Bangladesh : Muhammad Yunus à la tête d'un gouvernement intérimaire

La présidence bangladaise déclare ce 6 août que le prix Nobel de la paix Muhammad Yunus va prendre la tête d'un gouvernement intérimaire. Une annonce qui intervient après la dissolution du Parlement et la fuite de la Première ministre Sheikh Hasina. Cette dernière s'est réfugiée en Inde.

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Le prix Nobel de la paix, et économiste Bangladais, Muhammad Yunus.

Le prix Nobel de la paix, et économiste Bangladais, Muhammad Yunus.

© AP Photo/Mahmud Hossain Opu, File
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La décision "de former un gouvernement intérimaire(...) avec Yunus comme chef" a été prise lors d'une rencontre entre le président Mohammed Shahabuddin, des hauts dignitaires de l'armée et des responsables du collectif "Students Against Discrimination" ("Étudiants contre la discrimination"), principal mouvement à l'origine des manifestations initiées début juillet.

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"Le président a demandé au peuple de l'aider à surmonter la crise. La formation rapide d'un gouvernement intérimaire est nécessaire pour surmonter la crise", indique un communiqué de la présidence.
Muhammad Yunus avait indiqué être prêt à prendre la tête d'un gouvernement intérimaire. "J'ai toujours mis la politique à distance (...) Mais aujourd'hui, s'il faut agir au Bangladesh, pour mon pays, et pour le courage de mon peuple alors je le ferai", avait-il affirmé dans une déclaration écrite à l'AFP.

L'économiste de 84 ans, connu pour avoir sorti des millions de personnes de la pauvreté grâce à sa banque de microfinance, pionnière en la matière, s'était attiré l'inimitié persistante de Sheikh Hasina, qui l'accusait de "sucer le sang" des pauvres.

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Nahid Islam, un dirigeant du collectif d'étudiants, a confirmé la décision à des journalistes après une réunion de trois heures à la présidence, qualifiant les discussions de "fructueuses". Le président Shahabuddin a accepté que le gouvernement intérimaire "soit formé dans les plus brefs délais", a-t-il déclaré. Le président Shahabuddin a également limogé le chef de la police nationale à la suite des manifestions meurtrières qui ont entraîné le départ de Sheikh Hasina, ont indiqué ses services.

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Ce 6 août, le président Shahabuddin a dissous le Parlement. Une action réclamée par les étudiants protestataires tout comme le principal parti d'opposition, le Parti nationaliste du Bangladesh (BNP), qui exige des élections d'ici trois mois. "Nous faisons confiance au Dr Yunus", a écrit sur Facebook Asif Mahmud, l'un des principaux dirigeants du collectif étudiant.

Le 5 août a été la journée la plus meurtrière depuis le début du mouvement, avec au moins 122 morts, et au moins 10 autres personnes ont été tuées mardi, portant le bilan à au moins 432 morts, selon un décompte de l'AFP basé sur des sources policières, gouvernementales et médicales.

Mais cette journée de contestation a finalement abouti au départ de Sheikh Hasina, 76 ans, contrainte de s'enfuir en hélicoptère. Elle a atterri dans une base militaire près de New Delhi, selon la presse indienne, mais une source de haut niveau a affirmé qu'elle ne faisait que "transiter" par le pays avant de se rendre à Londres. L'appel du gouvernement britannique à une enquête de l'ONU sur les "niveaux de violence sans précédents" au Bangladesh a cependant mis en doute cette destination.

La police demande pardon

Dans le pays troublé, le principal syndicat de policiers du Bangladesh a demandé "pardon" pour avoir tiré sur des étudiants, dans un communiqué publié ce 6 août. Le syndicat a affirmé que les policiers avaient été "forcés d'ouvrir le feu" puis présentés comme les "méchants". Il a aussi annoncé une grève pour garantir la sécurité des policiers.

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L'armée a procédé à plusieurs remaniements parmi ses hauts gradés, notamment en rétrogradant certains d'entre eux jugés proches de la Première ministre Hasina. Le chef de l'armée bangladaise, le général Waker-Uz-Zaman, a annoncé le 5 août la formation prochaine d'un "gouvernement intérimaire".

Après l'allocution du général Waker, des millions de Bangladais étaient descendus dans les rues de Dacca. Les manifestants avaient envahi le Parlement, incendié des chaînes de télévision pro-gouvernementales et brisé des statues du père de la Première ministre déchue, Sheikh Mujibur Rahman, héros de l'indépendance du pays.

La situation a été plus calme ce 6 août à Dacca, où la circulation a repris et les magasins ont rouvert, mais les administrations sont restées fermées.

Les bureaux de la Ligue Awami, le parti de Sheikh Hasina, ont été incendiés et pillés à travers le pays. Des commerces et des maisons appartenant à des hindous - un groupe considéré par certains comme proche de Hasina - ont également été attaqués, selon des témoins.

L'Inde voisine, les États-Unis et l'Union européenne ont exprimé leurs inquiétudes après des informations faisant état d'attaques contre des minorités. "De telles attaques contre les minorités vont à l'encontre de l'esprit fondamental du mouvement étudiant antidiscrimination", a fustigé Iftekharuzzaman, directeur de Transparency International Bangladesh.

Khaleda Zia libérée

Revenue au pouvoir en 2009, Sheikh Hasina avait remporté en janvier un cinquième mandat à l'issue d'une élection sans véritable opposition.

Les manifestations avaient commencé début juillet après la réintroduction d'un régime réservant près d'un tiers des emplois dans la fonction publique aux descendants d'anciens combattants de la guerre d'indépendance. Le gouvernement Hasina avait été accusé par les organisations de défense des droits humains de mettre à son service les institutions pour asseoir son emprise et éradiquer toute dissidence.

Le président avait ordonné le 5 août, en fin de journée, la libération des personnes arrêtées lors des manifestations. L'ex-Première ministre et cheffe de l'opposition Khaleda Zia, 78 ans, a ainsi été libérée selon son parti, le BNP. Grande rivale de Sheikh Hasina, la cheffe du BNP avait été condamnée à 17 ans de prison pour corruption en 2018.

Pour Thomas Kean, du think-tank International Crisis Group, les nouvelles autorités font face à un formidable défi : "Le gouvernement intérimaire (...) va devoir se lancer dans la lourde tâche de reconstruire la démocratie au Bangladesh, qui a été gravement abîmée ces dernières années".