Brésil : Lula et son défi de sauver l’Amazonie

Après un mandat alarmant en terme écologique du président Jair Bolsonaro, Luiz Inacio Lula da Silva a bien conscience que son combat pour l’environnement et notamment pour la protection de l’Amazonie sera observé par le monde entier. Quelles promesses a fait le président travailliste face au réchauffement climatique ? 

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Une partie de l'Amazonie rendue en cendres par un incendie dans la région de l'Alvorada,

Une partie de l'Amazonie rendue en cendres par un incendie dans la région de l'Alvorada, à Novo Progresso, au Brésil, le 25 août 2019.

AP/Leo Correa
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C’était l'une des images les plus marquantes du mandat du président brésilien Jair Bolsonaro: la pénombre en plein après-midi à Sao Paulo, quand la mégalopole s'est recouverte d'une épaisse fumée provenant des feux de forêt en Amazonie. C'était le 19 août 2019, huit mois après son arrivée au pouvoir, comme en atteste le reportage du média brésilien Band Jornalismo.

Ces images de nuages noirs ont traversé plusieurs milliers de kilomètres vers le Sud. Ils ont attiré l'attention du monde entier sur la destruction de la plus grande forêt tropicale de la planète, avec une pluie de critiques de la communauté internationale.

Après quatre années de mandat, le bilan environnemental de Jair Bolsonaro est considéré comme désastreux par les écologistes. Sous son mandat, la déforestation annuelle en Amazonie a augmenté en moyenne de 75% par rapport à la décennie précédente.

« On est face à un choix radical: ou l'Amazonie va survivre, ou elle sera condamnée à la peine de mort avec la réélection de Bolsonaro ». C’est en ces termes que Marcio Astrini, responsable du collectif d'ONG Observatoire du Climat, présentait le scrutin présidentiel brésilien d’il y a 2 mois. 

Lula arrivera-t-il à faire oublier ce bilan terrible pour l’environnement au Brésil ?

L’Amazonie, de "puits de carbone" à source de CO2

Selon une étude publiée dans la revue Nature, l'Amazonie brésilienne est déjà passée de "puits de carbone" à source de CO2, relâchant sur la dernière décennie 20% de plus de ce puissant gaz à effet de serre qu'elle n'en a absorbé. Et ces émissions provenant d'Amazonie ont doublé lors des deux premières années du gouvernement Bolsonaro.

Forêt amazonienne
L'évolution de la déforestation de la forêt amazonienne entre 2004 et 2017.
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La présidence de Jair Bolsonaro, qui s’achève le 31 décembre, a été marquée une augmentation drastique de la déforestation en Amazonie, des records d’incendies, une hausse des émissions de gaz à effet de serre, la recrudescence de l’orpaillage et du trafic du bois sur les terres indigènes et une légalisation à la pelle des pesticides.

Sur tous ces fronts, Lula s’est engagé pendant la campagne présidentielle et sait qu’il est attendu par la communauté internationale. Pendant ses années de mandat, entre 2003 et 2011, le président de gauche avait cependant essuyé son lot de critiques, notamment pour sa décision de construire l'énorme centrale hydro-électrique de Belo Monte, dans l'Etat amazonien du Para.

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Sa première année de mandat, en 2003, avait été la deuxième la pire jamais enregistrée en termes de déforestation de l'Amazonie, avec 27 772 km2 déboisés, deux fois plus que les 13.038 km2 sous Bolsonaro en 2021. Mais son gouvernement est ensuite parvenu à réduire progressivement cette déforestation à des niveaux historiquement bas: en 2010, quand il a quitté le pouvoir, elle était quatre fois moins élevée qu'en 2003.

Lula à la COP27 avant d’avoir pris ses fonctions

Si Lula n'a pas encore choisi son ministre de l’Environnement, il a reçu en septembre un soutien de poids, celui de Marina Silva, son ancienne ministre de l’Environnement. Elle avait quitté le gouvernement en 2008, jugeant ne pas avoir été assez soutenue par Lula dans son combat pour la défense de l'Amazonie. Elle est depuis pressentie pour reprendre son poste.

Lula a par ailleurs promis durant sa campagne d'aller "encore plus loin" que les engagements pris par le Brésil pour réduire ses émissions lors de l'Accord de Paris sur le climat, avec une politique de tolérance zéro contre la déforestation.

Avec le prestige et l'influence de Lula sur la scène internationale, et face aux inquiétudes du monde entier au sujet de l'Amazonie, il est fort possible que des accords bilatéraux soient noués. Daniela Costa, porte-parole de Greenpeace au Brésil pour les questions climatiques

Le président bientôt en exercice a aussi annoncé une hausse des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans le cadre des Accords de Paris, la relance du Fonds Amazonie abondé par des financements internationaux pour la protection de la forêt et la lutte contre la déforestation. 

Avant même d’être un président en fonction, Lula s’est rendu à Charm el-Cheikh pour la COP27 en novembre, accompagné de Marina Silva. Il a notamment fait le déplacement afin de s’assurer des aides internationales dans son combat contre la déforestation de l’Amazonie.

"Avec le prestige et l'influence de Lula sur la scène internationale, et face aux inquiétudes du monde entier au sujet de l'Amazonie, il est fort possible que des accords bilatéraux soient noués", estime Daniela Costa, porte-parole de Greenpeace au Brésil pour les questions climatiques.

Luiz Inacio Lula da Silva a profité du déplacement en Égypte pour annoncer sa volonté d'organiser la conférence de l'ONU sur le climat en 2025 en Amazonie. Une proposition qui a été soutenue par plusieurs chefs d’État donc Emmanuel Macron. « Je soutiens le retour du Brésil dans une stratégie amazonienne. Nous en avons besoin », a insisté ce dernier.

Lula COP27
Le président brésilien, Luiz Inacio Lula da Silva, en troisième position à partir de la gauche, s'exprime lors du sommet de la COP27, le mercredi 16 novembre 2022, à Charm el-Cheikh, en Égypte.
AP Photo/Ahmed Hatem

Si toutes ces promesses semblent annoncer un mandat plus heureux pour la planète que celui de Bolsonaro, le président Lula devra composer avec un pays profondément divisé. À la tête des 27 États brésiliens, les gouverneurs sont à majorité bolsonaristes. Celui de Sao Paulo, État le plus peuplé, est gouverné par Tarcisio Gomes, un protégé de Jair Bolsonaro. Et les pouvoirs de ces gouverneurs sont loin d'être insignifiants, ils  peuvent notamment prendre leurs propres décisions en matière d’éducation, de santé ou de justice.

Même constat pour le Parlement. Les élections législatives du 2 octobre ont fait remporter le Parti libéral (PL) de Jair Bolsonaro, devenu première formation à la Chambre des députés comme au Sénat.