Canada : qui est Wab Kinew, le premier membre d’une Première Nation à diriger une province?

Ancien rappeur et journaliste, le chef du Nouveau Parti démocratique du Manitoba, Wab Kinew, est devenu le premier membre d’une Première Nation à diriger une province au Canada. Portrait par notre confrère de Radio-Canada, Thibault Jourdan.

Image
Wab Kinew

Le chef du Nouveau Parti démocratique du Manitoba, Wab Kinew.

PHOTO : RADIO-CANADA / MARIO DE CICCIO
Partager2 minutes de lecture

Fils d’un grand chef régional du traité 3, Tobasonakwut Kinew, et d’une mère analyste politique, Kathi Avery Kinew, Wab Kinew, 41 ans, a passé les premières années de sa vie dans la communauté de la Première Nation Ojibway de Onigaming, près de Kenora, en Ontario.

Les parents de Wab Kinew avaient reçu une bonne éducation et voulaient la même chose pour leur enfant. Ils ont donc déménagé à Winnipeg lorsqu’il a eu l’âge scolaire.

Il a grandi dans un quartier cossu du sud de Winnipeg et a fréquenté le Collège Béliveau, une école secondaire d’immersion française de la capitale manitobaine. Aujourd’hui, Wab Kinew est trilingue: il parle couramment l’anglais, le français et l’ojibwé.

Le chef néo-démocrate est diplômé en économie de l’Université du Manitoba, et a obtenu, par la suite, une maîtrise en gouvernance autochtone.

Démêlés avec la justice

Pendant ses études au début des années 2000, alors que Wab Kinew était dans la vingtaine, il était pris dans ce qu’il a admis être un "style de vie autodestructeur" qui conduisait à la dépendance et à la violence. "J’avais vraiment touché le fond sur le plan personnel", disait-il en 2016 à La Presse canadienne.

C’est dans ces années qu’il est rattrapé par la justice pour des actes criminels. En effet, il a été accusé de conduite en état d’ébriété et d’agression envers un chauffeur de taxi, des faits qu’il reconnaît dans son livre The reason you walk, sorti en 2015, et pour lesquels il s’est plusieurs fois excusé.

Cependant, les documents judiciaires donnent une version moins édulcorée de ce qu’il raconte dans son livre, notamment concernant l’agression du chauffeur de taxi, lors de laquelle il aurait proféré des insultes racistes et frappé le conducteur au visage.

Reste qu’en 2016, il a obtenu une réhabilitation de la justice pour ses condamnations criminelles.

Son livre ne mentionne pas, non plus, deux accusations pour violence conjugale contre sa copine de l’époque en 2003. Elles ont été suspendues quelques mois plus tard et Wab Kinew a toujours nié avoir agressé son ancienne copine.

Artiste reconnu

Wab Kinew a aussi été un musicien reconnu dans le monde du rap. À la fin des années 90, il a formé le groupe Dead Indians. Même si le groupe n’a jamais sorti d’album complet, il a fait des tournées en Amérique du Nord et était bien connu parmi la jeunesse autochtone.

Plus tard, il a sorti deux albums solo, dont Live by the Drum, pour lequel il a gagné le prix du meilleur album de rap/hip-hop aux Prix de la musique autochtone.

 

Néanmoins, quelques années plus tard, il a dû faire face à ses textes de chanson misogynes et homophobes, qu’il a dit regretter à plusieurs reprises.

Ainsi, des critiques sont apparues en 2016, lorsqu’il briguait la direction du NPD manitobain, concernant des paroles qu’il a écrites dans une chanson sortie dans les années 2000 et dans laquelle il parlait de frapper des femmes au visage et dans leurs parties génitales.

Des vieux tweets avaient aussi semé la consternation. Dans une publication datant de 2009, il se demandait s’il était possible d’attraper la grippe aviaire en "embrassant des grosses femmes", tandis que dans un autre tweet, il tenait des propos homophobes.

Un homme nouveau

Avant de se lancer en politique, Wab Kinew a été journaliste pour CBC à Winnipeg. Il a notamment animé plusieurs émissions, dont The 204 et la série documentaire 8th Fire.

Plus tard, il a été embauché par l’Université de Winnipeg en tant que son premier directeur de l’inclusion des Autochtones. Il a aussi été le premier président du cercle consultatif autochtone du maire de Winnipeg, Brian Bowman, créé à la suite d’un article du magazine Maclean’s désignant la capitale du Manitoba comme la ville la plus raciste du Canada.

C’est au début de la trentaine qu’il a décidé de se lancer en politique. Il affirme qu’il s’est rendu compte que ce serait dans ce domaine qu’il pourrait faire une différence.

Wab Kinew a aussi été inspiré par l’histoire familiale de sa femme, Lisa Monkman. La mère de cette médecin de famille vivait de l’aide sociale dans les années 80. Un programme gouvernemental a permis à sa famille de sortir de la pauvreté et d’offrir une éducation et une carrière à sa femme.

"La trajectoire de leur vie a été modifiée pour le mieux grâce à leur propre travail acharné, avant tout, mais aussi grâce à quelques interventions de politiques publiques qui ont été faites à cette époque", racontait Wab Kinew dans une entrevue à La Presse canadienne récemment.

"C'est quelque chose qui me parle : l'éducation, l'économie… Les gens le font eux-mêmes, mais peut-être qu’un petit coup de pouce du côté des politiques publiques [peut aider]."

Aujourd’hui quadragénaire, Wab Kinew affirme avoir complètement changé sa vie il y a plusieurs années et c’est la raison pour laquelle il briguait la tête du Manitoba.

"Je crois que j'ai réussi à avoir une seconde chance dans la vie. [Je pense] que j'ai quelque chose à apporter pour que nous puissions améliorer les choses."