Fil d'Ariane
L'ancien bras droit de Justin Trudeau, Gerald Butts, s'est porté mercredi à la rescousse du Premier ministre canadien, démentant toute pression sur l'ex-ministre de la Justice pour qu'elle intervienne dans une procédure judiciaire, allégations à l'origine d'une crise politique sans précédent.
M. Trudeau s'exprimera lui-même sur la question ce jeudi lors d'une conférence de presse à Ottawa.
Gerald Butts avait démissionné le 18 février dernier pour pouvoir répondre aux accusations de l'ancienne ministre de la Justice Jody Wilson-Raybould, qui avait elle-même claqué la porte du gouvernement quelques jours plus tôt.
Lors d'une déposition choc devant les députés fin février, Mme Wilson-Raybould avait affirmé avoir subi des "pressions inappropriées" répétées et des "menaces voilées" de l'entourage du Premier ministre, dont M. Butts lui-même.
Selon elle, l'objectif était de l'inciter à intervenir auprès des procureurs pour qu'ils négocient un accord à l'amiable avec le géant du BTP SNC-Lavalin, impliqué dans un scandale de corruption avec la Libye. Elle n'y avait finalement pas cédé, et la procédure vers un procès suit son cours.
Un accord hors cour, nouvelle procédure permise par la loi canadienne, aurait permis à cette société d'éviter un procès en échange du paiement d'une amende. En cas de condamnation pour corruption, SNC-Lavalin se verrait interdire tout contrat public pendant 10 ans, ce qui compromettrait son avenir économique.
Pour M. Butts, les différentes discussions qu'ont eues M. Trudeau et son entourage avec Mme Wilson-Raybould visaient non pas à faire pression sur elle, mais à l'inciter à solliciter un "avis externe" dans cette affaire complexe, en raison des enjeux économiques et sociaux en cas de condamnation pénale.
"Lorsque 9.000 emplois sont en jeu, il s'agit d'un problème de politique publique de la plus haute importance", a-t-il insisté lors d'une déposition devant la même commission de la Justice.
"Nous pensions qu'il aurait été approprié qu'elle demande l'avis indépendant d'un éminent juriste canadien ou d'un groupe de juristes", a expliqué M. Butts.
L'ancien conseiller de M. Trudeau s'est également dit "surpris" que l'ex-ministre ne se soit jamais plainte de "pressions" présumées durant les discussions sur l'affaire SNC-Lavalin, qui ont duré plusieurs mois. Et notamment pendant un déjeuner entre lui et Mme Wilson-Raybould début décembre, qu'il a jugé amical et détendu.
"Je ne vois pas comment cette brève discussion du dossier peut être considérée comme une pression", s'est-il défendu.
L'"affaire SNC-Lavalin" avait éclaté début février après la parution d'un article du Globe and Mail faisant état de pressions de l'entourage de M. Trudeau, qui a toujours démenti.
Coïncidence ou pas, ces révélations sont intervenues quelques semaines après un mini-remaniement suite à la démission d'un ministre. A la faveur de ce jeu de chaises musicales, Mme Wilson-Raybould s'est finalement vu confier le ministère des Anciens combattants. Lors de sa déposition, elle avait estimé que cette rétrogradation venait sanctionner son refus de céder aux "pressions" dans l'affaire SNC-Lavalin.
M. Butts a réaffirmé mercredi ce que M. Trudeau a toujours répété: sans ce remaniement, Mme Wilson-Raybould serait toujours ministre de la Justice.
Après la déposition de son ancien bras droit, les regards se tournent désormais vers M. Trudeau lui-même: le dirigeant libéral fait face à la crise politique la plus grave depuis son élection en 2015.
Deux ministres ont déjà démissionné, une enquête parlementaire est en cours et l'opposition conservatrice demande la démission du Premier ministre, estimant qu'il a perdu toute légitimité.
Et à quelques mois des élections législatives d'octobre, les derniers sondages montrent que l'opposition conservatrice est désormais largement en tête des intentions de vote.
Les explications de Manon Globensky journaliste Radio Canada, invitée du 64minutes de TV5MONDE.