Barack Obama au Vietnam : les dissidents donnent de la voix

"Sommes-nous libres, sommes-nous vraiment libres?" Voilà la question que se posent ces dissidents vietnamiens, qui samedi à Hanoï, ont organisé un concert secret, défiant ainsi le pouvoir. Un acte de résistance dans l'espoir de faire pression à l'occasion de la venue de Barack Obama dans ce pays communiste.

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mai Khoi
Mai Khoi, la "Lady gaga" vietnamienne, et candidate indépendante exclue des élections, lance un appel à Barack Obama, à l'occasion de la visite du président américain au Vietnam.
©captured'écran/Youtube
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Sur scène, dans une petite maison de la capitale vietnamienne : Mai Khoi, pop star et militante prodémocratie.
 La question, "Sommes-nous libres ?", posée à la fin d'une ballade aux accents de blues, est une interrogation rhétorique au Vietnam, pays à parti unique, qui continue à réprimer toute manifestation, à opprimer les opposants et où les syndicats sont interdits.


Alors pour les dissidents, la venue du président américain dans le pays représente un espace de liberté intéressant.
 D'autant plus que les liens entre les deux anciens pays ennemis sont aujourd'hui très forts. Et Hanoï, qui veut s'imposer face à la Chine et sa posture offensive dans la région, regarde de plus en plus vers les Etats-Unis.
 
"Les deux pays sont devenus l'un pour l'autre des partenaires indispensables" Jonathan London, spécialiste du Vietnam
"Les deux pays sont devenus l'un pour l'autre des partenaires indispensables", affirme Jonathan London, spécialiste du Vietnam à la City University de Hong Kong.
 "Cela est rapidement devenu l'une des relations les plus importantes dans la région", ajoute-t-il. 



Pour les dissidents du Vietnam, dont beaucoup sont également de fervents critiques de la Chine, cette proximité est complexe à gérer.
 Hanoi se rapproche de cet allié démocratique puissant admiré par un grand nombre de Vietnamiens, notamment les plus jeunes. Et les dissidents craignent que cela se fasse au détriment de leur combat pour la démocratie, jusqu'ici soutenu par Washington.


Mai Khoi, la Lagy gaga du Vietnam


Le concert de Mai Khoi, celle qui est surnommée la Lady Gaga du Vietnam pour ses tenues excentriques et son franc-parler, s'est tenu dans une petite maison et était seulement ouvert sur invitation. 
Il y a deux semaines, les autorités ont interdit l'un de ses concerts. Elle est dans le collimateur du régime depuis sa tentative de candidature pour les législatives. En tout, près de 100 candidats indépendants avaient déposé, en vain, un dossier de candidature.
 Elle espère qu'Obama "utilisera sa dernière chance pour pousser le gouvernement" à concrétiser leurs engagements, avant d'insister sur l'immense contrôle des autorités dans le pays.
 Elle rappelle ainsi qu'elle est tenue de demander une permission avant de chanter et de faire valider les paroles des chansons.
"Je chante avec mon coeur, alors pourquoi dois-je demander une autorisation?"

Dans un clip mis en ligne sur internet, la chanteuse interpelle directement le président Obama. "Je suis une chanteuse, compositrice et une candidate indépendante pour l'Assemblée nationale vietnamienne (...) J'ai invité le Président Obama à venir me rencontrer, moi ainsi que d'autres candidats disqualifés pour les législatives, lors de sa visite au Vietnam. Nous sommes discriminés et nous avons été exclus des élections.", explique-t-elle en anglais. 
 

page facebook mai Khoi
Capture d'écran de la page Facebook de Mai Khoi. La chanteuse poste une photo de sa rencontre avec l'ambassadeur américain au Vietnam, Ted Oslus.
©facebook

Répression avant les élections

Quelques heures avant l'arrivée d'Obama, des haut-parleurs dans les rues d'Hanoï incitaient les gens à aller exercer leur "droit de vote" pour les législatives de dimanche. 
Plusieurs militants qui avaient appelé au boycott du scrutin dénoncent les actions des autorités pour les faire taire. 


"Les autorités ont assigné à résidence des militants et autorisé des personnes et policiers en civil à s'en prendre brutalement à des citoyens", a expliqué Huynh Ngoc Chenh, bloggeur qui n'a pas le droit de quitter sa maison d'Ho Chi-Minh-Ville (sud) pour les dix jours à venir.
 Pour Pham Doan Trang, également blogueuse, la relation entre les deux pays est trop "unilatérale".
 "Il me semble que le gouvernement américain a beaucoup donné aux Vietnamiens ces dernières années mais le gouvernement vietnamien a peu fait en retour", dit-elle.


Le pays communiste a été prompt à suivre les Etats-Unis et leur initiative d'accord de libre-échange transpacifique (TPP). Mais pour certains, sur la partie du respect des droits de l'Homme, les autorités ont donné un accord de façade.
 Pour Nguyen Quang A, ancien banquier aujourd'hui militant prodémocratie, la visite du président américain est peut-être une occasion de faire bouger les choses. 
"J'aimerais qu'Obama persuade ses partenaires (vietnamiens) d'améliorer les droits de l'Homme et mettre un terme à l'écart qui existe entre les promesses et les actions".

Barack Obama lève l'embargo sur les armes

Le président des États-Unis Barack Obama est arrivé dimanche soir à Hanoï pour une visite de trois jours, devenant le troisième président américain à se rendre sur place depuis la fin de la guerre du Vietnam en 1975. Il a annoncé ce lundi à Hanoï la levée de l'embargo sur les ventes d'armes américaines au Vietnam.
 
page facebook ambassade américaine vietnam
Capture d'écran de la page Facebook de l'ambassade américaine au Vietnam, montrant les photos des rencontres entre Barack Obama et les dirigeants vietnamiens, lundi 23 mai 2016.

Cet embargo était un héritage de la guerre, qui s'est achevée en 1975. En 1994, les Etats-Unis avaient levé l'embargo économique et les deux pays avaient normalisés leurs relations diplomatiques l'année suivante.

"La décision de lever l'interdiction n'est pas motivée par la question chinoise (...), mais par notre désir de compléter le long processus de normalisation que nous avons entrepris avec le Vietnam", a précisé le président américain.