Fil d'Ariane
La police biélorusse a arrêté dimanche 30 août des dizaines de personnes lors d'une grande manifestation de l'opposition à Minsk, en tentant de disperser le rassemblement qui rejette la réélection controversée du président Alexandre Loukachenko.
Une femme s'agenouillant devant la police lors de la manifestation d'opposition au Président Loukachenko, à Minsk, ce 30 août 2020.
M. Loukachenko, 66 ans dont 26 à la tête de la Biélorussie, fait face à des protestations quotidiennes depuis la présidentielle contestée du 9 août, qu'il clame avoir remporté avec 80% des voix tandis que ses détracteurs dénoncent des fraudes.
Les 16 et 23 août, l'opposition avait réussi le tour de force de faire descendre près de 100.000 personnes dans les rues de Minsk malgré les pressions et menaces des autorités, soit les deux plus grandes manifestations de l'histoire du pays.
Dimanche 30 août, alors que de multiples groupes allant de plusieurs centaines à plusieurs milliers de protestataires convergeaient vers le centre de Minsk, la police anti-émeute a tenté des les en empêcher, procédant à des dizaines d'arrestations.
Présente en nombre et avec véhicules et grilles géantes, elle a quadrillé la place de l'Indépendance et d'autres endroits du centre de Minsk, aux côtés de militaires masqués et armés, sans signes distinctifs, selon une journaliste de l'AFP.
Les manifestants arboraient le drapeau rouge et blanc de l'opposition et scandaient "Pars!" et "Que vive la Biélorussie!".
Samedi 29 août, les autorités biélorusses ont retiré sans explications leurs accréditations à plusieurs journalistes travaillant pour des médias étrangers, dont l'AFP, AP, la BBC et Radio Liberty. Cette décision a été dénoncée par ces rédactions, par l'Allemagne et les Etats-Unis.
La figure de proue de l'opposition, Svetlana Tikhanovskaïa, réfugiée en Lituanie, a dit y voir "un nouveau signe que le régime est en banqueroute morale et ne tente de s'accrocher au pouvoir que par la peur et l'intimidation".
Depuis le début du mouvement de protestation, les journalistes bélarusses et étrangers font l'objet de pressions et de brèves interpellations, l'accès à des médias indépendants et d'opposition a été bloqué par les autorités et le réseau internet subit des coupures intermittentes.
Les résultats de la présidentielle ont été rejetés par l'Union européenne, qui prépare des sanctions contre des hauts responsables du pouvoir biélorusse et a exhorté Alexandre Loukachenko à dialoguer avec l'opposition.
M. Loukachenko s'est pour sa part refusé à toute concession et dénonce un complot occidental destiné à le faire tomber. Vendredi, il a encore accusé les Occidentaux de vouloir le renverser dans le but d'affaiblir la Russie.
Il jouit jusqu'à présent du soutien prudent de son plus proche allié, le président russe Vladimir Poutine, qui s'est dit prêt à intervenir chez son voisin si les protestations dégénéraient, tout en appelant autorités et opposition à négocier.
Les deux hommes se sont parlés au téléphone dimanche 30 août, M. Poutine félicitant M. Loukachenko pour son son 66è anniversaire et promettant "le renforcement de l'alliance russo-biélorusse et le développement de la coopération dans tous les domaines", selon un communiqué du Kremlin.
Les Européens avaient exhorté M. Poutine à faire pression sur son homologue biélorusse pour qu'il entame un dialogue avec le "conseil de coordination" formé par l'opposition pour promouvoir une transition pacifique à la tête du pays.
M. Loukachenko s'y est refusé, dénonçant une tentative de "s'emparer du pouvoir". Le "conseil" de l'opposition fait l'objet de poursuites pour "atteinte à la sécurité nationale" et deux de ses membres ont été condamnés à de courtes peines de prison dans d'autres affaires.
Plusieurs autres membres ont été convoqués par les enquêteurs, dont la lauréate du prix Nobel de littérature, Svetlana Alexievitch.
À Minsk et dans d'autres villes du pays, des rassemblements quotidiens ont lieu depuis le 9 août malgré les déclarations martiales d'Alexandre Loukachenko et la répression.
Samedi encore, un millier de femmes ont défilé dans la capitale pour exiger de nouvelles élections et des poursuites contre les responsables des forces de l'ordre accusés de violences et tortures.
"J'ai peur, mais je suis venue, pour la liberté et pour qu'on ait un Etat de droit", a déclaré à l'AFP l'une des manifestantes, Elena, 32 ans.
Plus de 300 sportifs biélorusses de haut niveau ont également appelé publiquement dimanche à l'organisation de nouvelles élections.
Les premières manifestations en Biélorussie après l'élection du 9 août avaient été réprimées par la force, faisant trois morts et des dizaines de blessés. Plus de 7.000 personnes avaient été arrêtées.