Canada : crise migratoire à l'horizon ?

Ils arrivent par centaines depuis des mois, entrent clandestinement sur le territoire canadien par des chemins de traverses pour aller y demander asile, parce qu’ils fuient les États-Unis et surtout la nouvelle administration Trump et ses politiques anti-immigration. Ils viennent surtout de Syrie, du Yémen, d’Irak, du Soudan, d’Érythrée, du Burundi, et ils n’hésitent pas à prendre le risque de braver l’hiver pour venir trouver refuge au Canada.
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Migrants Canada
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Augmentation marquante aux frontières

Il y a deux points d’entrée majeurs par la voie terrestre entre le Canada et les États-Unis pour les migrants clandestins : le Québec et, dans l’ouest, le Manitoba. Ces clandestins qui proviennent des États-Unis doivent entrer illégalement sur le territoire canadien pour y demander asile car s’ils font leurs demandes en passant par un poste frontière, ils sont automatiquement refoulés aux États-Unis en vertu d’une entente conclue entre les deux pays sauf quelques cas exceptionnels comme avoir un membre de sa famille déjà installé au Canada (il s’agit de l’entente sur les tiers pays sûrs).

La ruée vers le Canada semble une réalité. En février, 1239 personnes ont traversé illégalement la frontière en provenance des États-Unis et ont demandé asile, c’est une augmentation de 32% en un mois. Au total, 2176 personnes ont demandé l’asile au Canada depuis le début de l’année, dont la moitié au Québec, c’est déjà plus que toutes les demandes reçues en 2015 !

Les clandestins savent quelles routes emprunter pour se rendre jusqu’au Canada. Le Québec est la principale porte d’entrée pour des raisons géographiques notamment, pas de montagnes à traverser. Au Manitoba non plus, pas de montagnes à traverser mais d’immenses plaines glacées où sévissent régulièrement des tempêtes hivernales à fendre les pierres, on a d’ailleurs sauvé in extremis en début de semaine une dizaine de ces migrants qui avaient trouvé refuge dans une petite cabane à la frontière alors qu’une tempête faisait rage. Il y a plusieurs semaines, il a aussi fallu amputer des doigts deux clandestins d’origine africaine qui avaient traversé ces plaines glacées sans avoir les protections requises.
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Avec le printemps qui pointe timidement le bout du nez et la mise en place du nouveau décret anti-immigration chez nos voisins du sud, il est fort probable que cet afflux de migrants ne cesse d’augmenter, auquel cas, une crise migratoire est peut-être bien à l’horizon au Canada.

Que va faire le gouvernement Trudeau ?

Le nouveau ministre de l’Immigration du gouvernement Trudeau, Ahmed Hussen, soutient que cet afflux de demandeurs d’asile n’a pas de lien avec les politiques anti-immigration de Donald Trump qui visent spécifiquement des pays musulmans. "Nous travaillons de très près avec les EU, a déclaré le ministre. Certains des individus qui traversent nos frontières n’ont jamais eu l’intention de rester aux États-Unis. Pour eux, le Canada avait toujours été leur destination, même s’ils détiennent des visas américains valides ». Ce n’est pas vraiment ce son de cloche que l’on entend du côté de ces demandeurs d’asile."

La majorité d’entre eux disent vouloir trouver refuge au Canada parce qu’ils ne se sentent plus en sécurité aux États-Unis et qu’ils ont peur d’être déportés dans leur pays d’origine. Le ministre canadien de la Sécurité publique, Ralph Goodale, soutient de son côté que la situation est actuellement très bien contrôlée par les douaniers et les policiers canadiens. Il tient à préciser à ces migrants que leur demande d’asile ne sera pas si facile que ça à obtenir. Une fois arrêtés, ces clandestins sont emmenés dans des centres où on relève leur identité et où on vérifie qu’ils ne posent pas de problèmes de sécurité pour le Canada. Ils sauront d’ici un mois si leur demande d’asile peut être examinée, sinon ils sontrenvoyés dans leur pays d’origine. Les récentes statistiques révèlent qu’environ 60% des demandes d’asile sont acceptées par le Canada. Dans le cas de ces migrants qui fuient les ÉU, leurs demandes ont autant de chances d’aboutir que les autres si leur passage aux États-Unis a été de courte durée, mais ce sera beaucoup plus difficile s’ils y ont passé les dernières années.

Le gouvernement Trudeau se prépare à cette possible crise migratoire. Bien sûr, le Canada continue à marcher sur des œufs avec l’administration Trump, et Justin Trudeau ne peut pas dénoncer publiquement ces nouvelles politiques du président américain et leur impact sur son pays, même si l’opposition le talonne pour ce faire. Dans la foulée du premier décret annoncé par Donald Trump en janvier dernier, le premier ministre avait répliqué sur twitter que le Canada, lui, était prêt à accueillir les réfugiés quelles que soient leurs origines et leur religion. Que les portes restaient ouvertes ici. Il faut croire qu’il a été entendu…