Fil d'Ariane
Avec son influence croissante, le groupe de moines nationalistes birmans Mabatha entend peser dans le prochain scrutin libre du pays en 25 ans, le 8 novembre prochain, en ostracisant la minorité musulmane.
L'image est impressionnante : l'intérieur du stade est rempli de robes couleurs safran et rose. L'événement qui se tient ici dans la banlieue de Rangoun a tout d'un meeting de campagne. Des milliers de moines et de supporters se sont rassemblés à l'intérieur du stade Thuwana sous une chaleur étouffante. Et dehors des milliers d’autres suivent l'événement sur un écran géant.
Cette grande messe est organisée à l'appel du groupe de moines nationalistes Mabatha pour clôturer un mois de célébration dans tout le pays après l'adoption de quatre lois très controversées sur la religion, dont les deux dernières ont été approuvées le 21 août dernier par le parlement.
Initiées par Mabatha (ou Comité pour la protection de la race et de la religion) ces lois visent clairement les musulmans du pays. Désormais pour se convertir à une autre religion ou se marier avec un non bouddhiste, il faudra avoir l’accord des autorités locales. A cela, viennent s’ajouter l’interdiction de la polygamie sous peine d’emprisonnement et le contrôle de la population pour certaines minorités ethniques. « En passant ces lois, le parlement ignore les droits humains fondamentaux et risque d’enflammer des tensions communautaires dans le pays, menaçant une transition démocratique plus que fragile juste avant des élections capitales », a souligné l'ONG Human Rights Watch.
Le moine ultra nationaliste U Wirathu à la tribune du rally organisé par Mabatha au stade Thuwunna à Rangoun, le 4 octobre 2015.
Sous les caméras du pays et des quelques médias étrangers présents, les invités se succèdent à la tribune pour expliquer combien il est important de préserver et de protéger la culture et les valeurs du bouddhisme contre une menace dont personne ne dira le nom. « Avant que les lois pour la protection de la nationalité soient proclamées, il y avaient des conflits et des violences. C’est pour prévenir ces situations indésirables que ces lois ont été proposées. Leur but est d’instaurer l’unité, la justice et la paix », explique U Baddanta Tilokabhivamsa, le président de Mabatha, dans son discours d’introduction.
« C’est le devoir de chaque citoyen de comprendre, d’observer et de suivre ces lois ». Avant de poursuivre « Je voudrais clarifier quelque chose : ce n’est pas nous Mabatha qui avons fait ces lois (…) elles ont été faites et promulguées dans le respect des règles du pays ».
La LND a en effet montré son désaccord avec ces lois. En campagne dans sa circonscription, samedi 25 octobre, à deux heures de Rangoun, Aung San Suu Kyi a appelé le gouvernement à prendre des mesures contre ceux qui utilisent la religion dans la campagne électorale. « Le gouvernement doit appliquer la loi pour que les gens vivent en paix. Pourquoi les autorités ne prennent aucune mesure contre ces gens ? » a-t-elle déclaré devant ses supporters.
Khin Maung Cho est de l’ethnie Bamar comme la majorité des Birmans du pays mais sa religion est l’islam. Il est un des 11 candidats réinstallés et se présente candidat dans la circonscription de Pabeban, un quartier musulman en plein cœur de Rangoun. « Ma candidature a été rejetée à cause de la citoyenneté de mes parents alors que j’ai tous les papiers prouvant qu’ils ont la nationalité birmane. Mes parents sont birmans et sont enregistrés au bureau de l’immigration » observe-t-il. « Mais je pense que la vraie raison de ce refus, c’est ma religion ».
Et c’est parce qu’aucun des deux grands partis, l’USPD et la LND, n’a proposé de candidats musulmans qu’il a décidé de se présenter en indépendant. « C’est une politique préméditée d’exclusion des musulmans par les deux grands partis (…) Notre Constitution interdit de mélanger la religion et la politique et je suis effrayé quand je vois que certains moines peuvent influencer les partis politiques » poursuit-il.
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