Fil d'Ariane
Les électeurs belges ont désavoué dimanche la coalition gauche/droite du Premier ministre sortant Alexander De Croo, lors d'un scrutin législatif couplé aux européennes. Celui-ci a été marqué par la progression de l'extrême droite et un net recul des écologistes.
En Flandre, la région belge la plus peuplée, le parti d'extrême droite Vlaams Belang (VB) a encore gagné du terrain, sans toutefois parvenir à détrôner les conservateurs de l'Alliance néoflamande (N-VA), ce qui a été la surprise de la soirée.
"Nos faire-part de décès étaient écrits, mais nous avons gagné ces élections", s'est réjoui le chef de la N-VA, Bart De Wever, alors que le VB était donné gagnant dans les sondages depuis plusieurs mois.
Le VB, allié en Europe du Rassemblement national français, serait crédité d'environ 22% contre 25% au parti de M. De Wever, selon des résultats portant sur une majorité des bureaux de vote flamands.
M. De Wever, actuel maire d'Anvers, est candidat au poste de Premier ministre pour succéder au libéral flamand Alexander De Croo. Il pourrait se rendre incontournable pour réunir une coalition majoritaire au niveau national, tout en gardant la main sur la Flandre.
"C'est une soirée particulièrement difficile pour nous, le signal des électeurs a été clair", a réagi M. De Croo en s'essuyant une larme au coin de l'oeil, devant les militants de son parti, l'Open VLD, donné à moins de 8%.
Le Premier ministre a reconnu sa défaite. Il devrait être reçu lundi par le roi des Belges Philippe pour présenter la démission de son gouvernement... Ouvrant une période de gestion des affaires courantes qui peut s'étirer en longueur en Belgique.
Réputée ingouvernable, la Belgique avait vécu 541 jours sans gouvernement de plein exercice en 2010-2011.
Un record dont le pays n'était pas si loin quand la coalition de sept partis dirigée par M. De Croo avait enfin vu le jour à l'automne 2020, 493 jours après les élections de 2019.
Cette fois, le pays pourrait être privé d'une coalition majoritaire en exercice au moins jusqu'aux municipales du 13 octobre, prochain rendez-vous électoral, selon Benjamin Biard, chercheur au centre de sciences politiques Crisp.
Cet expert estime que les présidents de partis, qui ont la main sur la formation des gouvernements, voudront préserver leur électorat et ne "pas griller déjà leurs cartouches" avant ce scrutin.
Un avis nuancé par Vincent Laborderie, professeur de sciences politiques à l'UCLouvain, pour qui des majorités pourraient rapidement se dégager dans les régions : "il serait ensuite logique de transposer ces modèles au niveau fédéral".
En Flandre, relève-t-il, la N-VA pourrait s'allier aux socialistes et aux chrétiens-démocrates, et fermer la porte au VB conformément au "cordon sanitaire" excluant l'extrême droite de toute coalition.
C'est le scénario redouté par Tom Van Grieken, président du VB, qui a félicité M. De Wever pour sa victoire mais a surtout insisté sur l'occasion unique d'imposer avec lui l'agenda indépendantiste flamand : "cher Bart, ne laisse pas passer cette chance historique", a-t-il lancé.
En Wallonie, la région francophone du sud du pays, le Mouvement réformateur (MR, libéraux) a ravi au Parti socialiste sa place de numéro un. Avec près de 30% des voix selon des résultats quasi-définitifs, il pourrait s'affirmer comme le pivot d'une future coalition.
Le MR arrive aussi en tête dans la région de Bruxelles, qu'il est en passe de diriger, après vingt ans dans l'opposition. "Un moment historique", a salué le président du parti.
Globalement, socialistes et écologistes, qui participaient à la coalition De Croo, ressortent affaiblis en Belgique francophone au profit du MR, des Engagés (centristes) et du Parti du travail (PTB, communistes), qui devient la troisième force politique à Bruxelles.
Partout où il était associé à des coalitions, le parti Ecolo pourrait s'en retrouver exclu.
"Nous avons perdu une importante bataille mais une autre se profile déjà à l'horizon", a voulu positiver Jean-Marc Nollet, coprésident d'Ecolo, dans une allusion aux municipales d'octobre.
En 2019, les écologistes comptaient parmi les grands vainqueurs. Ils avaient alors surfé sur la vague des manifestations pour le climat. Dimanche soir, plusieurs de leurs responsables ont regretté que la question ait "disparu" en 2024 de la campagne.