Pour Michel Sivignon, le ressenti qu'ont les Grecs par rapport à la crise se traduit de deux manières différentes sur le plan politique :
"D'une part, il y a ceux qui disent qu'il n'y a pas de crise grecque, qu'il n'y a qu'une crise du capitalisme international néolibéral. Pour eux, la Grèce est simplement le lieu choisi par ce capitalisme pour appliquer les recettes qu'il va appliquer dans d'autres pays, et qu'il a d'ailleurs déjà commencé à appliquer dans d'autres pays du monde méditerranéen : Portugal, Espagne, Italie, etc. Cette attitude conduit à ne pas tenir compte de ce qui se passe en Grèce. A la limite, ceux qui font allusion à la Grèce sont en quelque sorte des gens qui vous détournent, ou détournent votre attention de ce qui est l'essentiel, encore une fois dû à des facteurs extérieurs sur lesquels nous ne pouvons rien, sauf à l'échelle mondiale.
A cette vision s'en oppose une autre, qui est de dire qu'au fond, si on regarde l'augmentation des revenus, l'amélioration de conditions de vie qu'on a connue depuis une trentaine d'années, a été extrêmement rapide. Elle est due à des subventions qui nous sont venues de l'extérieur, au recours excessif au crédit, et donc nous sommes fautifs. Par conséquent, il nous faut agir là où nous le pouvons sur des erreurs que nous avons nous-mêmes commises. Sans pour autant nier qu'il y ait aussi des facteurs extérieurs. Il y a au moins dans cette seconde manière de voir, des questions sur les responsabilités.
Ces deux visions s'opposent totalement. A l'heure actuelle, il est sûr que l'absence de perspectives, d'améliorations visibles, joue en faveur des extrêmes, que ce soit du côté de la gauche ou de la droite. A gauche, il s'agit assez peu du parti communiste traditionnel, mais plutôt de la gauche radicale de Syriza, qui dit "prenez votre destin en main, n'obéissez plus, n'allons pas battre notre coulpe mais voir ce que nous pouvons faire." Du côté de la droite on a évidemment la montée d'Aube dorée, qui a des relents de néonazisme évidents, de la violence dans les manifestations, de la violence vis-à-vis des travailleurs étrangers, et qui s'implante dans les campagnes. Elle n'est absolument pas limitée aux grandes villes, très loin de là et, exactement comme le Front national en France, on a des zones rurales où on vote à une proportion très importante pour cette Aube dorée parce que les autres partis ont fait en somme la démonstration de leur impuissance."