"Aucun pays ne viendra au secours du régime iranien": le géopolitologue Pascal Boniface décrypte l'isolement de Téhéran

Plusieurs pays mettent en garde contre l'escalade au Proche-Orient. La Chine a condamné les attaques israéliennes contre l'Iran et la Russie a mis en garde Washington. Toutefois, peu de pays seraient prêts à soutenir militairement le régime iranien. Le géopolitologue Pascal Boniface décrypte l'isolement de l'Iran auprès de TV5MONDE.

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Ali Khamenei

Ali Khamenei lors d'un discours télévisé. 

© Portrait officiel via AP
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Alors que les chefs de la diplomatie française, allemande, britannique, européenne et iranienne doivent se retrouver vendredi à Genève, l'escalade militaire entre Israël et l'Iran se poursuit. Alors que le président américain Donald Trump n'écarte pas totalement une entrée dans le conflit, Moscou a mis en garde Washington, jeudi 19 juin, contre toute "intervention militaire". Si l'Iran entretient de bonnes relations diplomatiques avec les pays du BRICS, il se retrouve sans véritables alliés militaires. 
 
Le géopolitologue Pascal Boniface, fondateur et directeur de l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), auteur du livre Permis de tuer (1), analyse pour TV5MONDE l'isolement stratégique de Téhéran. 
 
TV5MONDE : L'Iran se retrouve-t-il réellement isolé sur la scène internationale ? 
 
Pascal Boniface, fondateur et directeur de l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) : "Oui et non. On peut dire qu'il est militairement isolé, car aucun pays ne viendra à son secours. Diplomatiquement, il l'est un peu moins dans la mesure où il fait partie des BRICS. Seulement, il faut noter qu'il s'agit d'une sorte de club, mais pas d'une alliance militaire. 
 
Il y a beaucoup de pays, dont la Chine, qui appellent à la désescalade, mais qui n'ont pas les moyens matériels de s'opposer à Washington si jamais Donald Trump décide d'entrer dans le conflit. On constate donc que du fait de la détermination américaine, ces pays ne sont pas prêts à franchir le pas. Et de toute façon, la Chine ne veut pas s'engager dans des conflits militaires, sans que ce soit spécifique à l'Iran." 
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TV5MONDE : Est-ce qu'on peut dire que Téhéran compte sur le soutien de son allié Moscou ? 
 
Pascal Boniface : "Pour l'instant, il y a un soutien diplomatique, mais pas un soutien militaire. L'Iran a vendu des armes à la Russie pendant sa guerre contre l'Ukraine, mais, à ce stade, le soutien russe est un soutien diplomatique. On voit effectivement un changement de ton de la part de la Russie par rapport aux événements notamment, car elle vient de perdre la Syrie de Bachar-al-Assad, et la perte de l'Iran serait un coup diplomatique très fort. Toutefois, la bonne entente avec Moscou ne suffira pas à Téhéran pour se défendre."
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TV5MONDE : Depuis quelques années, l'Iran soigne ses relations avec la Chine.  Ce rapprochement est-il visible aujourd'hui ? 
 
Pascal Boniface : "Ces relations se développent encore, mais les BRICS ne seront pas d'ordre militaire. Il faut comprendre que leur club, c'est un club géopolitique et économique aussi, mais il n'est en aucun cas l'équivalent de l'Otan."
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TV5MONDE : La Corée du Nord et le Pakistan seraient-ils prêts à apporter un soutien militaire  ?
 
Pascal Boniface: "Ils pourraient annoncer une volonté d'aider l'Iran, mais il se pose la question de la difficulté de l'acheminement de cette aide. Le Pakistan pourrait, éventuellement, faire un envoi d'armes par voie terrestre, mais cela serait impossible pour la Corée du Nord." 
 
TV5MONDE : Le Hezbollah libanais, allié de Téhéran, pourrait-il se montrer solidaire de l'Iran ? 
 
Pascal Boniface : "Le Hezbollah a été très affaibli et n'a pas envie de repartir dans un conflit. Le Liban ne lui pardonnerait jamais de le relancer dans une guerre alors qu'il a du mal à se relever de l'invasion israélienne de 2024. 
 
Et par ailleurs, le Hezbollah n'oublie pas que l'Iran l'a abandonné quand Israël le frappait. Il est donc peu probable qu'il ait envie de jouer sa survie pour lui venir en aide." 
 
TV5MONDE : N'y a-t-il aucun pays qui serait susceptible de sortir Téhéran de cet isolement militaire ? 
 
Pascal Boniface : "Le seul pays qui pourrait réellement changer la donne, c'est la Chine. Et il faudrait voir si le président russe Vladimir Poutine est capable exercer une véritable influence sur Donald Trump pour qu'il ne passe pas à l'action. Mais pour cela il lui faudrait quelque chose en contrepartie et je ne suis pas certain que Poutine veuille arrêter son offensive contre l'Ukraine en échange de l'aide à l'Iran. Pour Moscou, l'Ukraine reste le dossier numéro 1, même si la perte de l'Iran risque d'être un coup important pour elle." 
 
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TV5MONDE : Ce nouveau conflit risque-t-il de rebattre les cartes sur la scène internationale ? 
 
Pascal Boniface : "Beaucoup de gens ont ce scénario en tête. C'est pour cela que plusieurs pays demandent à Israël d'arrêter son intervention et appellent Washington à ne pas intervenir. Mais bien sûr, le but d'Israël est de chercher à faire tomber le régime iranien. Or, pour l'instant, toutes les interventions militaires faites pour changer les régimes ont échoué." 
 
(1) Permis de tuer, Gaza : génocide, négationnisme et hasbara, éditions Max Milo, 21,90 €