Fil d'Ariane
Justin Trudeau n’a pas tardé pour remplacer son ministre des Finances et il n’a pas non plus raté l’occasion de marquer l’histoire en nommant, pour la première fois au Canada, une femme à ce poste prestigieux : Chrystia Freeland, vice-première ministre et ex-ministre des Affaires étrangères.
« C’est le choix le plus stratégique pour Justin Trudeau pour transformer cette crise en opportunité pour redorer l’image politique de son parti, estime Félix Mathieu. Chrystia Freeland est très populaire dans les sondages, on l’apprécie davantage que Justin Trudeau et que le gouvernement en tant que tel ». Elle est très clairement l’étoile montante des libéraux au cours des dernières années : elle a relevé avec brio le défi quasi impossible de renégocier un accord de libre-échange avec l’administration Trump et le Mexique, et depuis 2019 elle travaille sur la réconciliation entre les provinces canadiennes alors que l’ouest canadien a rejeté le vote libéral lors des dernières élections. Et elle n’a été impliquée dans aucun scandale, ni de près, ni de loin. Autant d’atouts politiques et personnels pour cette ex-journaliste.
« Mais jouer cette carte Chrystia Freeland, cela peut aussi être un couteau à double tranchant pour Justin Trudeau, car elle risque bien de lui faire de l’ombre à la longue et elle va continuer à aller se chercher un capital politique auprès des Canadiens », prévient Félix Mathieu. Le politologue croit que des discussions sont déjà en cours au sein du parti libéral du Canada pour préparer la succession de Justin Trudeau qui commence à traîner pas mal de casseroles depuis 2015 (il a notamment été blâmé à deux reprises par le commissaire à l’éthique du Canada et pourrait bien l’être de nouveau dans l’affaire UNIS ).
Et le nom de Chrystia Freeland circule activement dans ces discussions dit le politologue, ce, d’autant que « le scandale UNIS est très dommageable pour Justin Trudeau, pour son image publique de jeune politicien ouvert, transparent, proche de la population, cela lui fait très mal et ça se reflète sur sa cote de popularité, en chute ces dernières semaines ».
Les Canadiens retourneront-ils voter cet automne ? Le Bloc québécois, le parti nationaliste québécois présent dans la Chambre des Communes, aimerait bien faire tomber le gouvernement Trudeau, qui est, rappelons-le, minoritaire. Mais pour ce faire, il a besoin de l’appui d’au moins un des deux autres partis d’opposition, les Conservateurs ou les néo-démocrates. Or les conservateurs vont se donner un nouveau chef à la fin du mois et ils ne sont pas vraiment prêts à retourner dans l’arène électorale aussi rapidement que dans quelques mois, et les néo-démocrates ne le veulent pas plus.
Qui plus est, le Canada se prépare à une deuxième vague de l’épidémie du coronavirus, et en ces temps de pandémie, des élections ne font vraiment pas partie des priorités de la population.
Le ou les partis qui obligeraient les Canadiens à retourner aux urnes pourraient en payer le prix lourd. Par contre, le scénario le plus plausible serait des élections au printemps 2021. D’ici là, le chef conservateur aura eu le temps de se mettre en selle, on verra peut-être collectivement le bout du tunnel de la pandémie et se mettre en mode électoral sera moins rébarbatif pour les Canadiens.
Enfin, la durée de vie moyenne d’un gouvernement minoritaire au Canada est de 18 mois. Justin Trudeau sait tout cela, il sait que les jours de son gouvernement sont comptés. Le 23 septembre, le premier ministre va faire un « discours du Trône » pour présenter le plan de son gouvernement pour sortir le Canada de la crise. Ce discours sera soumis à un vote de confiance au Parlement. Ce sera alors le test qui permettra de vérifier si oui ou non, des partis d’opposition veulent faire tomber le gouvernement et déclencher des élections cet automne.