Cambodge : le dernier dirigeant des Khmers rouges condamné à la prison à perpétuité

Le Cambodge referme ce jeudi 22 septembre le chapitre le plus sanglant de son histoire. Le Tribunal spécial chargé de juger les crimes commis par les Khmers rouges a condamné l’ancien chef d’État du "Kampuchéa démocratique" pour génocide. Il s’agit vraisemblablement de la dernière décision du tribunal dont la fermeture est prévu pour 2025 faute de "hauts responsables" encore en vie.
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Le Tribunal spécial du Cambodge juge Khieu Samphan, l'ancien chef d'État des Khmers rouges. Jeudi 22 septembre 2022.
Nhet Sok Heng/AP Photo
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Assis sur son fauteuil roulant, Khieu Samphan ancien chef d’État du Kampuchéa démocratique [actuel Cambodge] est jugé pour son implication dans les crimes du régime entre 1975 et 1979. 

Cet homme âgé de 97 ans est finalement reconnu coupable de "crimes contre l'humanité - meurtres, mises en esclavage, mariages forcés, viols et de graves violations aux Conventions de Genève". Son procès débuté en janvier 2011 s’est achevé ce jeudi 22 septembre après plus de 11ans. 

Khieu Samphan, le dernier "haut responsable des Khmers rouges" condamné

Khieu Samphan "avait connaissance directe des crimes et il partageait l'intention de les commettre avec les autres participants de l'entreprise criminelle commune" a affirmé le président de la Chambre de la Cour suprême, Kong Srim à l’issue du procès. 

L’ancien chef d’État est ainsi désigné responsable de "certains des actes les plus haineux" de la dictature des Khmers rouges.

À voir : Cambodge: la perpétuité pour le dernier dignitaire khmer rouge vivant
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Khieu Samphan, est l’un des rares visages publics du régime encore vivant. Il a toujours nié son implication dans les faits qui lui sont reprochés, notamment dans le génocide contre les Vietnamiens.
 
Les crimes imputés au mouvement des Khmers rouges 

Le mouvement des "Khmers rouges" prend le pouvoir au Cambodge le 17 avril 1975 au terme d'un conflit civil qui l’oppose au gouvernement pro-américain de Lon Nol à partir de 1967. 

L’homme fort du nouveau régime, Pol Pot, désire construire une utopie marxiste au Cambodge et rebaptise le pays "Kampuchea démocratique". Il abolit la religion, les écoles, la monnaie et vide les villes au profit de fermes collectives dans les campagnes. Durant ses années au pouvoir, le régime multiplie les purges en évoquant de multiples "complots" pour se justifier.

Quelque deux millions de Cambodgiens, soit environ un quart de la population, meurent d'épuisement, de famine, de maladie ou à la suite de tortures et d'exécutions. Par ailleurs, des centaines de milliers de Vietnamiens et de cham, minorité musulmane vivant dans le pays, sont également massacrés. 

Les Khmers rouges sont renversés le 7 janvier 1979 par le Vietnam, allié à d'anciens membres du mouvement Khmers ayant fait défection. 

Les membres des Khmers rouges deviennent des "rebelles" soutenus militairement par Pékin avec l’assentiment des Etats-Unis. Ces derniers s’opposent ainsi au gouvernement vietnamien d’Hanoï soutenu par le camp soviétique. Le mouvement ultra-maoïste finit cependant par s'effondrer à la fin des années 1990.
La dernière audience du procès a rassemblé près de 500 personnes, dont des familles de victimes, des moines bouddhistes et des diplomates. 
 
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Des visiteurs dans la galerie observent la salle d'audience pendant l'audition de Khieu Samphan, l'ancien chef d'État des Khmers rouges. Tribunal des crimes de guerre soutenu par les Nations Unies à Phnom Penh, au Cambodge, jeudi 22 septembre 2022.
Nhet Sok Heng Via AP Photo

300 millions d’euro depuis 2006 et trois personnes condamnés 

En 2003, le Cambodge et l’ONU signent ensemble un accord pour la création des Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (CETC). Mise en place en 2006, ce tribunal exceptionnel coute plus de 300 millions d'euros et a condamné trois personnes depuis sa création. 

La Cour est composée de magistrats cambodgiens et internationaux et ne peut juger que les "plus hauts responsables" du régime déchu. Des milliers de cadres du parti, aux rangs moins élevés, ne sont ainsi jamais présentés devant ce tribunal. Ce dernier exclut également la peine de mort ainsi que les compensations financières aux victimes. En 11 ans seuls trois responsables sont ainsi condamnés par cette instance juridique. 

Kaing Guek Eav, alias "Douch", chef de la prison de Tuol Sleng (S21) à Phnom Penh a été condamné en 2012 à la perpétuité pour "crimes de guerre" et "crimes contre l'humanité". Dans cette prison quelque 15.000 personnes ont été torturées avant d'être exécutées. Kaing Guek Eav, quant à lui, est mort en septembre 2020 à l'âge de 77 ans.

À lire : Cambodge : d'anciens dirigeants khmers rouges condamnés pour génocide

Le second responsable condamné Nuon Chea est un idéologue du régime. Il s’est vu infligé une peine de peine de prison à vie pour "crimes contre l'humanité" en 2016. Il meurt en 2019 à l’âge de 93 ans.

Khieu Samphan chef de l'État khmer rouge est donc le troisième et dernier condamné par le tribunal spécial. Il s’agit vraisemblablement de la dernière décision du tribunal, qui doit fermer à l'horizon 2025, faute de dirigeants encore en vie.