Fil d'Ariane
Le Parlement européen a adopté, mercredi 5 avril, une position ferme pour les négociations du Brexit, refusant qu'un accord sur la future relation avec le Royaume-Uni, notamment commerciale, puisse être conclu avant que Londres se soit retiré de l'UE.
Réunis en séance plénière à Strasbourg, les eurodéputés ont voté comme prévu à une large majorité, par 516 voix pour, 133 contre et 50 abstentions, une résolution fixant plusieurs "lignes rouges" pour ces discussions détaillées ci-dessus par notre envoyé spécial au Parlement, Paul Germain.
Il reviendra à l'assemblée européenne d'approuver en fin de course tout accord conclu avec Londres pour régler les modalités de sortie des Britanniques de l'Union.
"Votre vote sera décisif pour décider des conditions de la future sortie", a prévenu le président du Parlement européen Antonio Tajani à l'ouverture du débat en début de matinée.
"Nous voulons envoyer un signal clair de l'unité de l'UE", avait expliqué la veille Manfred Weber, le chef de file du PPE (Parti populaire européen, droite), principal groupe politique du Parlement européen.
La résolution adoptée à Strasbourg (est de la France) avait obtenu le soutien préalable du PPE, du groupe socialiste et démocrate (S&D), des libéraux de l'ALDE, des Verts et de la GUE (gauche radicale européenne).
Les conditions fixées par le Parlement pour le Brexit rejoignent plusieurs points du projet d'"orientations de négociations" déjà présenté vendredi dernier par le président du Conseil européen, Donald Tusk.
Le débat dans l'hémicycle a donné lieu à un affrontement lorsque l'ex-dirigeant du parti britannique UKIP, l'europhobe Nigel Farage, a traité l'UE de "mafia" et ses membres de "gangsters". "Inacceptable", a rétorqué Antonio Tajani.
"On nous adresse une demande de rançon!", a tonné M. Farage, arborant des chaussettes aux couleurs de l'Union Jack, avant d'ajouter: "Ce n'est pas nous qui souffrirons (du Brexit). On n'est pas tenu de boire du vin français, d'acheter des voitures allemandes ou de manger des chocolats belges, on reviendra aux tarifs douaniers et cela mettra en péril les emplois de milliers de personnes travaillant dans l'Union européenne!"
Nous ne chercherons jamais à punir le Royaume-Uni. Michel Barnier, négociateur en chef de l'UE
La résolution du Parlement souligne que le Royaume-Uni devra respecter tous les engagements financiers qu'il a contractés comme Etat-membre, une facture qui pourrait s'établir entre 55 et 60 milliards d'euros.
"Nous ne chercherons jamais à punir le Royaume-Uni, nous lui demanderons simplement de payer ce à quoi il s'est engagé en tant qu'Etat membre, nous devons simplement solder ses comptes, ni plus ni moins", a plaidé le négociateur en chef de l'UE pour le Brexit, Michel Barnier.
La résolution insiste également pour que les termes du divorce soient fixés avant qu'un nouvel accord déterminant les relations entre le Royaume-Uni et l'UE soit conclu, contrairement au souhait de la Première ministre britannique Theresa May.
"Plus tôt nous nous mettrons d'accord sur les principes d'un retrait ordonné (du Royaume-Uni), plus tôt nous pourrons préparer nos futures relations", a argué M. Barnier.
Le texte du Parlement prévoit que des discussions sur des "dispositions transitoires" pourront commencer pendant la période de deux ans prévue pour les négociations si "des progrès tangibles" sont réalisés en direction d'un accord de retrait.
La résolution appelle aussi à protéger les droits des trois millions de ressortissants européens qui résident au Royaume-Uni et du million de Britanniques qui habitent dans des pays de l'UE.
Le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a promis de mener les négociations au nom de ces Européens qui ont tissé des liens avec le Royaume-Uni.
"Nous ne pouvons accepter que ces hommes et ces femmes soient pris en otage dans ces négociations, qu'elles les plongent dans des abîmes d'incertitude", a fait valoir M. Juncker.
"Nous sommes prêts à utiliser notre droit de veto si les conditions posées dans la résolution ne sont pas respectées. Notre priorité est aujourd'hui de protéger les droits acquis des citoyens européens qui sont menacés par le Brexit", a menacé le chef des sociaux-démocrates au Parlement, Gianni Pittella.
Plusieurs eurodéputés ont aussi tenu à avertir les Britanniques qu'une "approche à la carte" était inenvisageable et l'appartenance au marché unique possible seulement en échange de la libre circulation des biens, des capitaux, des services et des personnes.