Fil d'Ariane
Des dizaines de manifestations sont prévues, aujourd'hui samedi 31 août pour protester contre la décision du Premier ministre britannique de suspendre le Parlement quelques semaines avant la date annoncée du Brexit. Vendredi, une Cour écossaise, a rejeté une action visant à contrer cette suspension. La bataille judiciaire ne fait que commencer entre le gouvernement et les opposants à un Brexit dur qui dénoncent un "coup d'État".
"Arrêtez le coup d'Etat", "Défendez la démocratie", voici les mots d'ordre de la trentaine de manifestations programmées aujourd'hui au Royaume-Uni pour dénoncer la décision de Boris Johnson de suspendre le Parlement pendant plusieurs semaines. Le rassemblement le plus important aura lieu devant la résidence du Premier ministre au 10, Downing Street, à Londres, à partir de la mi-journée. D'autres sont prévus en Ecosse, en Irlande du Nord, et au Pays de Galles.
Pour l'organisation "Another Europe is Possible", qui a appelé à manifester, le but est de "forcer le gouvernement à changer de cap". Selon l'AFP, Michael Chessum, l'un des organisateurs a annoncé attendre "des centaines de milliers" de participants.
Alors que l’UE essayait encore de trouver un accord avec le Royaume Uni pour éviter un divorce sans accord le 31 octobre, les choses se sont accélérées à Londres, en cette fin de semaine. Les ministres des Affaires étrangères européens se sont réunis à Helsinki, en Finlande et attendaient une décision franche du gouvernement britannique. “J'ai une fois de plus indiqué clairement qu'il est maintenant nécessaire, pour des raisons de temps, de les mettre sur la table le plus rapidement possible", a insisté le ministre allemand Heiko Maas auprès de l'AFP. Plusieurs ministres ont confié avoir été "déçus" par la position britannique, qui refuse le backstop, dénoncé par le Premier ministre Boris Johnson comme “antidémocratique”.
Mercredi 28 août, le Premier ministre Boris Johnson a déposé une demande de suspension du Parlement, approuvée par la reine Elizabeth, pour lui “permettre de prendre le temps de préparer et de présenter un programme de politique nationale en tant que nouveau chef de gouvernement”, déclare-t-il dans un communiqué de presse. Il propose également des rencontres entre négociateurs britanniques et européens deux fois par semaine, en septembre pour discuter de la sortie de l'UE.
Mais pour l’opposition, il s'agit surtout d’une volonté du Premier ministre d’empêcher les députés de trouver un accord sur le Brexit, d'une sorte de “coup d’État”. Plus que la suspension en elle-même, c'est le moment choisi, pour le faire, et la durée de la suspension, qui choque. Á près de deux mois de la date fatidique du 31 octobre, décider d’une suspension de cinq semaines est une manière pour Boris Johnson d’empêcher les parlementaires de bloquer un Brexit sans accord selon ses opposants.
Cette décision a suscité une vague d’indignation au Royaume-Uni où une pétition en ligne s’y opposant dépasse ce vendredi les 1.6 million de signatures, ce qui est bien au delà des 100 000 signatures nécessaires au Royaume-Uni pour lancer l’ouverture d’un débat parlementaire.
Plusieurs actions en justice ont été lancées pour tenter de faire reconnaître comme illégale la décision de Boris Johnson. Soixante-quinze parlementaires pro-européens ont saisi en urgence la plus haute instance civile d'Ecosse. Le ministre des Affaires étrangères, Dominic Raab a jugé la plainte "absurde". Ce vendredi, une Cour écossaise a rejeté la demande de contrer la suspension du Parlement britannique, établissant de fait, la première victoire pour le gouvernement dans cette bataille judiciaire. Cette décision devrait cependant encore être confirmée lors d’une audience le 3 septembre.
Le juge Raymond Doherty, en charge de la plainte, a estimé qu'une interdiction n'était "pas nécessaire à ce stade" puisqu'une audience pour examiner en détail la demande aura lieu la semaine prochaine. Selon l’AFP, Il a toutefois jugé bon d'avancer cette audience du 6 au 3 septembre, la suspension étant prévue pour la deuxième semaine de septembre. Pour la députée du parti indépendantiste écossais (SNP), Joanna Cherry, qui a mené l’action, “tout reste à jouer”. Pour l’avocat des plaignants, Aidan O’Neil, la suspension du Parlement est "sans précédent". "Le gouvernement, basé sur une majorité parlementaire, cherche à imposer son pouvoir en suspendant le Parlement", a-t-il argumenté. "C'est inconstitutionnel et cette cour doit l'arrêter", a-t-il déclaré. Le porte-parole du gouvernement, Roddy Dunlop a, quant à lui demandé à la Cour de rejeter la demande, en raison du consentement de la reine.
Ce n’est cependant pas la seule action en cours. Un militant des droits de l’homme nord-irlandais, Raymond McCord a déposé un recours qui doit être examiné aujourd’hui. Lui aussi dénonce l'intention du Premier ministre. Sa représentante, Ciaran O’Hare a déclaré à l’AFP : "c’est sa motivation qui est illégale car il tente clairement de contourner le Parlement". L’ancien Premier ministre John Major a annoncé qu’il allait se joindre lui aussi, à l’action en justice intentée par une militante anti-Brexit, Gina Miller. L’audience aura lieu dans la semaine, le 5 septembre à Londres.
"Pour le moment", Londres n'a proposé "rien de crédible", a déploré vendredi le chef de la diplomatie irlandaise, Simon Covene. Le chemin vers le "No Deal" semble se dessiner.