Le ciel est plus bleu que d'habitude mais, à peu de choses près, Londres a son visage de tous les jours ce vendredi matin. Rien ne semble indiquer que le Royaume-Uni vit une journée historique alors que le camp du "Leave" l'a emporté la veille d'une courte avance. Rien, excepté la devanture des bureaux de change.
Deborah Sim, elle, n'a pas le coeur à plaisanter. Les yeux encore rougis par les larmes et le manque de sommeil, cette designer se dit "dévastée" par la nouvelle du Brexit.
La veille encore elle battait le pavé pour tenter de convaincre les Londoniens de voter pour le maintien du Royaume-Uni dans l'Union européenne. Comme nombre d'habitants de la capitale britannique, elle avait même affiché une pancarte "Vote Remain on the 23rd june" ("Voter 'rester' le 23 juin") à sa fenêtre. Mais le soir du vote, un homme l'a injuriée depuis la rue à cause de cette prise de position.
Pour Deborah, cette réaction dit quelque chose de la situation actuelle en Grande-Bretagne : "Le pays est totalement divisé entre le camp du "Leave" et le camp du "Remain". Il y a des amis et même des familles qui ont arrêté de se parler pendant la campagne", raconte-t-elle.
Un pays coupé en deux
Alors que les résultats du référendum donnent les deux camps au coude à coude dans le pays (51,9 % contre 48,1 %), Londres fait figure d'exception avec 59,9 % d'opinions en faveur du maintien dans l'UE (contre 24,7 % pour une sortie de l'UE).
La ville semble irréconciliable du reste du pays ce vendredi. Même en cherchant bien, il était presque impossible de trouver des pancartes en faveur du "Leave" dans les derniers jours de la campagne.
Pour cette habitante du quartier de Covent garden, dans le centre de Londres, le vote "Leave" est "un vote raciste et misogyne". "Je ne suis vraiment pas sûre, par exemple, que les députés britanniques soient sensibles à la questions des congés maternité", détaille-t-elle.
C'est Cameron qui a mis le pays dans cet état
Amilar Afsar, lui, était pour le "Leave". Ce vendredi matin, il s'affaire dans son café et ne semble pas tellement se réjouir que son camp l’ait emporté. En revanche, l'annonce de la démission du Premier ministre David Cameron dans trois mois le satisfait : "Qu'il parte, de toute façon c'est lui qui a mis le pays dans cet état !"
Sakthi Ariaratnam partage cette opinion. Le directeur de l'agence de change Thomas Exchange Global Ltd explique entre deux coups de téléphone que "sur le plan des sentiments, [il] étai[t] pour le "Leave", notamment pour qu'il y ait plus de contrôles de l'immigration", mais "en tant que professionnel du secteur financier", il a voté "Remain". Fin connaisseur du fonctionnement des marchés, il reconnaît que les choses ne vont pas changer du jour au lendemain.
En cas de nouveau référendum, Deborah est "sûre à 100 % que les Ecossais voteront pour leur indépendance". Alors comme d'autres de ses amis, cette "européenne passionnée" envisage déjà de demander un passeport écossais. Un passeport européen.