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Eric Tourneret est sans aucun doute l'un des plus grands photographes au monde au service des abeilles. Depuis quinze ans, il parcourt le monde avec ses boitiers photo pour mettre en évidence — et au service du plus grand nombre — la relation de l’homme aux abeilles, de la cueillette la plus archaïque à l’apiculture industrielle et commerciale.
Dans son dernier livre, co-écrit avec Sylla de Saint-Pierre, " Les routes du miel" (éditions Hozhoni) , on peut lire que le miel est présent depuis la nuit des temps. Il est source de sagesse au sein des peuples autochtones : "Ce qui est rapporté de la forêt est tout de suite partagé. Cela garantit que nul ne puisse exercer de pouvoir sur autrui car, les besoins étant satisfaits, il n’y a pas de levier de manipulation. Il est ainsi inimaginable qu’un homme qui a trouvé du miel ne le partage pas. Lorsqu’un chasseur a repéré une colonie, un groupe se prépare à la récolte, sans autre organisation que de s’assurer que tout le monde n’y aille pas en même temps."
Le travail de Eric Tourneret bénéficie aujourd'hui d'une triple actualité : il y a cette exposition à Paris, sur les grilles du jardin du Luxembourg qui ceinturent le Sénat puis la publication d'un livre somptueux et la conférence sur le climat, la COP 21 qui aura lieu du 30 novembre au 11 décembre 2015 à Paris.
Un aperçu de la situation des abeilles sur 20 pays, 80 clichés exposés, voici une partie de votre travail sur les grilles du Sénat. C'est une jolie reconnaissance !
Cela va mettre l'abeille au cœur de l'actualité au moment de la conférence sur le climat et c'est aussi une envie de partager ma passion pour les abeilles afin de mieux les préserver.
On surnomme les abeilles les "sentinelles de la biodiversité". Aujourd'hui, comment vont-elles, ces sentinelles ?
Il y a péril en la demeure. Sans les apiculteurs, qui ne sont plus des producteurs de miel mais des éleveurs d'abeilles aujourd'hui (ils élèvent de nouvelles colonies juste pour pallier la mortalité dans leurs ruches), il n'y aurait plus d'abeilles dans pas mal de départements en France !
Dans la préface de votre livre, il est écrit que vos photos "relèvent d'un monde en train de disparaître". Ce n'est pas exagéré ?
Je voyage depuis trente ans partout dans le monde. La prédation de l'homme et des multinationales s'accroît partout, et même dans des endroits qui étaient jusqu'ici préservés par leur inaccessibilité , et bien ces endroits deviennent désormais accessibles aux capitaux et donc aux investissements, à l'agroalimentaire. Je pense par exemple à l'Ethiopie où des entreprises s'installent dans la vallée de Lomo (au sud-est du pays, ndlr) pour créer des plantations de 30 000 hectares.
Le premier ennemi de l'abeille, quel est-il ? Le pesticide, type neonicotinoïdes ? Le frelon asiatique ?
Dans les pays occidentaux ou dans les pays qui pratiquent une agriculture intensive, cela va être principalement les pesticides (herbicides, insecticides..) qui vont tuer les abeilles directement ou en appauvrissant la richesse florale et en les faisant mourir par manque de nourriture. Et puis la croissance démographique a fait qu'il y a de plus en plus de pression sur les milieux naturels. Des forêts disparaissent et c'est vraiment préoccupant. J'étais récemment à Bornéo et je travaillais dans un parc national, donc assez préservé, mais en survolant cette grande île, on se rend compte qu'elle est dévastée. 70 % des forêts ont disparu en moins de 20 ans. Cela fait mal au cœur. Au Congo Brazzavile ou dans la forêt équatoriale, des routes sont ouvertes, des plans de développement sont en cours "pour faire" du palmier à huile" et cela est préoccupant car les lieux préservés se morcellent de plus en plus.
Comment expliquez vous, concernant les abeilles, qu'il n'y ait pas une mobilisation mondiale ?
Nous savons que cette croissance n'est pas soutenable depuis les années 70 avec le club de Rome, et rien n'a été fait. Tout le monde continue à gagner de l'argent et on a des difficultés à réinventer un modèle différent. Nous sommes à une époque où nous devons changer de système de valeur et ce n'est jamais facile.
Qu'attendez-vous de COP 21 ?
C'est la question qui fâche ! Je n'attend pas grand chose en soi quand on voit comment cela se passe.. Quand on voit les promesses du président Obama au moment de son élection et ce qu'il a fait, quand on voit que Hillary Clinton est soutenu par Monsanto, non je n'attends pas grand chose, à part de bonnes intentions . Cela fait tellement longtemps que les politiques nous servent de bonnes intentions !
Tout de même, il n'y a vraiment aucun signe encourageant ?
Si. La société civile. Elle s'organise, ici et ailleurs. Il y a beaucoup de gens de bonne volonté qui s'activent à faire que l'humanité soit toujours au cœur des préoccupations sociales, et non pas l'économie. Les changements viendront de la base et non du sommet.