Ce qui aurait pu être un simple constat linguistique a viré au débat national au Canada.
Les deux principaux candidats à la direction du Parti conservateur du Canada, Peter MacKay et Erin O’Toole, ont été épinglés, la semaine dernière, pour une maîtrise imparfaite du français.
La presse prend position
"
J’ai sera candidate", c’est ainsi que
Le Journal de Montréal titrait en Une, dimanche 26 janvier, citant Peter MacKay dans le texte, avant de parler de "
preuve de l’incapacité" du candidat à parler français. Une raillerie qui en dit long sur la tournure que prend la maîtrise de la langue de Molière ces derniers jours dans le pays.
Pourtant, rien n’oblige le Premier ministre canadien ou un chef de parti à parler français. Mais si le bilinguisme ne garantit pas une investiture, l’absence de maîtrise de la langue française peut, au contraire, être un frein, notamment lorsqu’il s’agit d’obtenir des appuis en Ontario et au Québec.
"Les deux langues, c’est toujours utile, c’est le moins qu’on puisse dire. On vit dans un pays bilingue depuis 50 ans, Il faut que le Premier ministre soit bilingue"Gérard Deltell, député de Louis-Saint-Laurent
Les politiques, eux aussi, divisés
Un constat qu’une élue de l'Alberta déplore. Pour Michelle Rempel Garner, la langue française prend trop de place dans la course à la direction de son parti. Elle s’est empressée de partager son inquiétude sur Twitter, parlant de l’accès au français comme étant "discriminatoire".
Pour le député conservateur de Louis-Saint-Laurent, Gérard Deltell, qui s’est confié à nos confrères de Radio Canada, c'est le contraire. Parler français est une obligation pour le prochain chef du parti : "
La réalité, c'est que chacun doit faire la démonstration de la qualité de son français dans un débat. Il n'y a rien de mieux pour démontrer si, oui ou non, vous êtes capable de parler en français". Il ajoute : "
Les deux langues, c’est toujours utile, c’est le moins qu’on puisse dire. On vit dans un pays bilingue depuis 50 ans, Il faut que le Premier ministre soit bilingue".
La presse anglophone s’est d’ailleurs, elle aussi, faite l’écho des tensions autour de cette question.
Dans les colonnes du journal
Globe and Mail, l’ancien éditeur Ken Whyte a publié un éditorial, dans lequel il affirme qu’il est temps de revoir le critère de bilinguisme pour devenir chef de parti ou Premier ministre.
Une prise de position à laquelle a répondu l’ancien commissaire aux langues officielles Graham Fraser, dans le même média. Il va jusqu’à qualifier de "
perdants" les candidats qui ne sont pas bilingues.
Un débat significatif
Si cette question suscite autant d'émois, cela ne devrait être que temporaire selon Stéphanie Chouinard, professeure adjointe de science politique au Collège militaire royal du Canada à Kingston.
Selon ses propos recueillis par Radio Canada, ce débat montre que la campagne ne fait que commencer et que dans quelques temps, les débats de fond reprendront le dessus : "
Pour être en mesure de juger les candidats sur des positions politiques, il va falloir faire preuve d'un peu de patience".