Après la Grande-Bretagne, l’Irlande, et la France, le Canada a déclaré une
"urgence climatique nationale" le 18 juin.
De fait, le pays se réchauffe deux fois plus vite que le reste de la planète, en raison de sa proximité avec l'Arctique qui subit de plein fouet les effets du dérèglement climatique.
Là où l’annonce interroge, c’est que le lendemain, le même gouvernement Trudeau a approuvé l'extension de l’oléoduc controversé Trans Mountain (TMX).
Lequel permettra de transporter sur plus de 1000 km près de 600 000 à 900 000 barils de pétrole par jour de l'Alberta en Colombie-Britannique en passant par les Rocheuses, au lieu des 300 000 barils par jour aujourd’hui.
Tout cela pour un coût de 7,4 milliards de dollars canadiens (5 milliards d’euros) étalé sur trois ans de travaux. L’extension d’un tel pipeline est-elle compatible avec une urgence climatique ?
Un oléoduc vert ?
Dans son annonce, le Premier ministre canadien a promis que chaque dollar de recettes fédérales provenant du projet d'agrandissement de Trans Mountain serait consacré à des investissements dans les énergies propres et les technologies vertes.
Plus de 500 millions de dollars par an d'impôts seraient ainsi mis à la disposition de ce type de projets au moment où l'oléoduc deviendra opérationnel, en 2022.
500 millions de dollars par an ? La somme d'argent n’est pas particulièrement importante rapportée aux subventions canadiennes du secteur des combustibles fossiles qui, elles, totalisent 3,3 milliards de dollars par an. Soit près de sept fois le montant promis par le gouvernement, comme le souligne dans son
analyse le professeur et directeur du département Energie et politique environnementale du Queen's Institute, Waren Mabee.
Davantage de pétroliers
Le nouvel oléoduc qui sera construit en parallèle à celui en fonction depuis 1953 permettrait de pratiquement tripler la quantité de pétrole des sables bitumineux acheminée jusqu’à la côte ouest, et multiplierait par sept le nombre de navires pétroliers (à 400 par an) sur la côte Pacifique, selon
Greenpeace.
Quant à la structure gouvernementale
"Environnement et changement climatique Canada", elle
estime que ces pétroliers liés au Trans Mountain engendreront plus de pollution : 76 200 tonnes de CO2 en plus par an, soit l’équivalent de l'ajout de 16 178 véhicules de tourisme sur la route chaque année.
Outre les dégâts permanents causés aux localités côtières et aux espèces sauvages (comme le saumon), le déversement de ce pétrole lourd et hautement toxique aurait également un impact économique ajoute
Greenpeace. Sur les 98 000 emplois à Vancouver et les 320 000 en Colombie- Britannique, 43% pourraient être affectés par ce déversement.
Réactions des environnementalistes
Saluée par le lobby pétrolier et le gouvernement conservateur d’Alberta, la décision de Justin Trudeau a été au contraire décriée par les écologistes.
Parmi les principales réactions à l’annonce contradictoire d’Ottawa, Greenpeace a été l’une des plus rapides et virulentes à réagir.
"Le fait que le gouvernement Trudeau approuve ce pipeline après avoir déclaré une urgence climatique a tout autant de sens que de verser de l'essence sur un feu allumé" a déclaré Mike Hudema de "
Greenpeace Canada Climate & Energy".
Autre ONG à faire un parallèle similaire et contester la décision :
Rainforest Action Network. Patrick McCully, directeur de programme dans l'organisation, dénonce cette
"hypocrisie" :
"C’est comme déclarer la guerre au cancer et ensuite faire la promotion du tabac".
Enfin, le groupe
Ecojustice a tout de suite attaqué Ottawa évoquant une décision
"injustifiable" et
"profondément cynique".
Les autochtones divisés
Les communautés autochtones sont quant à elles profondément divisées sur la question du pipeline.
Si "Projet réconciliation" et "Iron Coalition", deux groupes autochtones qui tentent de devenir actionnaires du projet d’expansion, ont applaudi la décision,
Leah George Wilson, la cheffe de la Première Nation Tsleil-Waututh, a annoncé qu’elle envisageait de s’opposer à la décision en Cour d’appel fédérale.
Tout ce débat environnemental au Canada intervient également au moment où les nouvelles du permafrost, dans le Grand Nord, sont mauvaises. Le globe se réchauffe dangereusement. Et aujourd'hui,
selon une nouvelle étude, la fonte du permafrost des îles arctiques du Canada pourrait indiquer que la crise climatique s'installe plus rapidement encore que les scientifiques ne l'avaient craint.
Pour aller plus loin ► Trans Mountain, l'oléoduc de la discorde