À 76 ans, il devient président pour un troisième mandat. Lula, à la tête du Brésil de 2003 à 2010, reste populaire malgré une condamnation pour fraude fiscale en 2018. Issu d’un milieu défavorisé, leader de la gauche, la légende Lula a déjà fait couler beaucoup d'encre. Portrait de l'homme qui doit redresser le Brésil.
Confronté à la pauvreté dès son plus jeune âge, ce cadet d'une fratrie de huit enfants est né le 6 octobre 1945 dans une famille d'agriculteurs pauvres du Pernambouc (nord-est). Enfant, Lula a arpenté les rues pour cirer les chaussures. Il passe les premières années de sa vie dans une pauvreté extrême. Sa famille parvient à quitter le nord-est du Brésil pour échapper à la faim. Il a sept ans lorsque le clan da Silva déménage à Sao Paulo pour échapper à la misère.
Cette migration interne ne tient pas ses promesses. Faute de revenus suffisants, Lula est contraint de commencer à travailler alors qu'il est encore adolescent. Vendeur ambulant puis ouvrier métallurgiste à 14 ans, il est victime d'un accident du travail. Pendant une journée à l'usine, le jeune homme perd son auriculaire gauche, sectionné par une machine. Cette mutilation a-t-elle marqué un tournant dans la vie du futur chef de file de la gauche brésilienne ? Il entre en tous cas quelques années plus tard au syndicat des métallurgistes. À l'âge de 21 ans, il conduit les grandes grèves de la fin des années 1970.
Fondateur du Parti travailliste brésilien au début des années 80, Lula devient une figure de poids à gauche à tout juste 30 ans. Son engagement public et le succès de ses actions dans un Brésil dirigé par la dictature militaire (1964-1985) lui valent plusieurs peines d'emprisonnemment.
Une première victoire historique en 2002
Lula se présente pour la première fois à l'élection présidentielle en 1989 et échoue de peu. Après deux nouveaux échecs, en 1994 et 1998, la quatrième tentative sera la bonne, en octobre 2002. Cette année-là, Lula est élu au second tour avec 61,27 % des suffrages exprimés, soit 52 772 475 des voix.
Cette victoire est historique : Lula devient le tout premier chef de l'État brésilien issu de la classe ouvrière. Au pouvoir, il met en œuvre d'ambitieux programmes sociaux, grâce aux années de croissance portées par le boom des matières premières. Il est réélu avec succès en 2006.
Sous ses deux mandats (2003-2010), près de 30 millions de Brésiliens sont sortis de la misère selon les projections d'analystes. Lula a aussi incarné un pays qui s'ouvrait sur le monde. Sa présidence a conféré au Brésil une place de choix sur la scène internationale, grâce à la promotion du sport et les événèments sportifs à stature internationale. Sous sa seconde mandature, il obtient notamment l'organisation du Mondial de football (2014) et les Jeux olympiques (2016) à Rio de Janeiro. Désigné personnalité de l'année 2009 par le journal français
Le Monde, Lula est nommé dirigeant le plus influent au monde l'année suivante par l'hebdomadaire américain
Time.
La chute d’un leader
Mais les années 2010 marquent aussi la fin de son ère. Son second mandat présidentiel prend fin en 2011 et il ne peut pas briguer un troisième mandat consécutif, comme le prévoit la réforme de la Constitution de 1997. Quelques temps après son départ du pouvoir, le héros de la gauche brésilienne se retrouve dans le viseur de la justice brésilienne.
Corruption, blanchiment d'argent, détournement de fonds publics et entrave à l'exercice de la justice... Lula est cité dans plusieurs affaires judiciaires. À partir de 2011, il accumule les audiences, les comparutions devant les tribunaux et bientôt les condamnations. Impliqué dans le plus grand scandale de corruption de l'histoire du Brésil, l'affaire Petrobras, il est reconnu coupable de corruption passive et blanchiment d'argent. En juillet 2017, le célèbre juge brésilien Sergio Moro le condamne à neuf ans et six mois de prison.
Blanchi par l'ONU, il n'a de cesse de clamer son innocence
Emprisonné jusqu’en novembre 2019, le chef de file du PT n'a de cesse de clamer son innocence. Il se dit victime d'un "complot politique" pour l'empêcher de se présenter à la présidentielle de 2018, pour laquelle il était donné favori.
Après un an et demi passé en prison, Lula voit l'horizon se dégager en mars 2021, après l'annulation de ses condamnations par la Cour suprême. Fin avril, le Comité des droits de l'Homme de l'ONU a conclu que l'enquête et les poursuites engagées contre Lula avaient violé son droit à être jugé par un tribunal impartial.
Une longue traversée du désert
En octobre 2011, après son départ du pouvoir, ses médecins lui diagnostiquent un cancer du larynx. Sa tentative de retour aux affaires en tant que ministre de la Maison civile de sa dauphine, Dilma Rousseff, en mars 2016, est un échec cuisant. Conspué dans l'hémicycle dès l'annonce de sa nomination, un juge fédéral de Brasília ordonne qu'il soit démis de ses fonctions. Une décision obtenue au bout de vingt-quatre heures.
Dans la tourmente, Lula bénéficie de l'appui de dirigeants sud-américains tels que Nicolás Maduro, Evo Morales, Michelle Bachelet et Rafael Correa Lula. Mais il est de nouveau affaibli lorsque Dilma Roussef, qui a fait toutes ses armes politiques à ses côtés, se retrouve à son tour empêtrée dans des scandales de corruption.
Lula s'allie avec un ancien adversaire de droite
En février 2017, l'ex-président a subi une épreuve intime avec la mort de son épouse, Marisa Leticia Rocco. Endeuillé, Lula a depuis retrouvé un nouvel amour, Rosangela da Silva, surnommée "Janja". Sociologue et militante du PT, de 21 ans plus jeune que lui, il l'a épousée en mai.
Idéaliste mais pragmatique, Lula est passé maître dans l'art de tisser des alliances parfois contre-nature. Pour briguer son troisième mandat, il a choisi comme colistier Geraldo Alckmin, technocrate de centre-droit et son adversaire lors de précédents scrutins : de quoi ramener les bolsonaristes les moins convaincus dans son camp.
Ce tribun charismatique à la voix rauque et à la barbe emblématique parcouru le Brésil pour aller au contact des électeurs malgré les restrictions imposées lors des bains de foule, pour des raisons de sécurité. Et même s'il s'est le plus souvent contenté de lire les discours rédigés par son équipe de campagne pour éviter les dérapages, comme des déclarations controversées en avril sur les policiers ou sur l'avortement, la magie opère.
Lula réélu pour un troisème mandat contre Bolsonaro
Le 30 octobre 2022, Lula est élu pour un troisième mandat à la tête du Brésil en battant Jair Bolsonaro d'un peu moins de deux points au second tour. Une victoire que son opposant a du mal à digérer : Jair Bolsonaro reste silencieux pendant deux longs jours après l'annonce des résultats, laissant planer le doute sur une eventuelle tentative de contester le scrutin. Ses partisans organisent des blocages sur de grands axes routiers, criant à l'élection truquée.
Mais le président sortant finit par admettre la défaite et promettre de respecter la Constitution et d'entamer la transition de pouvoir. Le 29 janvier 2022, Lula annonce enfin la composition complète de son gouvernement, trois avant son investiture. Seize ministres sont nommés lors d'une cérémonie à Brasilia, portant à 37 le nombre de portefeuilles de ce gouvernement qui fait aussi une place à la diversité. On compte parmi ses membres onze femmes et plusieurs ministres afro-descendants, dont celle de Marina Silva, femme noire de 64 ans qui avait déjà été ministre de l'Environnement de Lula de 2003 à 2008.
Dernière étape de ce retour en force : une cérémonie d'investiture sous haute tension : les forces de sécurité sont mobilisées à 100% après qu'une tentative d'attentat à l'explosif a été déjouée dans la capitale brésilienne. Une cérémonie qui se fera en l'absence de Jair Bolsonaro, qui a quitté le pays avant même la fin officielle de son mandat. Ce devrait être la première fois depuis 1985 qu'un président brésilien sortant décide de ne pas ceindre son successeur de l'écharpe présidentielle.
Éléments clé de la vie de Lula
- 1945 : naissance à Caetés, état pauvre du Pernamouc
- 1980 : il fonde le Parti travailliste brésilien
- 1986 : élu député fédéral à Sao Paulo
- 2003 - 2011 : présidence de la République du Brésil
- 2017 : condamnation pour corruption dans l’affaire Petrobras
- 2021 : Libéré depuis 2018, Lula est blanchi par la justice
- 2022 : il remporte sa troisième éléction présidentielle et détrone Jair Bolsonaro