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Cambodge : 40 ans après la fin des Khmers rouges, Séra explore les racines d'une tragédie

Le Cambodge s'apprête à commémorer le 40ème anniversaire de la chute du régime Khmer rouge, le 7 janvier. Depuis des années, le dessinateur, artiste peintre et sculpteur franco-cambodgien Séra interroge la tragédie Khmer rouge. Il est notre invité à l'occasion de la publication de son récit graphique sur le Cambodge entre 1967 et 1975 : Concombres amers, les racines d'une tragédie.

Au Cambodge, ce début d'année marque le 40ème anniversaire de la fin du régime des Khmers rouges. Le 7 janvier 1979, Phnom Penh, capitale du Kampuchea démocratique, tombait aux mains de l'armée vietnamienne. Ce jour-là marque l'effondrement de Pol Pot et la fin de près de quatre interminables années pour ses millions de victimes, dont près de deux millions de morts - soit un tiers de la population du Cambodge. Pour certains, ce fut une libération ; pour d'autres, le début de dix ans d'occupation.
 

Né à Phnom Penh en 1961, Phoussera Ing, alias Séra, a 14 ans lorsque, le 17 avril 1975, les Khmers rouges entrent dans la capitale cambodgienne. Lui est exfiltré, avec sa mère, tandis que son père - il l'a appris voici peu seulement - sera exécuté en 1978, quelques jours avant la chute du régime. Il se souvient de tout et, dès son arrivée en France, en 1975, n'a de cesse de se poser des questions.
 

Qui, le premier, donna son sang pour défendre la patrie ? Nul ne le sait.
Séra

Pendant des années, il glane, recueille, compile les documents historiques, les points de vue différents et les témoignages pour tenter de répondre à ses interrogations, qui peuvent se résumer en une seule grande question : "Comment en est-on arrivé là ?" Avec une volonté de mettre en perspective un pan méconnu de l'histoire du Cambodge, peu à peu, il échafaude le récit graphique Concombres amers - Les racines de la tragédie 1967-1975, publié chez Marabout. Un album qui évoque la période qui a précédé celle de l'Angkar (le Parti communiste du Kampuchéa des Khmers rouges), les années putchistes de Lon Nol - des années souvent ignorées, alors qu'elles portent les germes de la prise de pouvoir par les Khmers rouges.
 

Un livre d'histoire

"Concombres amers est un livre d'histoire", dit l'auteur. Un livre qui tente de répondre à toutes les questions que l'auteur se pose, tout en évitant les écueils des on-dit et des clichés. Un livre qui interpelle aussi le lecteur : Pourquoi, comment le peuple khmer a-t-il pu se laisser laminer par la machine totalitaire khmer rouge, perdre ses repères et sa mémoire commune ?

Il souligne également l'incompétence des dirigeants cambodgiens, à commencer par la "vraie-fausse" neutralité du roi Sihanouk. Un roi adulé, mais un roi "blessé dans son orgueil", dont le seul moyen de préserver le pays et la couronne fut de s'allier avec les communistes, de renouer avec ses ennemis d'hier. 
 

Le mot 'génocide' a été prononcé, mais il y a encore beaucoup à faire sur la notion qu'il recouvre.
Séra

En novembre 2018, le tribunal international parrainé par l'ONU a condamné pour génocide à l'égard des vietnamiens, des Chams, mais non du peuple khmer, deux des plus hauts dirigeants KR encore en vie. Pas encore de quoi crier victoire, souligne Séra : "Le génocide est évoqué, le mot a été prononcé, mais il y a encore beaucoup à faire sur la notion qu'il recouvre et les faits qui se sont déroulés au Cambodge, ces années-là," souligne-t-il.
 

Travail de mémoire

Ce 7 janvier, au Cambodge, la cérémonie prévue au stade national de Phnom Penh avec 40 000 participants témoigne d'une volonté de mémoire de la part des autorités. "C'est l'occasion pour le pouvoir actuel d'affirmer sa légitimité et sa volonté du bien du peuple, c'est nécessaire," explique-t-il.

à ceux qui ne sont plus là
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Séra, lui, est à l'initiative d'un projet de mémorial aux victimes du régime khmer rouge intitulé "À ceux qui ne sont plus ici" qu'il imaginait pour Phnom Penh. Des retards dans les autorisations ont différé la réalisation de ce projet initialement prévue pour 2015, année du 40e anniversaire du début du régime des Khmers rouges.

Les autorités cambodgiennes ont fini par accorder leur autorisation sur la forme du mémorial, mais en le tenant à l'écart des regards du public : le mémorial ne sera finalement pas érigé dans le centre-ville comme le souhaitait Séra, mais dans l'enceinte du Musée du génocide Tuol Sleng, dans l'ancienne prison S21.