Burkina Faso : démonstration de force de l'armée

Des milliers de Burkinabés ont convergé ce dimanche matin vers le siège de la Radio-Télévision nationale pour contester le nouvel homme fort de la transition, le lieutenant-colonel Isaac Zida. L'armée est alors intervenue pour disperser la foule et prendre le contrôle de la radio-télévision nationale et de la place de la Nation, haut-lieu de la contestation à Ouagadougou.
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Burkina Faso : démonstration de force de l'armée
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Les hommes de Zida dispersent les manifestants

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02.11.2014Liliane Charrier, avec agences
Vingt-quatre heures après la chute du président Blaise Compaoré, chassé par la rue après 27 ans de pouvoir, les hauts gradés de l'armée ont mis fin à leurs dissensions et ont désigné samedi "à l'unanimité" le lieutenant-colonel Zida, 49 ans, numéro deux de la garde présidentielle, comme chef d'un régime de transition, aux dépens de son rival, le chef d'état-major des armées, le général Nabéré Honoré Traoré, qui briguait le poste. Se voulant rassurants pour éviter le spectre d'une junte autoritaire, les militaires ont affirmé que cette transition se ferait de manière démocratique, en concertation avec l'opposition et avec la société civile, tout en restant flous sur les modalités pratiques. Mais l'opposition et la société civile du petit pays sahélien refusent la "confiscation" du pouvoir par l'armée. Ils ont appelé à un nouveau rassemblement sur la place de la Nation dans la capitale Ouagadougou, lieu emblématique des manifestations de masse qui, la semaine dernière, ont fait chuter le régime de Blaise Compaoré.
Burkina Faso : démonstration de force de l'armée
Des milliers de Burkinabès marchent vers la télévison nationale (@ISSOUF SANOGO - BELGAIMAGE)
Des milliers de manifestants Ce dimanche matin, ils n'étaient pas plus d'un millier au rassemblement convoqué par l'opposition et la société civile pour dénoncer la prise du pouvoir par l'armée, la veille. Sur les panneaux, on pouvait lire "Non à la confiscation de notre victoire, vive le peuple !", ou "Zida dégage", "Zida c'est Judas", en référence au lieutenant-colonel Isaac Zida, désigné par l'armée comme chef du régime de transition. Un autre manifestant brandissait cette pancarte : "Pas d'opportunisme, nous aimons le colonel mais nous préférons un civil". Parmi les leaders de l'opposition, l'un d'entre eux a prononcé une courte allocution : "Restez vigilants pour préserver la victoire du peuple. Restez mobilisés pour les mots d'ordre à venir, a lancé à la petite foule Jean-Hubert Bazié, chef du parti Convergence de l'Espoir. L'opposition réaffirme la nécessité d'une transition consensuelle pour ramener l'ordre constitutionnel", a-t-il aussi poursuivi, avant de demander aux gens de se disperser dans le calme. "Nous ne voulons pas d'une récupération de la victoire du peuple par les militaires, a déclaré Karim Zongo, un commerçant de 28 ans. Après le départ de Blaise Compaoré (le président déchu vendredi), on n'a pas consulté le peuple pour désigner le nouvel homme fort. Notre lutte maintenant c'est le départ pur et simple du lieutenant-colonel Zida", le leader de la transition nommé par l'armée, a renchéri Abdoulaye Traoré, un sans-emploi de 33 ans.

Les Burkinabès ne veulent pas de l'armée

02.11.2014Interview de Xavier Lambrechts
Jean-Baptiste PLACCA, journaliste à Radio France International, est l'invité du 64' de TV5MONDE.
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L'armée montre les dents Dans la matinée, aucune unité des forces de l'ordre n'était encore visible sur la place. Parmi les manifestants, essentiellement des jeunes, la déception, voire le mécontentement se faisaient sentir alors que le rassemblement a duré à peine plus d'une heure. Ce n'est qu'à la fin du meeting, alors que les manifestants n'étaient pas dispersés, que les habitants de Ouagadougou ont progressivement convergé vers la place. L'armée s'est alors imposée par la force face aux manifestants. Des soldats ont pris le contrôle de la radio-télévision nationale, tandis que d'autres occupaient la place de la Nation proche devenue un centre d'agitation au coeur de Ouagadougou. Les troupes du régiment de sécurité présidentiel du nouvel homme fort du Burkina, le lieutenant-colonel Isaac Zida, ont tiré en l'air dans la cour d'entrée du siège de la radio-télévision burkinabé (RTB) pour disperser la foule avant de se rendre maître des lieux. Tous les personnels de la RTB et les journalistes étrangers ont été évacués.
Condamnations internationales Washington a appelé dans la nuit "l'armée à transférer immédiatement le pouvoir aux autorités civiles", selon la porte-parole du département d'Etat, Jen Psaki. Les Etats-Unis, un des alliés privilégiés du Burkina, "condamnent la tentative de l'armée burkinabè à imposer sa volonté au peuple du Burkina Faso", a-t-elle ajouté. La constitution, que les militaires ont dit avoir suspendue, prévoit que le président de l'Assemblée nationale assure l'interim du pouvoir en cas de vacance. La médiation internationale tripartite au Burkina conduite par l'ONU, l'Union africaine et la Cédéao, l'organisation régionale de l'Afrique de l'Ouest, a, elle évoqué la menace de "sanctions". "Nous espérons qu'il y aura une transition conduite par un civil, conforme à l'ordre constitutionnel. Sinon les conséquences sont assez claires. Nous voulons éviter pour le Burkina Faso la mise en place de sanctions", a déclaré l'émissaire de l'ONU pour l'Afrique de l'Ouest, Mohamed Ibn Chambas lors d'une conférence de presse à Ouagadougou.

Isaac Zida ne veut pas quitter le pouvoir

02.11.2014Interview de Xavier Lambrechts
Boundi Ouoba, rédacteur en chef du quotidien Le Pays, est en direct de Ouagadougou dans le 64' de TV5MONDE.
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