Belgique : un groupe d’experts de l’ONU incite la Belgique à présenter ses excuses pour les « atrocités de la colonisation »

Un groupe d'experts des Nations unies s'est rendu en Belgique du 4 au 11 février 2019, pour enquêter sur le passé colonial du pays et ses conséquences. Le groupe appelle Bruxelles à «reconnaître l'ampleur réelle de la violence et de l'injustice» de la période coloniale.
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Image extraite d'un reportage sur la décolonisation en Belgique
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Le groupe de travail d’experts sur les personnes d'ascendance africaine a rendu un rapport cinglant le 11 février 2019 sur le passé colonial de Belgique. Ce rapport est le fruit du travail de cinq experts, qui ont passé une semaine en Belgique, du 4 au 11 février 2019, entre Bruxelles, Anvers, Liège, Namur et Charleroi.
Le Polonais Michal Balcerzak préside ce groupe de cinq experts indépendants composé du Jamaïcain Ahmed Reid, de l’Américaine Dominique Day, du Sud-Africain Sabelo Gumedze, et du Philippin Ricardo A. Sunga III.

Le groupe de cinq experts déplore « les preuves évidentes » d’une « discrimination raciale endémique au sein des institutions en Belgique », et note que "la société civile rapporte des manifestations régulières de discrimination raciale, xénophobie, afrophobie et d’intolérance envers les personnes d’ascendance africaine" dans le pays.

Les experts notent aussi « avec inquiétude » que des monuments publics sont dédiés au roi Leopold II. Une illustration selon eux de la « complicité » de la Belgique dans « les atrocités en Afrique ».
« La Belgique doit reconnaître l'ampleur réelle de la violence et de l'injustice de son passé colonial, afin de s'attaquer aux causes profondes du racisme actuel auquel sont confrontées les personnes d'ascendance africaine », peut-on lire dans le communiqué de presse publié le 11 février 2019, après la conférence de presse du groupe d’experts.

Nous avons trouvé des preuves évidentes que la discrimination raciale est endémique au sein des institutions en Belgique.Extrait du communiqué de presse du 11 février 2019 sur le rapport du groupe d’experts de l’ONU sur les personnes d’ascendance africaine, réalisé en Belgique  

Le « manque de représentation des personnes d’origine africaine » dans les services gouvernementaux, et judiciaires, est aussi pointé du doigt. 
Dans son point 25 (sur 75), le rapport souligne que les Afro-Belges ont quatre fois plus de chances de se retrouver au chômage que la moyenne nationale, avant de rappeler que « la protection des droits humains et l’interdiction de la discrimination raciale est inscrite dans les articles 10 et 11 de la Constitution belge ».

Les Afro-Belges ont quatre fois plus de chances de se retrouver au chômage que la moyenne nationale.Point 25 du rapport du groupe d’experts de l’ONU sur les personnes d’ascendance africaine, réalisé en Belgique

La décolonisation dans l’art

Le groupe salue toutefois « le processus de décolonisation dans des productions culturelles récentes », et indique que le discours postcolonial le plus visible se trouve au Musée Royal d’Afrique centrale. L’institution a su inclure « une analyse critique et post-coloniale », qui ne va toutefois « pas assez loin » selon le rapport.

À voir :
Quelles réactions a sucité en Belgique la publication du rapport ?

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Le groupe regrette la republication de Tintin au Congo « non-édité et sans contextualisation », ce qui « perpétue les stéréotypes négatifs (ndlr : en lien avec la période coloniale) ». Le groupe d'experts recommande le retrait de l’ouvrage, ou sa contextualisation reflétant les « engagements actuels  (ndlr : de la Belgique) contre le racisme ».

Les enfants métis nés pendant la colonisation

Certains enfants nés pendant la période coloniale d'un père belge et d'une mère africaine ont été arrachés à leur famille et envoyés en Belgique où ils ont été considérés comme des étrangers. Le rapport recommande la « provision de fonds pour la collecte de données, et la recherche (ndlr : de leurs origines)».

Le Premier ministre belge, Charles Michel, s’est exprimé sur ce point le 26 févier 2019, à la Chambre des représentants belges, interrogé par des députés, lors de la  commission de l’intérieur, des affaires générales et de la fonction publique.
« Un budget de 400 000 euros a été débloqué pour que soient satisfaites les préoccupations portant sur l'accès aux bases de données et à l'information ainsi que sur leur délivrance », a indiqué le Premier Ministre, qui ajoute avoir donné des "consignes" aux "postes diplomatiques et aux ambassades, en vue d'établir une coopération maximale avec les personnes concernées".
Charles Michel envisage par ailleurs une déclaration solennelle sur ce sujet « au mois de mars », « la semaine du 28 » mars.

Quant au groupe d’experts de l’ONU, il devrait présenter ses conclusions et recommandations au Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies en septembre 2019.

> Pour aller plus loin :
Le 25 avril 2017, l'Église belge s'excuse auprès des enfants métis de la colonisation