Alors que l'Europe planche laborieusement sur son budget pour les années à venir, le cri d'alarme des associations d'aide au plus désoeuvrés : le Conseil européen pourrait entériner le remplacement du Programme européen d’aide aux plus démunis (PEAD) par un fonds à la mission élargie. Les associations de redistribution alimentaire s’inquiètent pour les 18 millions d’européens qui dépendent de cette aide.
Image extraite de la campagne pour la reconduction du Programme européen d'aide aux démunis.
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Vingt-cinq ans après sa création, le Programme européen d'aide aux plus démunis (PEAD) va disparaître début 2014 après un sursis de deux ans négocié avec l'Allemagne, principal contributeur de cette aide alimentaire. Le 12 novembre dernier, les responsables allemands ont finalement annoncé qu'ils maintenaient leur financement jusqu'à fin 2013. Ils étaient en désaccord avec les 19 autres pays membres contributeurs. L'Allemagne comme l'Autriche, le Danemark, les Pays-Bas, la République Tchèque, la Suède et le Royaume-Uni s'opposaient à ce que les fonds tirés du budget de le PAC soit alloué à des politiques sociales. Pour ces pays, l'aide alimentaire doit dépendre d'un financement national et non européen. (voir l'interview ci-dessous) Le Fonds européen d'aide aux plus démunis (FEAD) devrait prendre le relais du PEAD si le Conseil européen le vote. Mais il serait amputé d'un milliard d'euros jusqu'en 2020 alors que l'actuel budget est de 500 millions d'euros en 2012. Les associations caritatives qui se chargent de la redistribution alimentaire s'inquiètent des coupes de budget qui seraient préjudiciables à 18 millions d'Européens qui en dépendent chaque année. En temps de crise économique, les besoins en aide alimentaire se font à nouveau sentir. A l'origine, les associations de distribution alimentaire gratuite récupéraient les excédents stockés de l'Union européenne. La Politique Agricole Commune (PAC) a réduit ses stocks et les l'UE a dû compenser financièrement la différence.
Trois questions à Gaëtan Lassale, chargé des relations institutionnelles à la Banque alimentaire
23.11.2012Propos recueillis par Léa Baron
Quels sont les points de désaccords au niveau européen qui mettent en péril le PEAD ? Comme tout budget européen, chaque pays participe au budget de l'Union dont une partie est redirigée vers le PEAD. En 2011, l’Allemagne a signifié qu’elle y participait sans bénéficier du PEAD. Ils ont aussi une approche différente de l’aide alimentaire et même de l’aide sociale. Ils ne comprennent pas ce fonctionnement qu'il considère dépassé. La Commission européenne a fait une proposition de règlement qui a été mise à disposition des chefs d’État pour réfléchir à l’éventualité d’un nouveau Fonds européens d’aide aux plus démunis (FEAD) qui prendrait la suite du PEAD en 2014. Cela devrait être décidé dans les négociations sur le budget général. Mais ça « devrait » car vu comme les négociations ont commencé, c’est mal parti. Qu’attendez-vous alors du Conseil européen ? Premièrement que l’idée d’un fonds soit validée car cela peut très bien être reporté ou passé à la trappe. Pour faire accepter l’idée d’un fonds européen d’aide (FEAD), il a été inscrit une "flexibilité" dans les termes de ce fonds qui permet à chaque État qui choisit d’utiliser ce fonds de le redistribuer dans des domaines autres que l’aide alimentaire telles l’accès aux biens essentiels pour les SDF et les enfants précaires. Ce qui fait qu’un PEAD qui était à destination essentiellement de l’aide alimentaire à hauteur de 500 millions d’euros annuels donc 3,5 milliards en sept ans, se retrouve avec 2,5 milliards d’euros donc un fonds moindre avec des thématiques supplémentaires. Ça veut dire que ça réduit pour les associations. Et il y aura aussi plus bénéficiaires car le fonds va être ouvert aux 28 pays [contre 20 aujourd’hui, ndlr]. Deuxièmement, dans la proposition qui a été faite par la Commission européenne, ils proposent 2,5 milliards sur 7 ans. Dans le projet de budget qui a été fait par la présidence chypriote, ils ne proposent que 2 milliards et nous ce que nous souhaitons c’est 4,75 milliards telle que l’a envisagé une étude la Commission. Le contexte économique européen accroit-il davantage les besoins en aide alimentaire ? Que ce soit au niveau français ou au niveau européen, il y a un changement d’aspect de la pauvreté, de la précarité. Cela tendait à disparaître au niveau européen. Quand on parle d’aide alimentaire on pense de suite aux pays d’Afrique, etc… Mais pourtant suite à la crise, la pauvreté, le concept d’aide alimentaire, de sous-alimentation, de malnutrition revient vraiment, surtout dans les pays européens comme en Grèce, en Italie, ou en Espagne. Cela revient vraiment l’ordre du jour et on doit y faire attention. Finalement faire disparaître cette aide alimentaire européenne, c’est complètement aberrant et ça va à l’encontre des idéaux de solidarité de l’Europe.
L'aide alimentaire européenne en chiffres
Le Programme européen d'aide aux plus démunis (PEAD) représente une enveloppe de 500 millions d'euros par an, issus de crédits de la Politique Agricole Commune (PAC). 18 millions d'Européens bénéficient du PEAD. 20 pays membres de l'UE contribuent au programme.
Le mécanisme du PEAD (source La Dépêche)
The Air Food Project
Une campagne internet a été lancée en octobre dernier pour soutenir la reconduction du Programme européen d'aide aux démunis (PEAD). A l'initiative des quatre associations caritatives françaises (Banques alimentaires, Croix-rouge française, Les Restaurant du cœur, le Secours populaire), des clips vidéos invitaient les Européens à se mobiliser. Ils montrent des gens qui mangent devant une assiette vide. Une manière de sensibiliser l'opinion sur les besoins alimentaires de 18 millions d'Européens par an.