Birmanie : l'ONU craint une "guerre civile" et un "bain de sang imminent"

L'ex-dirigeante Aung San Suu Kyi était convoquée devant la justice jeudi 1er avril, quelques heures après un réquisitoire implacable de l'émissaire de l'ONU pour la Birmanie qui a alerté d'un risque de "guerre civile" et de "bain de sang imminent" dans le pays.
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birmanie Aung San Suu Kyi
Des manifestants anti-coup d'état brandissent des affiches en soutien à l'ancien chef du gouvernement à Myammar, Aung San Suu Kyi, le 5 mars 2021.
(AP Photo)
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L'ex-dirigeante Aung San Suu Kyi, détenue depuis le coup d'Etat militaire du 1er février en Birmanie, a été accusée jeudi d'avoir violé une loi sur les secrets d'Etat datant de l'époque coloniale, tandis que le Conseil de sécurité de l'ONU a "fermement" condamné la mort de centaines de civils.

Les autorités "ont entamé le 25 mars une nouvelle procédure, l'accusant d'avoir violé la loi sur les secrets d'Etat", a dit à l'AFP son avocat, Khin Maung Zaw.

Au terme de deux jours d'une négociation difficile, le Conseil de sécurité de l'ONU a indiqué jeudi "condamner fermement les morts de centaines de civils, incluant des femmes et des enfants", dans une déclaration unanime largement édulcorée par la Chine.

Les quinze membres du Conseil de sécurité se disent profondément préoccupés "par la détérioration rapide de la situation" et dénoncent "fermement le recours à la violence contre des manifestants pacifiques".

Des versions précédentes du texte, obtenues par l'AFP, comportaient une mention portée par les Occidentaux affirmant que le Conseil de sécurité était "prêt à envisager de nouvelles étapes", soit une vague allusion à la possibilité de sanctions internationales contre les militaires. La Chine, un allié traditionnel de l'armée birmane, est catégoriquement opposée à des sanctions.

Plus de 535 personnes, dont de nombreux étudiants, des adolescents et de jeunes enfants, ont été tués par les forces de sécurité en deux mois, selon l'Association d'assistance aux prisonniers politiques (AAPP). Des centaines d'autres, détenues au secret, sont portées disparues.

L'émissaire de l'ONU pour la Birmanie, Christine Schraner Burgener, avait mis en garde mercredi contre "un risque de guerre civile à un niveau sans précédent", exhortant à "envisager tous les moyens à sa disposition pour (...) éviter une catastrophe multidimensionnelle au cœur de l'Asie".

L'ancienne puissance coloniale, le Royaume-Uni a sanctionné jeudi un deuxième conglomérat lié à l'armée, Myanmar Economic Corporation (MEC), une semaine après des sanctions communes avec Washington ayant visé Myanmar Economic Holdings Ltd (MEHL).

Bonne condition physique

Aung San Suu Kyi, 75 ans, a comparu en visioconférence devant un tribunal de Naypyidaw, la capitale, pour une audience portant sur des questions administratives, comme la désignation officielle des huit avocats de son équipe de défense.

Elle paraissait en "bonne condition physique" et était "brillante et charmante comme toujours", a commenté l'un de ses avocats, Khin Maung Zaw.

Son équipe de défense l'avait vue la veille par vidéo et sous surveillance policière pour la première fois depuis le putsch.

"Elle a demandé une rencontre entre elle et ses avocats - une réunion privée pour donner ses instructions à sa défense et discuter de l'affaire sans ingérences extérieures de la police ou des forces armées", a-t-il ajouté.

La prochaine audience est fixée au 12 avril.

La lauréate du prix Nobel de la paix 1991 est également poursuivie pour "incitation aux troubles publics". Des accusations d'avoir perçu plus d'un million de dollars et 11 kilos d'or de pots-de-vin s'y ajoutent, mais elle n'a pas encore été inculpée de "corruption". Si elle est reconnue coupable, elle encourt de longues années de prison, risquant d'être bannie de la vie politique.

Coupure d'internet 

Les autorités birmanes ont également ordonné aux fournisseurs d'accès de suspendre les connexions internet sans fil dans le pays "jusqu'à nouvel ordre", a indiqué un opérateur de télécommunications. Cette nouvelle coupure risque de paralyser les communications en ligne dans le pays où très peu de gens ont accès à des lignes fixes.

Cette "coupure d'internet" a été condamnée jeudi par plusieurs dizaines de pays membres de l'ONU qui ont dénoncé, dans une déclaration rédigée par la Lituanie, la France et la Grèce, "les attaques" contre les médias dans le pays. 

"Nous condamnons fermement (...) l'utilisation des coupures d'internet pour restreindre l'accès à l'information et le ciblage spécifique apparent de journalistes locaux et internationaux", indique la déclaration des trois pays européens, co-présidents à l'ONU du Groupe des amis de la protection des journalistes.

Autodafé de la Constitution 

D'ex-députés de la Ligue nationale pour la démocratie (LND) ont annoncé mercredi la formation pendant la première semaine d'avril d'"un nouveau gouvernement civil" de résistance.

Dans la clandestinité depuis le coup d'Etat, ils ont aussi annoncé que la Constitution de 2008 rédigée par le régime militaire précédent était "annulée". Jeudi, des protestataires ont brûlé une pile de copies du texte dans une rue de Rangoun, la capitale économique, où deux supermarchés appartenant à l'armée ont été incendiés dans la nuit.

Un manifestant âgé de 31 ans a été tué à Monywa (centre) et dix autres blessés, a dit un secouriste à l'AFP.

Une autre personne a également péri et six ont été blessées à Mandalay, la deuxième ville, selon un secouriste et un médecin.

Des veillées à la bougie et des prières silencieuses se sont déroulées à la mémoire des "martyrs" morts ces deux derniers mois et des manifestants ont défilé à Rangoun avec des larmes de sang peintes sur le visage. Des dizaines de milliers de fonctionnaires et de salariés du privé sont toujours en grève.

La Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge a accusé les forces de sécurité de s'en prendre aux secouristes.

"Des médecins et des secouristes de la Croix-Rouge en Birmanie ont été arrêtés de façon injustifiée, intimidés ou blessés et des biens et des ambulances de la Croix-Rouge ont été endommagés. C'est inacceptable", a déclaré le directeur régional de l'organisation pour l'Asie-Pacifique, Alexander Matheou.

Les violences contre les civils ont déclenché la colère parmi la vingtaine de factions ethniques rebelles que compte la Birmanie. Certaines ont lancé des attaques contre la police et l'armée, cette dernière ayant riposté par des raids aériens.

La Chine s'oppose à des sanctions onusiennes

Les généraux resserrent leur étau judiciaire à l'encontre d'Aung San Suu Kyi, et poursuivent leur sanglante riposte contre les opposants au putsch, profitant des dissenssions au sein du Conseil de Sécurité des Nations unies.

Il y a "un risque de guerre civile à un niveau sans précédent", a mis en garde Christine Schraner Burgener, émissaire de l'ONU pour la Birmanie lors d'une réunion à huis clos du Conseil de sécurité des Nations Unies. 

Elle a exhorté le Conseil à "envisager tous les moyens à sa disposition pour (...) éviter une catastrophe multidimensionnelle au coeur de l'Asie", lors de cette rencontre en urgence demandée par le Royaume-Uni.

Il y a un risque de guerre civile à un niveau sans précédent.Christine Schraner Burgener, émissaire de l'ONU pour la Birmanie

Mais les 15 membres sont restés divisés: Si Washington et Londres ont défendu la mise en place de sanctions par les Nations Unies, Pékin, allié traditionnel de l'armée birmane, a rejeté fermement cette idée, tout en appelant à "revenir à une transition démocratique".

Craintes d'un conflit plus large entre les militaires et des factions rebelles

Les violences contre les civils ont déclenché la colère parmi la vingtaine de factions ethniques rebelles que compte la Birmanie: certaines ont lancé des attaques contre la police et l'armée, cette dernière ripostant par des raids aériens.

Les craintes d'un conflit plus large entre les militaires et des factions rebelles s'intensifient.

Depuis l'indépendance de la Birmanie en 1948, une multitude de groupes ethniques luttent contre le gouvernement central pour obtenir plus d'autonomie, l'accès aux nombreuses richesses naturelles ou une part du lucratif trafic de drogue. 

L'armée avait conclu ces dernières années un cessez-le-feu avec certains d'entre eux, mais depuis le putsch plusieurs ont apporté leur soutien au soulèvement populaire et repris les armes ou menacé de le faire.

Après ce coup d'Etat, l'état d'urgence a été proclamé pour un an.

Coup d'État en Birmanie : Aung San Suu Kyi arrêtée, l'armée prend le pouvoir

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Au moins 20 soldats ont été tués et quatre camions militaires détruits mercredi lors d’affrontements avec l’Armée de l’indépendance kachin (KIA), l’une des rebellions armées les plus puissantes de Birmanie, selon le média local DVB News.

Et 11 personnes ont péri mardi dans des raids aériens dans une région minière de l'Etat Karen, d'après le site Karen News.

Sollicité, le porte-parole de la junte n'a pas répondu à la demande de l'AFP qui n'a pas pu confirmer à ce stade de manière indépendante ces deux attaques.

Résistance civile et pacifique des militants pro-démocratie

Sur le front politique, de nombreux membres de la  Ligue nationale pour la démocratie (LND) d'Aung San Suu Kyi ont été arrêtés, dont au moins deux sont morts en détention.

Mais des députés évincés du Parlement par les putschistes ont annoncé qu'il formerait début avril "un nouveau gouvernement civil" de résistance.

La résistance contre le régime militaire se poursuit avec des dizaines de milliers de fonctionnaires et de salariés du privé toujours en grève.

Des veillées à la bougie et des prières silencieuses ont été organisées jeudi à la mémoire des "martyrs" morts ces deux derniers mois.

Plus de 530 personnes, dont de nombreux étudiants, des adolescents et des enfants, ont été tuées par les forces de sécurité depuis le coup d'Etat militaire du 1er février, selon l'Association d'assistance aux prisonniers politiques (AAPP). Des centaines d'autres, détenues au secret, sont portées disparues.

La Birmanie a connu un samedi 27 mars terriblement sanglant, à l’occasion de la traditionnelle "Journée de l’armée". Selon plusieurs sources indépendantes birmanes, plus de 90 personnes ont été tuées au cours de la répression des manifestations pro-démocratie. Un membre du gouvernement birman en exil a qualifié cet épisode de "journée de la honte".

Birmanie : plus de 90 morts lors de "la journée de la honte"​

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