture bourrée de plusieurs centaines de kilos d’explosifs se désagrège sur le front de mer. Un immense cratère. Plus de vingt morts, dont la cible de l’attentat, l’ancien Premier ministre Rafic Hariri. En lutte contre la tutelle syrienne sur le Liban, il est une figure incontournable de la scène politique libanaise, artisan de la reconstruction de la capitale après quinze années de guerre civile.
L’assassinat de Rafic Hariri choque le monde entier et envoie dans l’arène politique son fils Saad Hariri, 35 ans, dont le destin était tout autre.
En 2005, Saad Hariri est chef d’entreprise. Il a hérité 11 ans plus tôt de l’empire industriel de son père, le groupe Saudi Oger, spécialisé dans la construction.
Né à Riyad en Arabie saoudite en 1970, Saad Hariri est libanais mais possède aussi les nationalités saoudienne et française. Son arrivée en politique est le fruit d’un accord familial. Il s’agit, à l’époque, de reprendre le flambeau de son père.
12 mai 2005. Deux mois après l'assassinat de son père, Saad Hariri se lance en politique avec pour objectif d'être élu à sa place au Parlement.
Dans le système confessionnel libanais, le président doit être un chrétien maronite, le président du Parlement doit être chiite et le Premier ministre sunnite. L’ambition de Hariri est alors de prendre la tête du gouvernement. Mais comme au Liban rien n’est simple, c’est en nouant une alliance avec le puissant Hezbollah que Saad Hariri met sur pieds un gouvernement d’union en 2009. L’union tiendra à peine plus d’un an. Début 2011, le mouvement chiite claque la porte. Ses ministres démissionnent, agacés par les accusations à leur encontre dans l’enquête sur l’assassinat de Hariri père. Saad Hariri laisse la place à Najib Mikati quelques mois plus tard et entame une traversée du désert qu’il passera notamment en France.
S’il envisage début 2014, sans succès, de reprendre la tête du gouvernement, il y parvient deux ans plus tard, en décembre 2016. Entre temps, son empire industriel s’est délité. Saudi Oger fermera définitivement ses portes fin juillet 2017 (ce qui n’empêche pas Saad Hariri d’être toujours aujourd’hui à la tête d’une fortune estimée par le journal Forbes à un milliard et demi de dollars).
Mais c’est sous forte pression saoudienne que Saad Hariri reprend les rênes du gouvernement libanais le 28 décembre 2016. En novembre 2017, le Liban connaît un épisode surréaliste : de Riyad en Arabie saoudite, où il était parti passer ses vacances, le Premier ministre libanais annonce sa démission. Dans un discours sous la contrainte, il dénonce la “mainmise du Hezbollah et de l’Iran sur le Liban”. Ses vacances en Arabie saoudite s’apparentent à un enlèvement. Il faudra l’intervention de la France et de son président Emmanuel Macron pour sortir de la crise.
De retour à Beyrouth le 21 novembre, il suspend puis annule sa démission.
L’année 2018 ne sera pas de tout repos. En mai, son parti, le Courant du Futur, essuie un revers cuisant aux élections législatives et perd un tiers de ses députés au Parlement. Saad Hariri sera néanmoins conduit à former le nouveau gouvernement, Hariri 3, à l’issue de huit mois de tractations.
C’est cette équipe qui vient aujourd’hui de tomber après quinze jours de soulèvement populaire à travers le pays, provoqué par un rejet de la corruption de la classe politique et de l’inaction du gouvernement, de son gouvernement.
Le 18 décembre, Saad Hariri assure ne pas être candidat à sa succession.