Autisme : les Etats-Unis s'alarment de l'augmentation des cas

Un rapport gouvernemental publié ce jeudi 26 avril 2018 indique que le taux d'enfants autistes américains est passé de 1,5% de la population à 1,7% en trois ans. Cette augmentation très importante n'a pas d'explication officielle, mais des facteurs environnementaux par la pollution chimique sont pointés du doigt. 
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Autisme aux Etats-Unis et agro-chimie
La Maison Blanche illuminée de bleu pour marquer la journée mondiale de sensibilisation à l'autisme, le 2 avril 2017 afp.com - SAUL LOEB
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L'autisme est un trouble neuro-développemental dont la cause n'est toujours pas connue, même si des facteurs génétiques ont été identifiés pour une partie des cas. Il y avait un enfant autiste sur 5000 en 1975 ; en 2014, c'était un enfant sur 68 ! En 2017, ce taux est passé à un enfant pour 59, soit de 1,5 % à 1,7 % en trois ans, selon les Centres de prévention des maladies américains. Cette progression spectaculaire de l'autisme très inquiétante laisse le corps médical et scientifique américain interrogatif. Mais depuis plusieurs années, des associations, scientifiques et journalistes du monde entier commencent à poser des questions sur la possibilité de causes environnementales, dont la pollution chimique. 

Interrogations des centres de prévention

Ces changements dans la prévalence "pourraient être dus à une meilleure identification de l'autisme chez les populations minoritaires", selon les Centres américains de contrôle et de prévention des maladies (CDC), qui notent malgré tout que "l'autisme reste plus susceptible d'être repéré chez les enfants blancs que chez les enfants noirs ou hispaniques". L'augmentation de la prévalence de l'autisme aux Etats-Unis a augmenté de 150% depuis l'an 2000, soulignent ces centres : pour autant, la meilleure identification de l'autisme ne peut pas à elle seule expliquer cette explosion des cas. 
 

Certains facteurs semblent augmenter les risques, comme être né de parents âgés de plus de 30 ans, une maladie de la mère pendant la grossesse, des mutations génétiques ou une naissance avant 37 semaines de gestation. Il s'agit là de "vraies influences, mais elles ne suffisent pas à expliquer le taux élevé de prévalence de l'autisme", selon Walter Zahorodny, professeur associé de pédiatrie à l'école de médecine de Rutgers, dans le New Jersey, qui a mené l'étude dans cette région. 

Les perturbateurs endocriniens pointés du doigt

"Une étude prospective menée en Californie entre 1997 et 2008 a, par exemple, montré que la probabilité d’avoir un enfant autiste augmentait à mesure que le lieu de résidence des femmes enceintes était proche des champs traités au chlorpyriphos, un insecticide organophosphoré qui interfère avec le système thyroïdien. Aujourd’hui, il n’est plus possible de nier les effets de l’environnement sur ces troubles", explique Barbara Demeneix dans un entretien au Monde, biologiste et protagoniste du documentaire Demain, tous crétins ? (voir bande-annonce en fin d'article). 

Des études sur les enfants nés de femmes ayant eu des problèmes de thyroïde ont démontré que leurs enfants pouvaient être atteints d'autisme, de troubles du comportement, ou même de pertes de capacités cognitives, comme le souligne la chercheuse  : "Dans les années 1970, en Sicile, il a été montré que les enfants des mères ayant souffert d’une baisse de production d’hormones thyroïdiennes (due à une carence alimentaire en iode) avaient des QI inférieurs, en moyenne, de plus de 15 points à ceux dont les mères n’avaient pas souffert de telles carences". La biologiste s'inquiète de la contamination massive des produits phytosanitaires dont la plupart sont des perturbateurs endocriniens qui affectent la mère et son fœtus, et des effets sur la santé qui en découlent.

Des institutions spécialisées comme  l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) commencent à prendre la mesure du problème, sans reconnaître entièrement  le lien direct de cause à effet. Aux Etats-Unis —  pays le plus touché par l'accroissement des cas d'autisme — les autorités ne semblent par contre pas encore prêtes à reconnaître la responsabilité de l'agrochimie et de la pollution industrielle dans cette véritable pandémie en cours, malgré des études scientifiques américaines déjà anciennes et conséquentes sur le sujet…

Bande-annonce du documentaire Demain, tous crétins ?, de Sylvie Gilman et Thierry De Lestrade :