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Bolivie : le président Evo Morales annonce sa démission

Après trois semaines de vive contestation contre sa réélection à un quatrième mandat, Evo Morales annonce sa démission ce dimanche 10 novembre 2019. Le président bolivien, acculé, avait un peu plus tôt dans la journée annoncé la tenue de nouvelles élections. Une annonce pas suffisante pour ramener le calme : l'armée, la police et l'opposition réclamaient son départ. Retour sur la crise politique qui s'est aggravée ces dernières heures dans le pays andin.
  • Demandes répétées de démission d'Evo Morales

Le commandant en chef de l'armée, le général Williams Kaliman, avait demandé au chef de l'Etat de "renoncer à son mandat présidentiel afin de permettre la pacification et le maintien de la stabilité, pour le bien de notre Bolivie".

"Nous nous joignons à l'appel du peuple bolivien de suggérer à monsieur le président Evo Morales de présenter sa démission pour pacifier le peuple de Bolivie", avait également annoncé le commandant général de la police, le général Vladimir Yuri Calderon.

Accompagné par la foule, Luis Fernando Camacho, dirigeant le plus visible et radical de l'opposition, s'était rendu au siège du gouvernement à La Paz pour y remettre symboliquement une lettre de démission à signer par Evo Morales, ainsi qu'un exemplaire de la Bible.

D'autres dirigeants de l'opposition ont exhorté le chef de l'Etat à lui aussi démissionner.

"S'il lui reste une once de patriotisme il devrait se retirer", a déclaré le centriste Carlos Mesa, candidat malheureux au premier tour de la présidentielle du 20 octobre, dont l'Organisation des Etats américains (OEA) a demandé l'annulation.

"Evo Morales a brisé l'ordre constitutionnel et doit démissionner", a renchéri Luis Fernando Camacho, dirigeant le plus visible et radical de l'opposition, appelant à la formation d'une "commission de gouvernement transitoire", chargée de "convoquer de nouvelles élections d'ici 60 jours maximum".

Le président bolivien avait annoncé qu'il allait "renouveler l'ensemble des membres du Tribunal électoral suprême (TSE)", puis "convoqu(er) de nouvelles élections qui permettront, en votant, au peuple bolivien d'élire démocratiquement de nouvelles autorités".

Les comités de la société civile qui se sont multipliés ces dernières semaines dans le pays avaient demandé à ce que ni Evo Morales, ni Carlos Mesa ne se représentent pour un nouveau scrutin.

Les grandes dates d'Evo Morales


- 26 octobre 1959 : naissance de Juan Evo Morales Ayma dans le canton d'Orinoca, près du lac Poopo, dans l'Altiplano, dans une famille pauvre de paysans aymaras.

- 1997: militant de la Centrale ouvrière bolivienne (COB), il est élu député (MAS, Mouvement vers le socialisme, gauche) du Chaparé, région agricole riche en plantations de coca.

- Octobre 2003 : devenu le chef de file des "cocaleros" (planteurs de coca), il prend la tête d'une révolte contre le président Gonzalo Sanchez de Lozada, qui la réprime dans le sang (80 morts) avant de s'enfuir aux Etats-Unis. 

- 22 janvier 2006: élu président, il impose une réforme radicale du secteur des hydrocarbures via une nationalisation du sol. Il est réélu en 2009 et 2014.

- 24 février 2016: il perd un référendum devant lui permettre de briguer un quatrième mandat. En novembre 2017, la justice l'autorisera à se porter candidat.

- 20 octobre 2019: il arrive en tête de l'élection présidentielle, suivi de près par le centriste Carlos Mesa. Mais le dépouillement fait polémique, provoquant de violents incidents dans tout le pays. Il est proclamé officiellement vainqueur cinq jours plus tard.

- 10 novembre 2019: lâché par l'armée et la police après trois semaines de manifestations, il annonce sa démission.

  • Démissions en cascade

"Je renonce à mon poste de président", a déclaré à la télévision le leader indigène de 60 ans, au pouvoir depuis 2006, au terme d'une journée marquée par de nouveaux affrontements entre manifestants et forces de l'ordre ainsi que des démissions en série de ministres et députés.

"Le coup d'Etat a eu lieu", a ajouté, à ses côtés, le vice-président Alvaro Garcia Linera, qui a aussi démissionné.
 

Le président de l'Assemblée nationale, Victor Borda, a démissionné dimanche 10 novembre. Il aurait été visé par des manifestants qui ont incendié sa maison à Potosi (sud-ouest).
 

Peu après, le ministre des Mines, César Navarro, a également renoncé à son poste, disant vouloir "préserver (sa) famille" après l'incendie de sa maison et l'agression de son neveu.

"Le cours des événements va à l'encontre de mes principes personnels, ainsi que de mes valeurs spirituelles et démocratiques", a écrit quant à lui le ministre des Hydrocarbures, Luis Alberto Sanchez, dans sa lettre de démission envoyée au président et publiée sur Twitter.

  • Une élection présidentielle "entachée d'irrégularités"

Dimanche 10 novembre, un commandant indique que la police a arrêté la présidente du Tribunal électoral.

L'OEA avait demandé l'annulation du premier tour, entaché d'irrégularités selon elle, et la convocation d'un nouveau scrutin dès que les garanties seraient fournies pour son bon déroulement, "au premier rang desquelles la composition d'un nouvel organe électoral", par allusion au TSE.

Le secrétaire d'Etat adjoint américain chargé de l'Amérique latine, Michael Kozak, a réagi dans un tweet en demandant à l'OEA d'envoyer une mission en Bolivie pour s'assurer que les nouvelles élections soient "libres et justes, et le reflet de la volonté du peuple bolivien".

Dans un communiqué, la cheffe de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, avait salué "positivement" l'annonce de nouvelles élections, appelant "toutes les parties, surtout les autorités, à prendre leurs responsabilités démocratiques et les décisions appropriées permettant une réconciliation rapide et d'éviter de nouvelles violences".

Le scrutin du 20 octobre avait abouti à la réélection d'Evo Morales pour un quatrième mandat jusqu'en 2025, une option pourtant rejetée par la population lors d'un référendum en février 2016.

Son score annoncé par le TSE, dépassant de plus de 10 points celui de Carlos Mesa, avait aussitôt été qualifié de frauduleux par l'opposition.

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  • Au moins trois morts et 383 blessés

Les signes d'aggravation de la situation se multipliaient ces derniers jours, avec des mutineries d'unités policières dans plusieurs régions du pays et l'occupation de médias d'Etat par des manifestants.

L'armée a ordonné dimanche "des opérations militaires aériennes et terrestres pour neutraliser les groupes armés qui agissent en dehors de la loi", a indiqué son commandant en chef, le général Williams Kaliman.

Evo Morales avait encore lancé samedi un appel au dialogue, rejeté aussitôt par l'opposition, tandis que Cuba lui exprimait son soutien face à "l'aventure putschiste de l'impérialisme et de l'oligarchie".

La vague de contestation qui secoue le pays depuis trois semaines a fait trois morts et 383 blessés.

"Notre démocratie est en danger à cause du coup d'Etat en cours que des groupes violents ont lancé contre l'ordre constitutionnel", avait estimé Evo Morales vendredi soir.