CAN 2025 : le retrait de la compétition à la Guinée “n’est absolument pas une surprise”

La sentence est tombée, comme redoutée depuis des semaines : la Confédération africaine de football (CAF) a retiré l'organisation de la Coupe d'Afrique des nations (CAN) 2025 à la Guinée. 

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CAN 2025
Patrice Motsepe, président de la Confédération africaine de football a annoncé le retrait de l'organisation de la CAN 2025 à la Guinée. Le pays, qui manque d'infrastructures, ne sera pas prêt à temps. 
Themba Hadebe / AP
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C’était un secret de polichinelle, il est finalement éventé : la Guinée n’organisera pas la CAN 2025. Le président de la CAF, le Sud-Africain Patrice Motsepe, a fait le déplacement à Conakry pour informer en personne le colonel Mamadi Doumbouya, chef de la junte au pouvoir en Guinée depuis septembre 2021, de sa décision. 

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Une décision qui remonte, de son propre aveu, au mois de juillet, mais qu’il a choisi de ne pas rendre publique avant la visite d'évaluation de la CAF, début septembre. Au terme de cette visite, la CAF avait évoqué l’idée d’un report de la compétition à 2026 ou 2027. Une proposition immédiatement rejetée par le colonel Doumbouya, qui avait réaffirmé sa volonté d’accueillir la compétition à la date prévue initialement. 

Cet ultime refus aura donc scellé la décision de la CAF, qui a annoncé qu’elle rouvrait un appel à candidatures pour les pays hôtes, "parce qu'en l'état actuel, les infrastructures et les équipements ne sont pas adaptés ou prêts pour que la CAF puisse accueillir la CAN en 2025 en Guinée", expliquait Patrice Motsepe lors de la conférence de presse. 

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Difficultés insurmontables

"Ce n’est absolument pas une surprise", confirme Patrick Juillard, journaliste pour Foot 365 Afrique. Pour lui, la question était surtout de savoir quand et comment la CAF allait annoncer le retrait de la compétition à la Guinée, car il était clair que le pays ne serait pas prêt dans les temps. 

"La CAF a attribué cette CAN à la Guinée il y a presque 10 ans", rappelle Patrick Juillard. "À l'époque, elle a reçu un cahier des charges pour une CAN à 16 équipes, donc avec quatre stades. La règle du jeu a changé en cours de route, quand la CAF, sous le mandat d’Ahmad Ahmad, a passé la phase finale à 24 équipes. Et là, ça devient beaucoup plus compliqué, il faut avoir les reins beaucoup plus solides ! Déjà à 16, beaucoup s’interrogeaient sur la capacité de la Guinée à faire face, alors à 24, cela paraissait insurmontable"

Priorité politique

Organiser cette épreuve s'annonçait comme un défi majeur pour la Guinée, un des pays les plus pauvres de la planète, qui manque d'infrastructures adaptées : la capitale dispose d'un stade récent et d'un autre vétuste, susceptibles d'héberger une telle compétition, mais aucun à l'intérieur du pays. 

La CAF sait bien que la Guinée ne peut pas se mettre au niveau en 3 ou 4 ans
Patrick Juillard, journaliste pour Football365 Afrique

Et malgré l’attribution de la compétition dès 2014, l’organisation de cette CAN n’est devenue une priorité politique que très récemment, avec l’arrivée de Mamadi Doumbouya au pouvoir. Fermement décidé à honorer ce rendez-vous, le colonel Doumbouya avait nommé en mars un nouveau comité d'organisation, évinçant l'ancienne équipe, dont l'un des membres exprimait publiquement ses doutes quant à la faisabilité du projet. Il avait également pris un décret fin août, déclarant l'organisation de la CAN 2025 "d'intérêt national et prioritaire", à la veille de l'arrivée de la mission d'évaluation de la CAF.

Mais rien n’y fait, car malgré cette bonne volonté affichée, les travaux de construction ont à peine commencé et la Guinée manque de tout : stades, centres d'entraînements, routes, hôtels… "La CAF sait bien que la Guinée ne peut pas se mettre au niveau en 3 ou 4 ans pour accueillir une CAN avec 24 équipes, 24 délégations, des journalistes par centaines etc.", estime Patrick Juillard. 

Désorganisation chronique 

C'est un nouveau contretemps pour la compétition reine du sport roi sur le continent. En 2014, la CAF avait attribué les trois prochaines CAN d'un coup: 2019 au Cameroun, 2021 à la Côte d'Ivoire et 2023 à la Guinée. Après le retrait au profit de l'Égypte de l'organisation de la CAN 2019, la CAF avait décalé le calendrier, attribuant l'édition suivante, en 2021, au Cameroun et celle de 2023 à la Côte d'Ivoire. La Guinée avait alors accepté d'organiser l'édition 2025.

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Ces problèmes de calendrier sont devenus habituels pour la CAF. "Cela fait une bonne dizaine d’années que la CAN n’a jamais lieu à la date, ou dans le pays initialement prévu… Il y avait une CAN prévue en Libye qui a finalement eu lieu en Afrique du Sud, une CAN prévue au Maroc en 2015, mais le Maroc s’est retiré de l’organisation et la CAF a finalement dû l'attribuer à la Guinée équatoriale, quelques mois avant la date prévue", énumère Patrick Juillard. 

Des difficultés qui pénalisent le football africain et ses joueurs sur la scène internationale estime le journaliste : "Les clubs qui recrutent des joueurs africains à l’international peuvent se dire “dans notre planning, il y a une CAN qui était prévue en juin/juillet, et qui finalement est décalée à janvier, donc on risque de perdre le joueur en pleine saison…" Cela a introduit une zone d’incertitude supplémentaire quant à la disponibilité pleine et entière des joueurs africains". 

Fin de partie pour la Guinée ?

Les travaux commencés doivent encourager la Guinée à postuler à l'organisation de compétitions, assure Patrice Motsepe, mais pour Patrick Juillard, même l’organisation du Championnat d’Afrique des nations (CHAN) semble compromise. 

La Guinée  a pris un coup derrière la tête
Patrick Juillard, journaliste pour Football365 Afrique

Et le désaveu de la CAF est un coup sévère porté au pays : "La Guinée  a pris un coup derrière la tête. Est-ce qu’elle va se relever malgré tout ? Est-ce qu’elle va poursuivre ses projets de mise à niveau des infrastructures sportives ? J’ai un doute", admet Patrick Juillard. La Guinée semble définitivement sur la touche. La question qui agitera le football africain pour les prochains mois est donc celle de la succession. 

Qui pour reprendre le flambeau ? Le Maroc, candidat malheureux à l’organisation de la CAN 2025 pourrait à nouveau se présenter, et l’Afrique du Sud, qui a accueilli la Coupe du monde en 2010, est apte à recevoir la compétition. L’Algérie pourrait aussi se présenter, ayant mis à jour ses infrastructures sportives en vue de l’accueil du CHAN 2023. Au cours d’une conférence de presse le 1er octobre à Alger, Patrice Motsepe a annoncé qu’une dizaine de pays avait déjà exprimé leur intérêt. "Ce que je peux vous assurer c'est que nous n'allons pas choisir un pays qui ne soit pas à un niveau adéquat pour remplir nos standards de qualité", a promis le patron de la CAF.