L'Allemagne a commencé samedi à célébrer le bicentenaire de la naissance de Karl Marx dans une atmosphère controversée, avec plusieurs manifestations prévues pour dénoncer l'héritage politique du philosophe de la "dictature du prolétariat". Le clou de cette journée du 5 mai, jour de la naissance de l'auteur du "Capital", a été l'inauguration, dans sa ville natale, Trèves (en Allemagne), d'une statue gigantesque à son effigie, offerte par la Chine.
L'image peut paraître cocasse. La statue de l'auteur du "Capital", offerte par la Chine, encore officiellement communiste, a été dévoilée ce samedi à la frontière d'un Duché qui s'y connaît en "Grand Capital". En présence du luxembourgeois Jean-Claude Juncker qui y est allé de son hommage : "Marx n'est pas responsable de toutes les atrocités dont ses héritiers supposés doivent répondre".
La scène s'est déroulée à Trèves, petite ville allemande à la frontière du Luxembourg et de la France, ville natale du penseur allemand. Où la controverse n'a pas tardé à l'occasion du bicentenaire de la naissance du philosophe de la "dictature du prolétariat".
Plusieurs manifestants ont conspué l'héritage politique de l'inspirateur du communisme et ce don fait par Pékin. Un geste inacceptable de la part d'une "dictature autoritaire" pour plusieurs associations ou partis anticommunistes qui se sont mobilisés à Trèves pour protester contre l'hommage rendu à celui qu'ils considèrent comme le père des tyrannies communistes.
Statue de 5,5 mètres
L'oeuvre en impose. Recouverte d'un grand tissu rouge, la statue en bronze, haute de 5,5 mètres, a été dévoilée en milieu de journée devant près de 1.500 personnes.
Elle représente un Karl Marx en redingote, le visage mangé par sa célèbre barbe fournie, en train d'esquisser un pas en avant.
Des descendants du philosophe allemand, dont la sociologue française Frédérique Longuet-Marx, avaient fait le déplacement. Mais aussi des officiels chinois et la nouvelle présidente du parti social-démocrate allemand, dont l'ADN politique resta lié au marxisme jusqu'en 1959, Andrea Nahles.
"Le SPD n'est depuis longtemps bien sûr plus un parti à la vision marxiste, mais Marx et ses conceptions font encore partie" de sa matrice politique, a-t-elle déclaré. "Et je pense que nous serions bien avisés de relire certaines de ses analyses dans le contexte du temps présent", a-t-elle ajouté.
Une exposition permanente a été aussi inaugurée dans la matinée dans la maison natale de l'époque baroque, rénovée par la ville, de l'auteur du "Capital". Karl Marx y avait vu le jour le 5 mai 1818.
La ville de Trèves va organiser au cours des prochains mois 600 événements - expositions, concerts, pièces de théâtre, conférences - pour retracer la vie et l'oeuvre du célèbre penseur.
Manifestations et controverse
Plusieurs dizaines de personnes de l'Union des groupes de victimes du communisme ont ainsi défilé derrière une banderole montrant Marx trônant sur des crânes humains.
Le parti d'extrême droite Alternative pour l'Allemagne (AfD), très fort électoralement dans l'ex-RDA communiste, a marché en silence pour dénoncer le "culte de Marx". Il a appelé à "déboulonner" le penseur au nom des "victimes du communisme".
Signe des divisions que l'héritage de l'auteur du "Capital" continue de susciter trente ans après l'implosion du bloc communiste : à l'autre bout de l'échiquier politique, le parti communiste allemand et la gauche radicale ont eux manifesté pour Marx et appelé "les prolétaires de tous les pays à s'unir".
Clin d'oeil au fameux slogan lancé par Marx et Engels dans leur "Manifeste du Parti communiste".
Plus de 130 ans après sa mort à Londres, en 1883, Marx reste l'un des intellectuels les plus commentés au monde: critique visionnaire des dangers du capitalisme pour les uns, inspirateur des dictatures soviétique, chinoise ou cambodgienne pour les autres.