Fil d'Ariane
L’Alberta, province de l’ouest canadien, détient actuellement le plus haut taux de « positivité » au virus en Amérique du nord, avec un nombre record de cas pour 100 000 habitants. Dirigée par le conservateur Jason Kenney, c’est dans cette province que l’on retrouve le plus de citoyens réfractaires aux mesures sanitaires imposées pour contrôler l’épidémie. Pour preuve, ce rodéo tenu récemment à Bowden à l’encontre de toute interdiction de rassemblement.
Cette résistance populaire peut expliquer pourquoi le premier ministre Kenney a tant tardé à imposer des restrictions. Il s’est finalement résigné à le faire le 4 mai dernier devant l’ampleur des contaminations : écoles fermées, limitation du nombre de personnes dans les commerces, rassemblements extérieurs limités également à 5 personnes, fermetures des salles de sport et les restaurants et bars ne pourront plus accueillir de clients sur leurs terrasses. Par contre, le premier ministre n’a pas annoncé de confinement en tant que tel. Jason Kenney a prévenu que ces mesures resteront en place pendant au moins trois semaines, voire plus, et il dit qu’il a pris ces décisions parce que c’est « absolument nécessaire pour sauver des vies et empêcher un désastre de se produire dans les hôpitaux ».
Un désastre, effectivement : les hôpitaux de la province d'Alberta sont au bord du gouffre et les professionnels de la santé attendaient avec impatience ces restrictions : « Ce sont de bonnes annonces, mais elles sont probablement un peu en retard. Ça fait quelques mois qu’on a l’impression de regarder un accident de train au ralenti » a déclaré Alain Tremblay, pneumologue au Centre Hospitalier Foothills. Ces derniers jours, il y avait près de 24 000 cas de Covid-19 en Alberta, dont près de 10 000 dans la région de Calgary.
En Ontario aussi, le premier ministre Doug Ford a mis du temps à imposer des mesures pour endiguer la troisième vague qui a déferlé comme un tsunami sur la plus importante province du Canada. Courant avril, le nombre de contaminations quotidiennes a flirté avec les 5000 cas pendant plusieurs jours d’affilée et les soins intensifs des hôpitaux ontariens ont été pris d’assaut par des malades du Covid-19, à un point tel qu’on craignait de devoir appliquer le fameux protocole de soins qui détermine qui sauver en priorité. Heureusement, les médecins ontariens n’ont pas à eu à se rendre à cette solution extrême.
Le premier ministre ontarien, un conservateur lui aussi, a résisté pendant des semaines avant d’adopter des mesures plus sévères dans l’espoir de protéger au maximum l’économie de la province, donc les restaurants par exemple sont restés ouverts, les gens continuaient à aller au travail, etc. C’est donc un Doug Ford larmoyant qui, le 22 avril, est venu présenter ses excuses à ses concitoyens pour ses décisions impopulaires, rejetant toutefois le blâme sur le gouvernement de Justin Trudeau pour ne pas avoir fermé plus tôt les frontières du pays aux variants du virus et pour ne pas avoir livré davantage de vaccins à la population. Le premier ministre ontarien a quand même dû se résoudre à resserrer les mesures sanitaires afin de limiter la contagion, ce qui a permis à la province de réduire les contaminations quotidiennes. Mais le mal était déjà fait et les Ontariens sont encore dans une situation extrêmement difficile, dépassant maintenant le Québec en nombre de cas depuis le début de la pandémie.
Si le Québec a été longtemps la province canadienne la plus affectée par l’épidémie, notamment la première vague qui a été si meurtrière, il fait partie de celles qui ont le mieux contrôlé cette troisième vague, grâce au maintien de mesures sanitaires strictes dont l’intensité varie d’une région à l’autre selon le nombre de cas. Commerces non essentiels et écoles fermés dans les zones les plus touchées, couvre-feu imposé début janvier…
N’en déplaise aux milliers de Québécois qui ont défilé le 1er mai dans les rues de Montréal pour dénoncer ces mesures sanitaires, elles semblent avoir porté fruit. Alors que le premier ministre François Legault avertissait début avril que ce mois risquait d’être celui de tous les dangers si les Québécois ne respectaient pas ces mesures, le Québec enregistre depuis plusieurs semaines un plafond de 900-1000 nouveaux cas par jour et une stabilisation dans le nombre d’hospitalisations. Le Covid continue, cependant, de tuer des Québécois chaque jour. Le gouvernement de François Legault est en train de plancher sur un plan de déconfinement qui se ferait en plusieurs étapes et qui pourra se mettre en place à partir du moment où un nombre suffisant de Québécois seront vaccinés.
Parlant de vaccins… La valse des seringues bat son plein d’un bout à l’autre du Canada depuis le début de l’année et plus du tiers des Canadiens ont déjà reçu une première dose, avec les vaccins Pfizer, Moderna et AstraZeneca. Le quatrième vaccin autorisé par Santé Canada, le Johnson & Johnson, n’a pas encore été mis en circulation.
Concernant ces vaccins, une recommandation faite cette semaine par le CCNI, le Comité consultatif national de l’immunisation, a soulevé une certaine controverse au Canada. Par la voix de sa présidente, la Dre Caroline Quach-Tranh, le CCNI a déclaré que les vaccins à ARN messager que sont les Pfizer et Moderna étaient « préférentiels » aux autres vaccins. Un message qui a fait réagir beaucoup de monde car il va à l’encontre de celui martelé par les médecins, le gouvernement du Canada et ceux des provinces, selon lequel tous les vaccins actuellement disponibles sont des bons vaccins et qu’on ne peut pas se permettre d’en choisir un plus que l’autre. Le premier ministre Justin Trudeau, qui s’est lui-même fait vacciner avec l’AstraZeneca, l’a dit et répété : « Le bon vaccin, c’est le premier disponible ». Et voilà que cette instance médicale vient préciser qu’il faut plutôt préférer le Pfizer et le Moderna, puisque des risques de thrombose sont associés à l’AstraZeneca – trois Canadiens sont morts d’une thrombose après avoir reçu une dose de ce vaccin.
Au Québec par exemple, à partir du 19 avril, le gouvernement a fortement incité les gens âgés de 45 ans et plus d’aller se faire vacciner avec l’AstraZeneca alors que la vaccination n’était offerte qu’aux 60 ans et plus. Ils sont nombreux à avoir suivi cette recommandation et à aller recevoir leur première dose, mais deux semaines plus tard, le gouvernement a finalement ouvert aux 40 ans et plus la vaccination avec le Pfizer et le Moderna. Et le CCNI dit qu’il faut privilégier ces deux vaccins ! Donc beaucoup de gens se disent que s’ils avaient su, ils auraient peut-être attendu deux semaines pour être vaccinés avec ces vaccins à ARN messager au lieu de prendre le risque de subir une thrombose avec le AstraZeneca.
A ces citoyens inquiets ou en colère, la Dre Quach répond qu’ils ont pris la bonne décision en allant se faire vacciner avec l’AstraZeneca dès que ce vaccin leur a été offert alors que la troisième vague est en cours. « La première dose d'AstraZeneca protège aussi bien que la première dose de Pfizer et Moderna contre les hospitalisations et décès causés par la souche ancestrale et par le variant britannique » a déclaré la microbiologiste, en précisant toutefois que pour ceux qui peuvent se permettre d’attendre parce qu’ils sont en télétravail et sortent peu de chez eux par exemple, ou parce qu’ils vivent dans une région peu atteinte par la troisième vague, il est préférable d’attendre d’avoir accès à un vaccin à ARN messager.
Finalement, tout est question d’un calcul de coût-bénéfice : si on est dans une région où il y a un fort taux de contamination, que l’on doit aller au travail tous les jours ou si on travaille dans un commerce, il vaut mieux se faire vacciner avec l’AstraZeneca que de prendre le risque d’attraper le Covid.
Par ailleurs, Santé Canada vient d’autoriser la vaccination pour les 12-15 ans avec le Pfizer. La province de l’Alberta va commencer à vacciner les jeunes dès la semaine prochaine. Le Québec donne aussi le feu vert pour la vaccination des jeunes de 12 à 17 ans, ils vont recevoir une première dose d’ici la fin des classes et une autre avant la rentrée. Plusieurs autres provinces canadiennes vont aussi lancer des campagnes de vaccination pour les ados.
Les enfants sont beaucoup moins à risques de développer la forme grave du Covid-19, mais ils sont un vecteur important de propagation du virus, qu’ils ramènent de l’école à la maison. « L'autorisation d'un premier vaccin au Canada pour la prévention du Covid-19 chez les enfants marque une étape importante dans la lutte du Canada contre la pandémie » a déclaré la Dre Supriya Sharma, conseillère médicale en chef à Santé Canada. En vaccinant les jeunes, on va ainsi rompre l’une des chaines de transmission du coronavirus et réussir à sortir, enfin, peut-être, de ce marasme épidémiologique qui n’en finit pas de finir…
En date du 6 mai, depuis plus d’un an, plus de 1 260 000 Canadiens ont été atteints du Covid-19 et 24 488 en sont morts. C’est l’Ontario qui rapporte le plus de cas, plus de 483 000, mais c’est le Québec qui a le plus lourd bilan en termes de victimes, plus de 10 900 morts. L’Alberta est la troisième province la plus touchée avec plus de 200 000 personnes infectées et plus de 2000 morts. Sur le front de la vaccination, plus du tiers des Canadiens ont reçu une première dose, au Québec c’est 36% de la population. Le gouvernement du Québec promet que d’ici le 24 juin, jour de la fête nationale du Québec, tous les Québécois qui le désirent auront été vaccinés avec une première dose. Le gouvernement espère que 75% des Québécois seront vaccinés et ceux qui le seront vont recevoir une preuve de vaccination électronique.