Fil d'Ariane
Le scrutin de dimanche, prévu jusqu'à 20H00 (17H00 GMT), a été précédé d'un vote anticipé, dénoncé par l'opposition comme favorisant les fraudes. A 12H00, les autorités faisaient part d'une participation de 50,3%.
"Personne n'autorisera une perte de contrôle", a promis le président Loukachenko après avoir glissé son bulletin dans l'urne, affirmant qu'il n'y avait "aucune raison" que le pays soit plongé "dans le chaos".
Le pouvoir bélarusse a redoublé d'efforts pour enrayer l'essor de Svetlana Tikhanovskaïa, arrêtant samedi des manifestants et la cheffe de son QG de campagne, interpellant brièvement le même jour une alliée de l'opposante et dénonçant un complot fomenté par l'opposition et des mercenaires russes.
Mais Svetlana Tikhanovskaïa, enseignante d'anglais de formation de 37 ans, a tenu bon malgré la "peur" quotidienne, a-t-elle confié à l'AFP vendredi. Selon des médias russes et locaux, elle a a quitté son appartement samedi pour raisons de sécurité.
Dimanche, des partisans de l'opposition votaient munis de bracelets blancs, en signe de reconnaissance à la demande de Mme Tikhanovskaïa qui les a invités à envoyer des photos de leurs bulletins afin d'organiser un comptage indépendant.
A Minsk, les mesures de sécurité ont été renforcées, des contrôles de police mis en place et la circulation limitée, tandis que des véhicules blindés et des militaires ont été déployés.
L'accès à internet a également été fortement limité, rendant impossible l'utilisation de certains réseaux sociaux, de messageries et la consultation de sites d'informations proches de l'opposition, mais aussi du site de la commission électorale.
Artiom, programmateur de 33 ans, affirme à l'AFP avoir constaté des fraudes: "dans mon bureau de vote, il y a une participation de près de 100% (...) je ne sais pas comment c'est possible".
"Je pense que les gens sont fatigués de ce marasme. De cette litanie sans fin de bons mots à la télé, de la propagande", se plaint Alexandre, ouvrier de 47 ans.
"Réveillons-nous dans un nouveau pays!", a lancé Mme Tikhonovskaïa à ses partisans samedi.
Elle affirme ne pas avoir d'illusions quant au résultat, dénonçant des "fraudes éhontées", d'autant que le nombre d'observateurs indépendants a été réduit au minimum.
Se disant "inquiets", plusieurs pays européens ont appelé à un scrutin "libre et équitable".
Les résultats doivent être annoncés dans la nuit ou lundi.
Des manifestations de détracteurs du pouvoir ne sont pas à exclure, si l'opposition juge le scrutin falsifié. M. Loukachenko a clairement laissé entendre qu'il n'hésiterait pas à les disperser.
Interrogé par l'AFP à Minsk, Vadim, un ingénieur de 37 ans, prévoit que "tout va mal se passer, il y aura un resserrement des vis, un effondrement économique, des sanctions, une non-reconnaissance des élections par les organisations internationales".
Le procureur général, Alexandre Koniouk, a pour sa part demandé aux électeurs d'être "raisonnables" et de ne pas participer à des manifestations non autorisées.
Avant l'émergence surprise de Mme Tikhanovskaïa, M. Loukachenko, un ex-directeur de sovkhoze de 65 ans, a éliminé ses principaux concurrents: deux d'entre eux sont incarcérés, un troisième est en exil.
Trois autres candidats sont en lice, mais aucun n'a su mobiliser.
Svetlana Tikhanovskaïa a remplacé au pied levé son mari, Sergueï Tikhanovski, un blogueur incarcéré en mai alors qu'il faisait campagne.
Qualifiée de "pauvre nana" par M. Loukachenko, elle a réussi à rassembler alors que le Bélarus n'a jamais vu émerger d'opposition unie et structurée.
Pour cela, Mme Tikhanovskaïa s'est alliée à Veronika Tsepkalo, compagne d'un opposant exilé, et Maria Kolesnikova, directrice de campagne de Viktor Babaryko, ex-banquier emprisonné alors qu'il souhaitait se présenter.
En cas de victoire, elle a promis de ne rester au pouvoir que le temps de libérer "les prisonniers politiques" et d'organiser une réforme constitutionnelle et de nouvelles élections.
Le Bélarus n'a pas organisé de scrutin jugé libre depuis 1995. A plusieurs reprises, les manifestations y ont été matées par la force et de lourdes peines d'emprisonnement. Pour cette présidentielle, Minsk n'a pas invité d'observateurs de l'OSCE, première depuis 2001.