Au Québec, le gouvernement présente ses excuses aux Autochtones victimes de discrimination

Deux jours après la présentation d’un rapport dévastateur, le Premier ministre François Legault a présenté des excuses officielles au nom du gouvernement du Québec auprès des Premières Nations pour les "discriminations systémiques" subies pendant des décennies de la part de l’État québécois. Un geste symbolique nécessaire mais qui ne suffira pas. 
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François Legault, Premier ministre du Québec présente ses excuses aux autochtones victimes de "discriminations systémiques". 
©Radio Canada
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En octobre 2015, un reportage de l’émission "Enquêtes" de Radio-Canada jette un pavé dans une mare déjà bien remplie. Des femmes autochtones issues de communautés algonquines du nord-ouest du Québec racontent comment des policiers de la Sûreté du Québec les maltraitent depuis des années, certains les agresseraient même sexuellement en toute impunité. 

Le reportage soulève une telle vague d’indignation généralisée, un tel tollé que le gouvernement québécois d’alors met en place une commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et les services publics québécois (police, santé, justice, etc).

La commission, présidée par le juge à la retraite Jacques Viens, tient des audiences pendant 38 semaines sur une durée de deux ans : elle entend les témoignages de 765 personnes et reçoit 423 déclarations. 
 

Mauvais traitements et discrimination

Le 30 septembre, Jacques Viens dépose un rapport de 500 pages aux conclusions sans appel : les Autochtones du Québec sont victimes de discrimination systémique de la part de l’État québécois. 

« Que ce soit en matière de santé physique, de santé mentale, de justice, d’espérance de vie, de parentalité, de logement ou encore de revenus, les difficultés vécues par les peuples autochtones du Québec font la démonstration de la faillite du système public à répondre à leurs besoins. De cela, nous sommes collectivement responsables », écrit le commissaire Viens dans son rapport. 
 

Plus encore que leurs droits, c'est la dignité de milliers de gens qui est ainsi spoliée. 

Jacques Viens

Il parle donc de « discrimination systémique » à l’endroit des peuples autochtones qui vivent au Québec et il déplore que les gouvernements québécois successifs n’aient jamais priorisé les services offerts à ces communautés. 

Jacques Viens ne mâche pas ses mots : cette situation est la résultante de l’« histoire coloniale du Québec » et d’une « méconnaissance » de la réalité des peuples autochtones. « Plus encore que leurs droits, c'est la dignité de milliers de gens qui est ainsi spoliée parce qu'ils sont maintenus dans des conditions de vie déplorables, en marge de leurs propres référents culturels. Dans une société développée comme la nôtre, ce constat est tout simplement inacceptable », écrit-il.

Lutter contre la discrimination des Autochtones

Le rapport élabore 142 actions à prendre rapidement pour corriger la situation, parmi lesquelles la présentation immédiate d’excuses officielles de la part du gouvernement québécois, l’adoption de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et la mise en place d’un système pour s’assurer que ces recommandations vont se concrétiser.

L’ex-juge Viens propose de confier cette responsabilité au Protecteur du citoyen pour éviter que le rapport ne dorme sur des tablettes, car il y en a eu d’autres, des rapports du même genre, qui sont restés lettre morte. 

Lundi 30 septembre, le Premier ministre François Legault a promis que ce ne serait pas le cas : « Il y a effectivement beaucoup de choses inquiétantes dans le rapport et il faut changer la façon dont on donne les services aux Autochtones », a-t-il dit. 

Après les excuses, les actions

Si plusieurs leaders autochtones ont salué les conclusions du rapport Viens et acceptent les excuses officielles du gouvernement québécois, ils réclament également d’une seule voix plus que des excuses, mais des actions concrètes.

C’est ce qu’a déclaré le chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador Ghislain Picard : « La commission a fini ses travaux mais c’est clair que, pour nous, ça ne s’arrête pas là. (…) Les excuses sont le premier appel à l’action. Les excuses devraient aller aux femmes qui ont osé dénoncer les abus dont elles étaient victimes en octobre 2015, ce qui a mené à la création de la commission. (…) On a un peu de lassitude à entendre des excuses sans qu’il y ait des actions concrètes qui prennent forme par la suite ». 

« Je suis d’accord pour recevoir des excuses, mais est-ce qu’on peut avoir des engagements concrets sur la mise en œuvre des recommandations du rapport ? », a renchéri Viviane Michel, la présidente de la Fédération des femmes autochtones du Québec. 

Clairement, la balle est maintenant dans le camp du gouvernement québécois, et le Premier ministre François Legault a ici une belle occasion de marquer son mandat, dont il fête justement le premier anniversaire, en passant de la parole aux actes pour s’assurer que les Autochtones du Québec soient aussi bien considérés et pris en charge par l’État québécois que les autres citoyens de la province.