Fil d'Ariane
Réélu pour un troisième mandat le 20 septembre dernier, Justin Trudeau a présenté son nouveau gouvernement aux Canadiens, un gouvernement paritaire qui a plusieurs priorités à son menu au cours des prochaines années.
Tel que promis et tout comme les deux premiers, ce troisième gouvernement est paritaire : 19 hommes et 19 femmes, soit 38 ministres au total. Et parmi les femmes, plusieurs se voient confier des ministères importants. Mélanie Joly a par exemple été promue aux Affaires étrangères.
C’est une véritable promotion pour la Québécoise, qui se voit récompensée pour son travail, cet été, de co-présidente de la campagne électorale. Elle aura la délicate mission de renouer des relations diplomatiques avec la Chine. Celles-ci sont mises à mal depuis le tragique épisode des deux Canadiens emprisonnés pendant près de trois ans en Chine, en représailles à l’arrestation, par le Canada, de la dirigeante financière du géant chinois Meng Wanzhou.
Petit bémol : les ministres des Affaires étrangères se succèdent au Canada depuis la prise de pouvoir des Libéraux en 2015. Mélanie Joly est la cinquième en six ans. C’est pourtant un poste névralgique qui requiert une certaine stabilité, mais Justin Trudeau affirme que le Canada maintient sa politique internationale en faveur du multilatéralisme malgré cette succession de ministres des Affaires étrangères.
Anita Anan, quant à elle, prend les commandes du ministère de la Défense et elle va avoir toute une mission : celle de changer radicalement la culture de l’armée canadienne, aux prises depuis des années avec des scandales de nature sexuelle impliquant notamment plusieurs de ses hauts gradés. Une culture machiste, un environnement toxique qui perdurent au sein des Forces armées canadiennes. Mme Anand va avoir fort à faire pour réformer cette institution.
C’est donc un message clair que Justin Trudeau envoie à l’armée canadienne en la nommant : « C’est une experte en gouvernance et elle va s’assurer que les cadres et les hauts gradés de l’armée canadienne soient à la hauteur de leur mission » a précisé le Premier ministre, en vantant l’efficacité de Mme Anand quand elle a été ministre responsable de l’approvisionnement en vaccins dans le dernier gouvernement.
Anita Anand se dit honorée de cette nomination, assurant qu’elle va faire le nécessaire pour que l’armée canadienne reste respectée partout dans le monde. « Je suis déterminée, je travaille très fort et je suis axée sur les résultats. Ce sont des qualités que je vais appliquer dans ce dossier, pour changer la culture des Forces canadiennes » a-t-elle précisé.
(Re)voir Canada : ces hauts gradés de l'armée qui tombent pour scandales sexuelsDeux autres femmes font leur entrée au gouvernement : Pascale St-Onge, une leader syndicale, qui devient ministre des Sports, ainsi que Marci Ien, une ancienne animatrice d’un réseau de télévision anglophone, qui va diriger le ministère des Femmes et de l’Égalité des genres et de la Jeunesse.
Enfin, la femme la plus importante de ce gouvernement reste Chrystia Freeland, puisqu’elle garde ses postes de Vice-Première ministre et de ministre des Finances. La numéro 2 du gouvernement canadien reste en selle. Si plusieurs la voient comme celle qui pourrait un jour remplacer Justin Trudeau, ce ne sera pas pour demain. Interrogé par les journalistes qui lui demandaient s’il allait mener les troupes libérales lors des prochaines élections, ce dernier a répondu oui sans l’ombre d’une hésitation.
L’un des gros changements dans ce nouveau gouvernement, c’est la nomination au ministère de l’Environnement d’un écologiste, Steven Guilbeault. Il a cofondé l’organisme Equiterre et il a travaillé pour Greenpeace avant de plonger en politique il y a deux ans. Après son élection en 2019, tout le monde s’attendait à ce que Justin Trudeau le nomme à l’Environnement, mais il avait plutôt pris la tête du ministère du Patrimoine canadien, tout en étant le conseiller principal du gouvernement en coulisses sur les questions environnementales.
Cette fois-ci, le Premier ministre lui confie les clés de l’Environnement, avec notamment le dossier délicat de la lutte contre les changements climatiques. Une nomination très bien accueillie par les environnementalistes canadiens, qui y voient le signal que Justin Trudeau veut mettre le pied sur l’accélérateur pour lutter contre le réchauffement climatique. Steven Guilbeault sera aux côtés du Premier ministre à la COP26 à Glasgow la semaine prochaine. Il a déjà participé à 19 de ces conférences en tant que militant environnementaliste, il connait donc bien la musique.
La lutte contre les changements climatiques fait partie des priorités de ce nouveau gouvernement. Steven Guilbeault a déclaré qu’il allait faire tout son possible pour faire du Canada un pays leader en matière de lutte contre les changements climatiques et la protection de la biodiversité.
En conférence de presse, Justin Trudeau a défini les priorités de ce troisième gouvernement, dans lequel plusieurs ministres du gouvernement précédent ont gardé leurs portefeuilles. « Tout d’abord, il faut tourner la page une fois pour toute sur la pandémie, le Canada est en tête de file dans le monde au niveau de la vaccination mais on doit rester vigilant » a souligné le premier ministre, faisant valoir qu’il a déjà décrété la vaccination obligatoire pour les fonctionnaires canadiens et pour toute personne qui va voyager en train ou en avion au Canada. Ce dossier de la vaccination sera notamment dans les mains du nouveau ministre de la Santé, le québécois Jean-Yves Duclos.
L’autre grande priorité sera la relance de l’économie canadienne, « rebâtir une économie forte pour tout le monde, qui soit inclusive avec de l’imagination et de la créativité » a précisé Justin Trudeau, tout en promettant que le gouvernement canadien allait maintenir son aide aux secteurs économiques en difficultés à cause de la pandémie.
Enfin Justin Trudeau est revenu sur la nécessaire réconciliation avec les communautés autochtones. C'est Marc Miller, ministre des services aux Autochtones dans le précédent gouvernement, qui pilotera ce dossier délicat en tant que ministre des relations Couronne-Autochtones.
« Nous avons besoin de bâtir un Canada plus juste, plus vert, plus prospère, et c’est exactement ce que nous allons faire en équipe » a conclu Justin Trudeau.
Le chef de l’opposition officielle, le conservateur Erin O’Toole, a critiqué sans ménagement cette nouvelle équipe gouvernementale, « un autre exemple de la préférence de Justin Trudeau pour le style et non la substance » a-t-il déclaré dans un communiqué, estimant que plusieurs des ministres sont inexpérimentés et motivés par l’idéologie.
« Les changements apportés aujourd’hui au Cabinet montrent que le premier ministre continue à récompenser des ministres qui ne cessent de faire preuve d’incompétence et d’un manque de responsabilité » estime le chef conservateur.
Même son de cloche du côté du Nouveau Parti Démocratique, qui dénonce notamment le fait que l’ex-ministre de la Défense, fortement critiqué pour sa mauvaise gestion de la crise au sein des Forces armées canadiennes, soit resté au sein du gouvernement en tant que ministre du Développement international.
Pour le Bloc Québécois, le parti qui défend les intérêts du Québec à la Chambre des Communes à Ottawa, le nouveau gouvernement Trudeau a maintenant une obligation de résultats, mais les Bloquistes se disent prêts à travailler en collaboration avec lui en autant que possible, dans l’intérêt des Québécois.