Canada : après l'oléoduc Keystone XL, l'impasse ?

Le Premier ministre canadien Stephen Harper a très probablement passé une mauvaise journée mardi 24 février, quand le président Obama a opposé son veto au projet d’oléoduc Keystone XL. Un projet devenu une pomme de discorde supplémentaire entre Stephen Harper et Barack Obama.
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Canada : Keystone XL
Tuyaux devant servir au projet Keystone XL.
©AP Photo/Danny Johnston
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Pourquoi le gouvernement canadien conservateur tient-il tant à cet oléoduc Keystone XL ? Parce qu’il représente un débouché important pour le pétrole issu des sables bitumineux de l’Alberta, cette province de l’ouest canadien productrice d’or noir.

Ce pipeline devrait permettre de transporter 830 000 barils de pétrole quotidiennement jusqu’aux raffineries du Texas aux Etats-Unis, via un nouveau tronçon entre l’Alberta et le Nebraska. Barack Obama a toujours été opposé à ce projet pour des raisons écologiques, car le pétrole des sables bitumineux de l’Alberta a un très fort impact sur l’émission de gaz à effet de serre.

Keystone XL Nebraska
Fullerton, Nebraska, que l'oléoduc Keystone XL est prévu traverser.
©AP Photo/Nati Harnik

Le gouvernement du Premier ministre Stephen Harper, qui vient de l’Alberta, est, lui, très clairement un défenseur de l’industrie pétrolière du pays. Le Canada est le cinquième producteur de pétrole au monde, avec 4 millions de barils par jour, dont 1,6 million acheminés vers les marchés étrangers, principalement les États-Unis.

Un oléoduc vers l’Est du Canada

Depuis sa présentation en 2008 par la compagnie canadienne TransCanada, le projet Keystone XL piétine. TransCanada cherche donc d’autres débouchés pour le pétrole albertain des sables bitumineux ; l’une des possibilités serait un oléoduc dirigé vers l’est du Canada avec, comme débouché, le transport fluvial sur le Saint-Laurent.

Le projet, baptisé « Énergie Est », nécessite un investissement de 12 milliards de dollars pour construire, à travers le Canada, un oléoduc de 4600 kilomètres qui pourrait acheminer plus d’un million de barils par jour. Cet oléoduc, qui doit traverser la province sur quelque 700 kilomètres, soulève au Québec toute une controverse, notamment parce qu’il engendre l’installation d’un port pétrolier à Cacouna, petite municipalité sur la rive Sud du fleuve Saint-Laurent, à quelque 300 kilomètres au nord de Québec.

Pressions écologistes

Le problème, c’est que Cacouna est le port d’attache des bélugas, ces magnifiques baleines blanches que l’on peut apercevoir dans le Saint-Laurent quand on a de la chance, car l’espèce est en voie de disparition. C’est dans la zone de Cacouna que ces mammifères viennent se reproduire.

La perspective de voir pousser, dans cette pouponnière à bélugas, un port pétrolier, avec son cortège de perturbations (passage de méga-pétroliers, risque d’accidents et de déversement, etc.) a provoqué une levée de boucliers parmi les écologistes québécois et une bonne partie de la population. A un point tel que TransCanada est en train d'étudier d'autres localisations pour installer son port pétrolier - sur le Saint-Laurent, voire au Nouveau-Brunswick. La compagnie doit rendre une décision à ce sujet prochainement.

Keystone XL belugas
Un beluga femelle et son nouveau-né au Shedd Aquarium de Chicago en 2012.
©AP Photo/Shedd Aquarium, Brenna Hernandez

De son côté, l’office national de l’Énergie (organisme de réglementation de l’énergie au Canada) attend de savoir où sera implanté le port pétrolier pour poursuivre l’étude du projet. Un processus d’audiences publiques sera par la suite mis en place et, déjà, les organisations écologistes ont clairement affiché leur opposition.

Keystone paralysé, vive "Énergie Est" !

Le projet "Énergie Est" est donc loin d’être réalisé, mais la pression sera forte pour qu’il le soit, surtout après la paralysie du projet Keystone XL… D’autant plus que la province de l’Alberta perd déjà des millions de dollars à cause de la chute du prix du baril de pétrole.

En attendant, le brut de l’Alberta voyage dans l’Est du pays essentiellement par train de marchandises, ce qui n'est guère plus rassurant étant donné le piètre état des infrastructures ferroviaires canadiennes. Personne n’a oublié les images apocalyptiques de la tragédie de Lac-Mégantic. Le 6 juillet 2013, un train qui convoyait une cinquantaine de wagons remplis de brut a déraillé en plein centre-ville, causant la mort de 47 personnes et faisant des dommages majeurs dans cette petite ville de l’est du Québec.

Un argument de plus pour les écologistes qui prônent la recherche et la mise en place de stratégies pour réduire notre dépendance à l’or noir.