Canada : quel bilan pour Trudeau à un an des élections fédérales ?

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justin trudeau mai 2018
A un an des élections fédérales, quel est le bilan de Justin Trudeau qui remet son mandat en jeu ? 
©AP Photo/Charles Krupa
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Ce lundi 14 janvier, Justin Trudeau a opéré un petit remaniement ministériel très stratégique à quelques mois des élections fédérales. Un scrutin dans lequel le Premier ministre remet en jeu son mandat. Bilan et perspectives pour 2019. 

Le Premier ministre Justin Trudeau a été contraint de remanier son gouvernement après le départ de l'un de ses ministres. Ainsi, David Lametti devient ministre de la Justice, Jane Philpott se retrouve au Conseil du Trésor, Seamus O'Reagan devient ministre des Services aux Autochtones, Bernadette Jordanest ministre du Développement économique rural et enfin Jody Wilson-Raybould s'occupe des anciens Combattants

> Les explications de notre correspondante Catherine François : 


Le Premier ministre Trudeau a commencé cette nouvelle année par une tournée dans tout le Canada pour aller à la rencontre de la population. Une tournée encore plus stratégique cette année, car ce que l’on peut voir dans la boule de cristal pour les Canadiens en 2019, ce sont des élections en octobre prochain. Et des élections cruciales pour le pays puisque les électeurs devront décider s’ils reportent au pouvoir ou non Justin Trudeau et son équipe.

  • ​Une économie qui roule à plein régime

La bonne santé, voire l’excellente santé de l’économie canadienne, sera certainement une carte maîtresse que Justin Trudeau va brandir au cours de la campagne électorale à venir. Le taux de chômage est au plus bas depuis 40 ans, et le pays est quasiment en situation de plein emploi. De quoi faire rendre envieux bien des pays dans le monde. 

Il sera très difficile pour les adversaires des Libéraux de les attaquer à ce niveau. Sauf pour la question de l’équilibre budgétaire, car le déficit des finances du pays s’est creusé sous la gouverne libérale. Justin Trudeau a misé sur un plan ambitieux de relance de l’économie via des investissements massifs dans les infrastructures, mais aussi en réinjectant des millions de dollars dans des programmes qui avaient subi des coupures drastiques sous le gouvernement conservateur précédent.
 
  • L’environnement : l’ombre au tableau

Lors de sa tournée dans l’ouest du pays cette semaine, le Premier ministre a rencontré sur sa route des manifestants qui dénoncent les constructions d’oléoducs et de gazoducs sur leur territoire. S’il y a une ombre au tableau libéral, c’est bien sa politique environnementale. Justin Trudeau et son équipe affichaient pourtant des ambitions louables pour lutter contre les changements climatiques, notamment dès la Conférence de Paris de décembre 2015, la COP21, qui avait été l’un des premiers grands rendez-vous internationaux du nouveau Premier ministre.

Mais ces ambitions ne se sont jamais réellement concrétisées dans des plans d’action et des politiques efficaces. Pire, Justin Trudeau s’est même porté à la défense de l’industrie pétrolière de l’Alberta, notamment l’exploitation des sables bitumineux dénoncée comme l’une des pires en matière d’émissions des gaz à effets de serre.

Le rachat par le gouvernement canadien de l’oléoduc KEYSTONE pour offrir justement des débouchés vers le Pacifique à ce pétrole albertain risque bien de coller à la peau de Justin Trudeau durant la campagne électorale à venir.

Par contre, ce ne sont pas les Conservateurs d’Andrew Scheer qui pourront taper sur ce clou, car le gouvernement conservateur de Stephen Harper a été l’un des pires au Canada en la matière et le nouveau chef conservateur ne semble pas plus porté sur la défense de l’environnement que l’ancien. Mais cette décision de financer avec des fonds publics un oléoduc a déçu de nombreux Canadiens et elle risque bien d’être un gros point négatif dans le bilan de Justin Trudeau.
 
  • Légalisation du cannabis : un processus à poursuivre

Une bonne note par contre sur ce bilan : le gouvernement Trudeau a tenu parole en ce qui concerne sa promesse de légaliser le cannabis, entrée en vigueur le 17 octobre 2018. Le processus s’est somme toute plutôt bien déroulée dans l’ensemble du pays, même si une telle révolution dans les mœurs – le Canada est le premier pays du G7 à légaliser le cannabis – impose encore des ajustements de part et d’autre.

A relire : Les Canadiens divisés sur la légalisation de la marijuana

Au Québec par exemple, la Société québécoise du Cannabis, la SQDC, qui est l’agence gouvernementale distributrice, a rapidement été en rupture de stock sur les produits les plus populaires, à un point tel qu’elle a dû fermer les portes de ses succursales la moitié de la semaine ! Une pénurie qui avait été anticipée sans être solutionnée pour l’instant.

La décision également du nouveau gouvernement québécois de faire passer de 18 à 21 ans l’âge légal pour acheter de la marijuana a soulevé une certaine controverse, car on craint qu’il ne repousse les jeunes dans les bras des groupes criminalisés en retournant s’approvisionner sur le marché noir.

  • Les 100 jours du gouvernement Legault

Parlant du Québec justement, le gouvernement de François Legault, élu avec une écrasante majorité en octobre dernier, vient de fêter ses 100 premiers jours au pouvoir. Et jusqu’à maintenant, la lune de miel avec les Québécois se poursuit : le nouveau Premier ministre affiche un taux de satisfaction qui ferait pâlir d’envie bien des politiciens.

Mais cette lune de miel va-t-elle se poursuivre ? Les troupes caquistes doivent maintenant s’attaquer à des projets de loi importants, dont celui, délicat et controversé, sur la laïcité et l’interdiction du port de signes religieux pour les fonctionnaires québécois en position d’autorité. Un sondage publié à la fin de l’année par Radio-Canada indiquait que ce projet de loi du gouvernement Legault recueillait l’appui de plus de 60% de la population. Mais cette question de la laïcité reste une corde sensible au Québec et le débat peut facilement déraper. Ce sera donc un dossier délicat à piloter.

La victoire de la Coalition Avenir Québec a apporté un vent de changement et de fraîcheur sur la scène politique québécoise avec une arrivée massive d’élus novices en politique. Le nouveau gouvernement ne compte d’ailleurs qu’une seule ministre d’expérience, tous les autres en sont à leur première expérience.

Plusieurs ont déjà démontré que malgré cette inexpérience, ils étaient solides et compétents dans les domaines où ils ont été nommés. Sauf une : MarieChantal Chaussé (elle écrit son prénom tout attaché), que le Premier ministre avait nommée ministre de l’Environnement. Ses premières interventions médiatiques ont tourné à la catastrophe à plusieurs reprises, à un point tel que François Legault vient de lui demander de quitter ses fonctions.

Elle est remplacée par un jeune député, Benoit Charrette, qui n’a pas plus d’expérience en la matière, mais qui semble avoir plus de talent pour communiquer et passer les messages. Car l’environnement et la lutte contre les changements climatiques, c’est le point faible de ce nouveau gouvernement. Déjà dans son programme électoral, cette thématique était quasi absente. La pression venue, très forte, de la société civile pour que l’environnement devienne l’une des priorités des troupes caquistes semble avoir été entendue, notamment avec ce changement à la tête du ministère.

Il faudra voir maintenant si ce nouveau ministre de l’environnement mettra en place des programmes précis et efficaces pour lutter contre les changements climatiques et répondre aux attentes de la population.