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Cambodge : l'opposant Sam Rainsy réagit à l'arrestation de Kem Sokha

"Un prétexte cousu de fil blanc pour décapiter l'opposition démocratique au Cambodge." C'est ainsi que l'opposant cambodgien Sam Rainsy, exilé en France, qualifie l'arrestation dans la nuit de ce 3 septembre du chef du Parti du salut national du Cambodge, Kem Sokha. Entretien.

Vous vous étiez retiré du CNRP (Cambodia National Rescue Party / Parti du salut national du Cambodge) pour laisser à l'opposition ses chances aux élections. Quel soutien pouvez-vous aujourd'hui apporter à l'opposition ?

Sam Rainsy : Connaissant Kem Sokha et suivant ses activités politiques depuis 25 ans, je peux affirmer que ces soi-disant confessions, faites en Australie devant un groupe de sympathisants du CNRP en novembre 2013, telles qu'elles ont été mises en avant par la police à Phnom Penh n'ont pas du tout la signification qu'on leur prête. Kem Sokha a parlé d'un soutien d'une organisation internationale américaine, et d'autres, pour aider l'opposition cambodgienne à obtenir un changement démocratique à l'image de ce qui s'est passé en Serbie ou en ex-Yougoslavie. Des manifestations pacifiques, différents courants démocratiques qui s'unissent pour obtenir la chute de Milosevic. Rien d'illégal ni de criminel dans cette démarche pour obtenir qu'un régime autoritaire cède la place à un régime plus démocratique.

Vous réfutez l'accusation de trahison ?

SR : En politique, on cherche à obtenir un changement démocratique par voix pacifique. Rien à voir avec un quelconque acte de trahison. Mais vous savez : qui veut tuer son chien l'accuse de la rage. Cela prouve que Hun Sen a très peur. Son vrai but est de faire dérailler le processus électoral, faire en sorte que le seul parti qui puisse gagner en 2018 soit le sien. Il faut que le CNRP soit au mieux décapité, au pire dissout, sous prétexte que son dirigeant a commis une trahison, afin que Hun Sen puisse gagner les élections tout seul, sans adversaire. 

Kem Sokha n'est-il  pas couvert par son immunité parlementaire ?

SR : Au Cambodge, on ne tient pas compte de l'immunité parlementaire. Ce sont des principes qui restent très théoriques dans la Constitution et le règlement interne de l'Assemblée nationale. Quand ils veulent arrêter quelqu'un ou quelque chose, ils le font immédiatement sous prétexte de flagrant délit. Or Kem Sokha a prononcé ces paroles en 2013 : quel flagrant délit ?

Ces derniers mois, 19 stations de radio ont fermé, de nombreux journalistes ont été menacés, des ONG aussi, le Cambodia Daily qui annonce sa fermeture demain... Hun Sen est-il en train de bâilloner l'opposition ?

C'est plus que cela. C'est une vraie chape de plomb qui s'abat sur le Cambodge. C'est le règne d'un seul parti, d'un seul homme sur le pays qui, pourtant, fait l'objet des accords de Paris qui prévoit un processus de démocratisation.
C'est un régime de plus en plus dictatorial.

Comment le parti peut-il réagir ?

C'est au-delà du parti : quand vous visez toute voix critique, quand vous entravez toute expression de la conscience de chaque individu, les conséquences peuvent être très graves. Tout est possible, car Hun Sen fait des choses qui dépassent la raison humaine.