Fil d'Ariane
Le 30 mars dernier, le gouvernement de François Legault présentait son projet de loi sur la laïcité de l’État québécois. Depuis, les manifestations se multiplient, ainsi que les risques de dérapage, alimentés par les extrémismes des uns et des autres. De son côté, l’opposition s’organise.
Plusieurs manifestations rassemblant des milliers de personnes se sont tenues à Montréal au cours des dernières semaines pour dénoncer ce projet de loi. Projet de loi qui veut interdire le port de signes religieux aux fonctionnaires de l’État québécois en position d’autorité, comme les juges, policiers, agents de la paix et gardiens de sécurité, mais aussi les directeurs et les enseignants des écoles publiques québécoises.
C’est la mesure concernant les enseignants qui est la plus contestée, même si le projet de loi inclut une clause de respect des droits acquis, autrement dit une enseignante qui porte actuellement le voile pourra continuer à le porter, mais tout enseignant nouvellement embauché dans une école devra se départir de tout signe religieux.
A relire :
- Canada : le gouvernement québecois présente son projet de loi controversé sur la laïcité
- [Le Mémo] : quand la laïcité faisait déjà débat au Québec
Les manifestants ont dénoncé le fait que le projet de loi allait brimer leurs droits religieux et qu’il vise surtout les femmes musulmanes qui portent le voile. « Pourquoi les femmes voilées n’ont pas le droit d’être dans le pouvoir ? Ça veut dire que ma femme ne peut pas être juge ? Pourquoi est-ce qu’elle ne pourrait pas être juge ? », s’est interrogé un manifestant. Et une femme portant le hidjab de renchérir : « On veut travailler. On cache nos cheveux, mais notre cerveau et nos idées sont mûrs ».
« On ne favorise pas et on ne défavorise pas une religion au détriment d’une autre. Ce qu’on fait, c’est qu’on sépare l’État des religions », a précisé Simon Jolin-Barrette, le ministre du gouvernement Legault qui porte ce projet de loi.
L’une de ces manifestations a été organisée le 7 avril dernier par l’imam montréalais très controversé Adil Charkaoui, qui est à la tête du collectif canadien anti-islamophobie.
Cet imam d’origine marocaine s’est retrouvé mêlé au cours des dernières années à des histoires d’intégrisme islamique : les autorités l’ont soupçonné d’avoir incité des jeunes à aller joindre les rangs de Daedh pour mener le Djihad. Des soupçons qui n’ont toutefois jamais abouti à des accusations. Et il a été arrêté en 2003, après l’émission d’un certificat de sécurité par le gouvernement canadien, qui le soupçonnait de terrorisme et d’avoir participé à un camp d’entraînement de militants extrémistes en Afghanistan.
Cette image d’extrémisme colle donc à la peau d’Adil Charkaoui et plusieurs ont dénoncé le fait qu’il soit l’un des organisateurs d’une des manifestations contre le projet de loi sur la laïcité.
Autre dérapage dans le camp des opposants : la déclaration du maire de Hampstead, petite municipalité de l’île de Montréal, William Steinberg. Il a comparé le projet de loi à du « nettoyage ethnique sans fusil ». La déclaration a suscité un tollé de critiques de part et d’autre, mais le maire ne s’en est pas excusé pour autant.
Enfin les esprits se sont aussi échauffés lors de débats à l’Assemblée nationale du Québec : « vous méprisez ceux qui ne pensent pas comme vous », a lancé le chef de l’opposition officielle Pierre Arcand au premier ministre Legault. « Les propos du chef de l’opposition ne sont pas à la hauteur de la fonction qu’il occupe », a répliqué le ministre Simon Jolin-Barrette.
Les élus de la ville de Montréal, opposition comprise, se sont unis pour dénoncer le projet de loi 21 du gouvernement Legault et réclamé un statut particulier pour la métropole au sein de la loi.
« La Ville de Montréal a la responsabilité de défendre le droit de ses citoyennes et citoyens de pratiquer leur religion comme le stipulent les chartes canadienne, québécoise et montréalaise », dit le texte de la déclaration des élus montréalais.
« Le Montréal que j’aime est ouvert, inclusif, et pluriel », a déclaré la mairesse Valérie Plante, prenant soin de préciser que l’inclusion se passait bien dans la métropole québécoise.
Le gouvernement du Québec a rapidement fermé la porte sur cette demande de statut particulier pour Montréal. Le ministre Simon Jolin-Barrette dit que la loi s’appliquera sur l’ensemble du territoire québécois.
Une commission parlementaire va maintenant passer au crible le projet de loi 21, et tous ceux et celles qui s’y opposent pourront venir défendre leur point de vue devant cette Commission.
Le Premier ministre québécois maintient une position d’ouverture, pourvu que le débat se fasse dans le respect : « Que l’on continue le débat, je pense que la position qu’on a défendue est déjà une position de compromis. Est-ce qu’il peut y avoir d’autres modifications, d’autres suggestions ? Ce n’est pas impossible, mais je pense que sur le fond, il y a une grande majorité de Québécois qui souhaite qu’on interdise les signes religieux pour le personnel de l’État qui est en situation d’autorité » a-t-il déclaré récemment.
Le gouvernement de François Legault dispose d’une majorité à l’Assemblée nationale et il pourra compter sur l’appui des députés du Parti Québécois pour faire adopter son projet de loi, alors que le Parti libéral du Québec et le parti de gauche Québec solidaire ont pris position contre.
François Legault ne cesse de le dire : il est temps pour le Québec de régler une fois pour toutes cette question et le Premier ministre se dit déterminé à faire adopter la loi d’ici l’été, voire à l’automne au plus tard. Ce qui est sûr, c’est que le débat divise les Québécois et qu’il est loin d’être terminé.