Fil d'Ariane
Un dimanche de contestations à travers tout le pays. À Rio de Janeiro, une centaine de manifestants se sont réunis dans un centre commercial où se trouve un des supermarchés Carrefour. D'autres manifestations ont rassemblé plusieurs dizaines de personnes réclamant le boycott du groupe français, notamment à Salvador de Bahia ou à Santos.
Sur les pancartes des manifestants à Rio étaient indiquées : "Carrefour assassin" ou "Les vies noires comptent", slogan du mouvement Black Lives Matter, qui avait organisé les manifestations de masse après la mort tragique de George Floyd. Cet afro-américain est décédé le 25 mai 2020 à la suite de son interpellation par des policiers à Minneapolis aux Etat-Unis.
Vendredi soir, dans une série de tweets en portugais, le PDG de Carrefour, Alexandre Bompard, a exprimé ses condoléances après cet "acte horrible" et estimé que les images étaient "insupportables".
Il a également demandé "une revue complète des actions de formation des salariés et des sous-traitants, en matière de sécurité, de respect de la diversité et des valeurs de respect et de refus de l'intolérance".
Em primeiro lugar, gostaria de expressar meus profundos sentimentos, após a morte do senhor João Alberto Silveira Freitas. As imagens postadas nas redes sociais são insuportáveis.
— Alexandre Bompard (@bompard) November 20, 2020
"Nous n'acceptons plus ces excuses, ils ont promis des mesures, mais on n'a encore rien vu", a dénoncé Djefferson Amadeus, de l'Institut de Défense du peuple noir, qui manifestait dimanche 22 novembre à Rio.
"Nous n'allons pas nous taire tant qu'on continue à tuer notre peuple, cela montre que le racisme est encore bien présent au Brésil, non seulement au supermarché, mais aussi dans les favelas (quartiers pauvres de Rio)", a renchéri Thais dos Santos, manifestante de 23 ans.
Samedi 21 novembre, au début de son discours au sommet virtuel du G20, le président Jair Bolsonaro a une nouvelle fois ignoré les graves problèmes de racisme structurel qui minent le Brésil, un pays dont plus de la moitié des 212 millions d'habitants sont noirs ou métis.
Le dirigeant d'extrême droite a mis en avant le "métissage" du Brésil et a fustigé "ceux qui veulent semer le conflit et la discorde" en tentant "d'importer" dans son pays des "tensions raciales qui ne font pas partie de son histoire".
"En tant qu'homme et en tant que président, je vois tout le monde de la même couleur : vert et jaune (les couleurs du drapeau du Brésil)", a-t-il aussi affirmé, réitérant des propos diffusés la veille sur Twitter, quand il se disait "daltonien".
- Aqueles que instigam o povo à discórdia, fabricando e promovendo conflitos, atentam não somente contra a nação, mas contra nossa própria história. Quem prega isso, está no lugar errado. Seu lugar é no lixo!
— Jair M. Bolsonaro (@jairbolsonaro) November 21, 2020
Vendredi, son vice-président Hamilton Mourao, avait également suscité un tollé en affirmant qu'il n'y avait "pas de racisme au Brésil".
"Nous savons à quel point il est difficile d'éveiller les consciences, parce que les ennemis du combat contre le racisme sont au pouvoir actuellement", a déclaré Matheus Gomes, élu (Gauche) à l'assemblée législative de Porto Alegre, présent à l'enterrement.
Samedi, le pilote de Formule 1 Lewis Hamilton, noir, Britannique, sept fois champion du monde 1 et très impliqué dans le mouvement Black Lives Matter après la mort de George Floyd aux Etats-Unis, s'est dit sur Instagram "dévasté" par la nouvelle d'une "nouvelle vie noire perdue".
"Ça continue et il faut qu'on se batte pour que ça s'arrête", a-t-il écrit dans un message illustré par une photo de manifestation de vendredi à Porto Alegre.
Une cérémonie sobre en présence d'une quarantaine de personnes. Joao Alberto Silveira Freitas a été enterré samedi 21 novembre à Porto Alegre, dans le Sud du Brésil.
"C'est une immense tristesse, je ne souhaite ça à personne, j'ai du mal à retenir mes larmes", a déclaré João Batista Rodrigues Freitas, le père de ce Brésilien de 40 ans tué jeudi 19 novembre, à la veille de la journée nationale de la Conscience Noire.
"J'espère que toute l'émotion que sa mort a suscité fera en sorte que notre société s'améliore (...), qu'on enseigne les principes d'égalité sur les bancs de l'école", a lancé son père.
Selon les premiers éléments de l'enquête, Joao Alberto Silveira Freitas a été roué de coups pendant plus de cinq minutes avant d'être immobilisé par ses agresseurs et de mourir asphyxié.