Février-juin : le contraste "Nous sommes nombreux, nous sommes forts ! Mettons le feu aux monopoles !" En février dernier, les Bulgares qui n'en peuvent plus de la précarité - les milieux les plus fragiles et les classes moyennes les plus modestes - protestaient haut et fort contre la cherté de la vie. Avec la
hausse des prix de l'électricité, qui touchait particulièrement les ménages aux finances précaires, la coupe était pleine. Cet hiver-là, c'est le fardeau des factures qui poussait les Bulgares à envahir les rues de Sofia, mais aussi de Varna et de Plovdiv, les grandes villes du pays le plus pauvre de l'Union européenne. Le 20 février 2013, le
gouvernement de Boïko Borrisov (du parti de centre-droit GERB) démissionnait sous la pression. Le 12 mai,
il faisait place à un gouvernement de 'gauche' approuvé par le parti socialiste (PSB) et ses alliés. Et voilà que mi-juin, moins d'un mois après l'investiture du nouveau Premier ministre Plamen Orecharski, la rue gronde à nouveau pour réclamer la "démission de la mafia" et dénoncer la "pourriture rouge". C'est d'ailleurs la
nomination, le 14 juin 2013, de Delyan Peevski, un jeune député au passé trouble, à la tête de l'Agence nationale de Sécurité (DANS), qui a mis le feu aux poudres. Depuis, les manifestants investissent chaque jour les espaces publics - devant le Parlement, le Palais de la culture ou le siège du gouvernement - pour appeler à l'indépendance d'une classe politique inféodée à l'oligarchie. Ces mouvements-là ne mobilisent pas seulement les classes sociales qui se battent au jour le jour pour boucler les fins de mois. Ils passent par les réseaux sociaux et drainent les milieux urbains, éduqués et financièrement plus à l'aise. "Contrairement aux classes défavorisées qui s'insurgeaient contre la vie chère l'hiver dernier, ceux-là revendiquent aussi leur hostilité aux ex-communistes qui perpétuent la domination de la nomenklatura communiste ou de ses enfants sur le système politique," explique Nadège Ragaru (voir encadré ci-contre). Des choix politiques différents Alors qu'en février, les protestations étaient animées par une sensibilité politique de gauche, assimilée au PSB, les manifestants de juin, eux, s'inscrivent dans une tendance politique dite 'de droite', derrière le parti GERB, "même si la droite bulgare n'a rien à voir avec la droite française, ni même avec la droite en Hongrie, où la politique et beaucoup plus polarisée qu'en Bulgarie," insiste la chercheuse. Aujourd'hui, une partie des manifestants sont clairement anti-communistes, même s'ils sont souvent aussi critiques à l'égard du GERB que vis-a-vis du PSB. "Ils se rapproche plutôt de l'ancien CDC, l'Union des Forces démocratiques, une force politique hétérogène qui a connu son heure de gloire dans les années 1990," explique Nadège Ragaru.