Fil d'Ariane
En ce début juillet, les autorités canadiennes estiment que l’épidémie du coronavirus est enfin « généralement maîtrisée ». Mais elles avertissent la population que tout relâchement dans le respect des gestes barrières pourrait se traduire par une deuxième vague de contagion, plus vite que prévu.
La santé publique canadienne évalue maintenant qu’au regard de la situation actuelle, le nombre de cas au Canada devrait être, le 12 juillet, entre 103 940 et 108 130. Le nombre de victimes pourrait dépasser les 8800 morts (au 29 juin, on rapportait 103 820 cas confirmés et 8610 décès). « Oui, l’épidémie est maîtrisée, confirme l’épidémiologiste Nimâ Machouf : On voit des baisses constantes et significatives de tous les indicateurs, on est dans la pente descendante de la fameuse courbe ».
Mais il ne faut pas crier victoire pour autant préviennent les autorités : le virus est toujours en circulation et les experts prédisent une deuxième vague de contagion cet automne, quand les gens vont rentrer dans leur maison et que la saison de l’influenza va commencer.
Les médecins de la santé publique préviennent même que cette deuxième vague pourrait arriver plus tôt si les Canadiens relâchent leur vigilance et respectent moins les gestes barrières de base qui sont se laver les mains, respecter les deux mètres de distanciation physique et porter un masque dans les espaces publics. « On sait aujourd’hui que si les Canadiens à travers le pays lâchent complètement toutes les mesures de santé publique (…), c’est sûr qu’on pourrait avoir une autre vague peut-être même dans deux ou trois semaines » a déclaré Howard Njoo, sous-administrateur en chef de l’Agence de la santé publique du Canada.
Le premier ministre Trudeau s’est félicité de l’amélioration de la situation au Canada : « C’est parce que les Canadiens font leur part » et que son gouvernement a « fait les bonnes choses au bon moment ». Il ajoute que « bien que nous soyons sur la bonne voie, le combat contre la Covid-19 n’est pas terminé. Comme toujours, nous allons nous préparer pour les pires des scénarios ».
Au regard de la situation aux États-Unis, qui surfent encore sur le haut de la première vague de contagion avec des taux records quotidiens de nouveaux cas, les Canadiens peuvent se sentir soulagés. Et de savoir que la frontière avec les États-Unis ne rouvrira pas avant le 21 juillet a aussi de quoi les rassurer, parce que clairement ici, on n’a pas trop envie de voir débarquer des Américains potentiellement porteurs du virus. D’ailleurs les Canadiens ne sont pas les seuls à avoir cette réticence, puisque l’Union européenne vient aussi de déclarer les Américains persona non grata sur le territoire de ses pays membres. Les Canadiens, eux, sont autorisés à venir dans l'Union européenne et l'espace Schengen dès ce 1er juillet.
Au Québec aussi on commence un peu plus à respirer : c’est cette province qui a enregistré plus du double des cas au Canada et la région de Montréal a été l’épicentre de l’épidémie au pays. La province est maintenant déconfinée et dans l’ensemble, le processus se passe plutôt bien.
Voir aussi : Coronavirus au Canada : le Québec poursuit son déconfinement
Le premier ministre François Legault vient toutefois de décréter obligatoire le port du masque dans les transports en commun pour toute personne de plus de 12 ans à compter du 13 juillet. Les contrevenants ne paieront pas d’amendes mais ils ne pourront prendre le métro ou l’autobus. « Il n’y aura pas de police, mais on va demander aux gens qui gèrent les sociétés de transport d’interdire l’entrée dans les transports en commun aux gens qui n’ont pas de masque », a précisé François Legault.
Plusieurs villes au Canada ont pris des mesures similaires comme Toronto, Ottawa, Guelph, Hamilton. A Toronto, le masque devient aussi obligatoire dans les commerces et les espaces publics intérieurs. Le premier ministre du Québec n’exclut pas d’en arriver là également.
La décision du gouvernement québécois d’imposer le masque dans les transports en commun satisfait Nimâ Machouf : elle a signé courant mai une lettre avec une trentaine d’autres médecins et de spécialistes pour demander au gouvernement québécois de rendre le masque obligatoire. « J’accueille favorablement cette annonce mais ce n’est qu’un début, parce que ce n’est pas suffisant, c’est une condition nécessaire mais elle n’est pas suffisante pour un déconfinement réussi. Parce que l’épidémie n’est pas finie ».
L’épidémiologiste estime qu’il faut rendre le masque obligatoire dans toutes les situations où il est difficile de respecter la distanciation physique de deux mètres. C'est, selon elle, l’arme de base pour maintenir la lutte contre le virus actuellement : « On ajoute une barrière supplémentaire, le masque peut jouer un rôle intéressant et nous permettre de réussir un déconfinement en confiance ».
Nimâ Machouf croit que si le gouvernement l’avait imposé plus tôt, le Québec aurait plus rapidement réussi à aplatir la fameuse courbe et que c’est grâce au masque qu’on pourra réduire les risques de deuxième vague du virus : « Pour éviter cette deuxième vague, il faut être capable premièrement de détecter des foyers d’éclosion puis d’agir très rapidement auprès des personnes infectées. On sait maintenant l’importance d’agir rapidement et comment agir rapidement. Et le port du masque a aussi une portée symbolique importante car il nous rappelle que le virus n’a pas disparu donc cela nous permet de rester alerte et vigilant pour poursuivre les gestes barrières ».
L’épidémiologiste trouve que dans l’ensemble, le déconfinement se passe bien au Québec même si elle juge que le processus a parfois manqué de logique. Son gros bémol, c’est la réouverture des bars dans la province, car ils sont des vecteurs de contamination importants : des lieux fermés où il est difficile, voire impossible de respecter les deux mètres de distance.
« Si un bar devient un foyer d’éclosion, comment peut-on retracer les personnes contaminées qui y étaient et qui sont reparties chez elles ? On répand alors la contagion dans la communauté ! Alors c’est une mauvaise idée la réouverture des bars, on le voit en Floride. Ou alors il faut permettre aux bars d’avoir des terrasses à l’extérieur, parce qu’on le sait, en air ouvert, on a 18 fois moins de risques de transmettre l’infection que dans un milieu fermé ».
Voir aussi : Coronavirus aux États-Unis : l'épidémie hors de contrôle en Floride ?
Nimâ Machouf dit qu’elle n’a pas l’intention de voyager cet été, que comme elle vit dans la ville qui a été l’épicentre de l’épidémie, elle sent une responsabilité de ne pas aller potentiellement diffuser le virus dans les autres régions du Québec ou ailleurs : « On a une énorme responsabilité de ne pas aller infecter les régions du Québec, donc je vais faire très attention, me laver les mains, respecter les deux mètres et surtout porter le masque dès que c’est nécessaire, comme ça je ne vais infecter personne si jamais je suis porteuse du virus », conclut l’épidémiologiste. L’été s’annonce beau et chaud au Québec : il faudra voir comment il va se dérouler sur le plan épidémiologique.
Un récent sondage mené du 26 au 28 juin par la firme Léger indique que :
- 77% des Canadiens croient qu’il va y avoir une deuxième vague de contamination
-58% des Canadiens et 70% des Américains croient que le port du masque doit être obligatoire dans les espaces publics et confinés
- Les Américains affirment mettre davantage le masque que les Canadiens : à l’épicerie 81% contre 56%, à la pharmacie 65% contre 52% et dans les transports publics 33% contre 22%.