Fil d'Ariane
Boutros Boutros-Ghali dans Internationales - Emission du 31 mai 2015
En janvier 1995, pour les 50 ans de l'ONU, lors d'un entretien avec des journalistes de Libération, il défendait le bilan d'une organisation contestée et souvent accusée d'impuissance
"Une réponse facile est de dire que les Nations unies dépendent de la volonté des Etats membres. C'est à eux de décider, et ils n'ont pas pris de décision. La responsabilité est en fait partagée entre les Etats membres d'une part et l'ONU. La communauté internationale était parvenue à trouver des formules pour gérer la guerre froide. Nous nous trouvons dans une situation nouvelle, l'après-guerre froide, dont nous ne connaissons pas encore tous les éléments. La communauté internationale n'a pas encore décidé ce qu'elle veut faire des Nations unies.
J'ajouterais que la guerre du Golfe a donné une trop grande crédibilité aux Nations unies. Il s'en est suivi une crise de crédibilité quand on s'est rendu compte qu'elles ne peuvent pas régler tous les problèmes. Le nouvel ordre international dont avait parlé Bush, la paix, n'ont pas été au rendez-vous. La période est même plus difficile que celle de la guerre froide et les Nations unies ne sont pas capables de résoudre tous les problèmes. Cela dit, l'ONU a quand même réussi à en surmonter énormément: en quatre ou cinq ans, les opérations du maintien de la paix sont passées de 2 ou 3 à 17 ou 18, leur budget de 300 millions de dollars à 3.800 millions. Et nous avons réussi au Salvador, au Mozambique, au Cambodge..."
En novembre 1997, Boutros Boutros-Ghali devient le premier Secrétaire général de la Francophonie, lors du 7ème sommet.
A cette occasion, les chefs d'Etat et de gouvernement adoptent définitivement la "Charte de la Francophonie", version remaniée du traité de Niamey qui, en mars 1970, fut à l'origine de l'Agence de coopération culturelle et technique.
Le Sommet de Hanoï sera le baptême d'une francophonie résolument plus politique. L'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) se penche sur la prévention des conflits entre les pays membres et s'engage à coopérer avec la communauté internationale pour garantir le respect des droits de la personne.
Enfin, la Conférence travaille sur la coopération économique. Après avoir reconnu "la nécessité de renforcer la dimension économique de la Francophonie" et "l'urgence de répondre au besoin de développement", il est décidé de réunir une première conférence des ministres francophones de l'Economie, "afin d'articuler un plan d'action autour de la notion de développement d'un espace de coopération économique francophone" (Déclaration de Hanoï).
Boutros Boutros-Ghali est un homme de conviction. Il refuse de céder au pessimisme ambiant sur le devenir de la langue française et, dès les années 2000, il évoque avec une singulière prescience l'outil internet au
service de la cause francophone :
" Je pense que l'on peut dire qu'il y a véritablement une communauté francophone sur Internet, dans la mesure où chaque francophone fait une utilisation singulière de cet outil. Parce que, si l'on s'en tient aux moyens d'information et de communication traditionnels, chaque francophone, dans son pays, est limité aux sources d'information nationales. Malgré les télévisions satellitaires -qui, du reste touchent encore une minorité de téléspectateurs- chacun est limité aux chaînes de télévision nationales, aux organes de presse nationaux. Mais avec Internet, on est dans une logique totalement différente où chaque usager peut avoir accès à n'importe quel site dans n'importe quel pays. Les Français peuvent ainsi consulter des sites en Afrique, les Africains des sites au Québec, les Québécois des sites en Asie, et ainsi de suite. Et c'est dans ce sens que l'on peut dire, qu'il y a, non seulement, une véritable communauté francophone sur Internet, mais que cette communauté, grâce à ce moyen de communication, est en passe de se renforcer. Il faut bien voir que la Francophonie va bien au-delà de la défense de la langue française. Elle se veut un moyen de promouvoir la diversité linguistique et culturelle, tant au sein de notre communauté qu'à l'échelle mondiale. Car il ne faut pas oublier que dans la plupart des 55 Etats et gouvernements membres de la Francophonie, le français n'est que la deuxième ou la troisième langue de communication, comme c'est le cas, par exemple, dans mon pays, l'Egypte. Et c'est ce dialogue des cultures que nous voulons favoriser."
Le décès de Boutros Boutros-Ghali a suscité des réactions au sein des instances par lesquelles il est passé. L'actuel Secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon a fait part de sa grande tristesse à l'annonce du décès de son prédécesseur arrivé à l'ONU dans une période pendant laquelle l'organisation a été beaucoup sollicitée. "Boutros Boutros- Ghali a fait beaucoup pour adapter la réponse de l'Organisation à cette nouvelle ère, en particulier à travers son rapport historique 'Un Agenda pour la paix' et les suivants sur le développement et la démocratisation.' Le Secrétaire général a ajouté : "Son engagement envers les Nations unies - sa mission et son équipe - était sans équivoque, et la marque qu'il a laissée sur l'Organisation reste indélébile."
De son côté, Michaëlle Jean a également rendu hommage à l'un de ses prédécesseurs sur TV5MONDE :