Fil d'Ariane
La personne arrêtée ce jour-là, pour violation de propriété privée, s'appelle Donald Neely. Il a 43 ans, et souffre de troubles mentaux. Sa famille dit vouloir saisir la justice et exige le renvoi des officiers impliqués. Selon une étude publiée le 4 août 2019, aujourd'hui les Américains noirs ont deux fois et demi plus de chances de se faire tuer par la police que leurs compatriotes blancs.
Pour mieux comprendre les relations entre la police et la communauté afro-américaine, nous avons reçu Charlotte Recoquillon, docteure en géopolitique spécialiste des États-Unis.
TV5MONDE : La police américaine est-elle raciste ?
Charlotte Recoquillon : La police américaine a souvent montré qu’elle était raciste. Mais au-delà de quelques individus et de quelques policiers qui commettraient des actes à caractère raciste ou xénophobe, il existe une véritable histoire institutionnelle de cette police, et d’un racisme systémique. On le voit à travers l’histoire de la police qui a été créée à l’origine pour rattraper les esclaves et les fugitifs.
Toutes les violences policières auxquelles on a assisté ces dernières années ressemblent presque à du lynchage.
Charlotte Recoquillon, docteure en géopolitique
Dans l’ère moderne, toutes les violences policières auxquelles on a assisté ces dernières années ressemblent presque à du lynchage. Cela montre que la police est raciste. Il y a également l’impunité dont jouissent les policiers qui sont rarement condamnés, à l’instar du policier qui a tué Eric Garner il y a cinq ans.
La police américaine est-elle proche des groupes ségrégationnistes ?
Plusieurs enquêtes ont montré que des extrêmistes et des nationalistes blancs faisaient partie des forces de l’ordre. Le FBI avait d’ailleurs commencé à enquêter sur ce sujet en 2006 avec un rapport qui montrait ces liens. Ce rapport est resté sans suite.
La cellule qui s’était occupée de cette enquête avait ensuite été dissoute. Il y a une certaine frilosité à enquêter sur ces sujets mais on sait que de nombreux policiers ont des connexions assez étroites avec les milieux d’extrême droite.
Ce genre d'arrestations fait partie d’un système, et d’une vague de pratiques abusives, courantes et répétées.
Charlotte Recoquillon, docteure en géopolitique
Ce genre de pratiques est-il courant aux Etats Unis ?
Ce genre d’arrestations, de pratiques, d’humiliations sont effectivement quotidiens. Aujourd’hui, ils apparaissent dans les médias et font la une des journaux, notamment grâce à la mobilisation ces dernières années de « Black Lives Matter » et de ses militants sur les réseaux sociaux.
La médiatisation de ces événements montre que, loin d’être isolés et anecdotiques, ce genre d'arrestations fait partie d’un système, et d’une vague de pratiques abusives, courantes et répétées.
Avant, l’excuse était toujours de dire que l’agent des forces de l’ordre avait commis une « bavure ». Mais on voit bien que c’est tout un système, avec des pratiques extrêmement courantes. A Ferguson, le ministère de l’Intérieur avait établi un rapport sur la police : les pratiques de la police, que ce soient les contraventions, l’usage de la force ou les contrôles d’identité, concernent excessivement les Noirs. Ce ne sont pas des événements anecdotiques.
Des Blancs américains inquiets ont élu Trump pour finalement protéger leurs intérêts.
Charlotte Recoquillon, docteure en géopolitique
Assiste-t-on à une recrudescence du racisme aux Etats-Unis ? Est-ce qu’on en parle tout simplement plus, ou Donald Trump y est-il pour quelque chose ?
Effectivement, on en parle plus. Il y a une visibilisation du traitement des injustices, des inégalités et du racisme subis par les Noirs ces dernières années mais qui précèdent Trump.
On peut comprendre l’élection de Donald Trump comme un retour de bâton suite à l’élection d’Obama. Des Blancs américains inquiets ont élu Trump pour finalement protéger leurs intérêts. Donald Trump est à la fois le symptôme et la cause : il a contribué à attiser la haine et à décomplexer les plus racistes des Américains. Des organisations ont calculé que les agressions à caractère raciste avaient augmenté dans les jours qui ont suivi son élection.