
Fil d'Ariane
Les Canadiens ont élu Mark Carney, nouveau chef du Parti libéral, comme Premier ministre, mardi 29 avril 2025. Les libéraux, pourtant en difficulté en début d’année, formeront un gouvernement minoritaire. Chronique.
Mark Carney lors de son discours de victoire, devant ses partisans à Ottawa, dans la nuit de lundi 28 à mardi 29 avril 2025.
Les Canadiens ont tranché : ils ont choisi les libéraux pour former le prochain gouvernement et Mark Carney, le nouveau chef libéral, a été élu comme premier ministre. Un vrai miracle pour les libéraux qui, au début de l’année, traînaient loin derrière les conservateurs. Mais ils vont devoir gouverner sans avoir de majorité à la Chambre des communes, le Parlement canadien. Et ce ne sera pas facile.
C’est passé 22 h, heure de Montréal, que les médias locaux ont annoncé la victoire des libéraux à ces élections, sans toutefois prédire s’il s’agirait d’un gouvernement majoritaire – donc avec une majorité de députés – ou minoritaire.
La soirée électorale s’est par la suite étirée en longueur et, à l’heure actuelle, des luttes sont si serrées que les résultats définitifs ne sont pas encore connus… des vraies montagnes russes !
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Les résultats ont commencé à entrer en début de soirée en provenance des provinces atlantiques : Terre-Neuve-et-Labrador, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick et l’Île-du-Prince-Édouard. Et la soirée a commencé un peu plus difficilement que prévu pour les libéraux, car la performance des conservateurs a été meilleure que les projections, avec des gains dans plusieurs comtés. Mark Carney peut dire merci au Québec, qui lui a donné la poussée nécessaire pour décrocher la victoire. La province de l’Ontario, la plus grande du Canada, a donné des gains importants aux conservateurs au détriment des libéraux. Et en Colombie-Britannique, dans l’ouest du pays, conservateurs et libéraux ont performé également.
C’est l’épouse de Mark Carney, Diana, qui, passé une heure du matin, est venue présenter fièrement son mari devant un parterre de partisans à Ottawa. “Qui est prêt à soutenir le Canada avec moi, qui est prêt à bâtir un Canada fort avec moi ?” a demandé d’entrée de jeu celui qui vient de se faire élire premier ministre. Le chef libéral a tenu à féliciter ses adversaires pour leur campagne électorale. Mark Carney a promis de travailler en équipe avec les provinces, les territoires, les Premières Nations mais aussi les partis d’opposition pour renforcer l’économie canadienne : “Nous allons protéger notre territoire, nos ressources et notre pays”, a-t-il déclaré.
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Le premier ministre dit qu’il va gouverner pour tous les Canadiens et a tenu à remercier les Québécois pour la confiance qu’ils lui ont donnée. “Mon gouvernement va travailler pour vous tous, mettons fin aux divisions et aux colères du passé, nous sommes tous Canadiens et mon gouvernement va travailler pour et avec tout le monde”, a conclu Mark Carney. “Nous allons renforcer nos relations avec des partenaires fiables et si les États-Unis ne veulent plus jouer un rôle de premier plan dans l’économie mondiale, nous allons prendre la place”, a poursuivi le chef libéral.
C’est une défaite douce-amère pour Pierre Poilievre : amère parce qu’il n’a pas remporté ce scrutin, mais douce parce qu’il a gagné vingt sièges de plus qu’en 2021, lors du dernier scrutin, et recueilli près de 42 % des suffrages, à quasi-égalité avec les libéraux, qui ont eu 43 %. Il peut donc garder la tête haute au sortir de cette élection. Et c’est un discours très combatif qu’il a livré devant ses partisans : “Ce sera un grand honneur de continuer à me battre pour vous”, a-t-il déclamé, en soulignant que le changement prend parfois du temps à se réaliser.
Le chef conservateur a tenu à féliciter Mark Carney pour sa victoire et il promet de mettre le Canada en priorité pour combattre les tarifs douaniers de Donald Trump : “Tous les jours nous n’allons pas cesser de nous battre pour le peuple canadien”. C’est donc un discours d’unité qu’offre le chef conservateur face à la menace américaine. Et il dit à Mark Carney : à la prochaine fois.
Les gains des libéraux au Québec se sont faits au détriment du Bloc québécois, le parti qui défend les intérêts du Québec à la Chambre des communes et qui ne présente des candidats qu’au Québec. Les libéraux ont gagné une dizaine de sièges dans la belle province et le Bloc en a perdu dix.
“Le Bloc québécois a fait une campagne de cœur, une campagne de passion, à la hauteur de ce que sont les Québécois”, a dit le chef Yves-François Blanchet, qui a dit regretter les défaites de plusieurs députés sortants de son parti. Il a remercié les militants de son parti. Le Bloc se retrouve dans une situation inédite : il peut être la balance du pouvoir, le parti avec lequel le premier ministre libéral va devoir négocier pour se maintenir au pouvoir.
Yves-François Blanchet a précisé : “Nous imposerons une réalité que le Québec est une nation française, une nation laïque et responsable en matière d’immigration réussie et nous prenons aussi la mesure de la responsabilité qui sera la nôtre”. Il promet de défendre les grands secteurs d’activité du Québec, le bois d’œuvre, l’aluminium, ainsi que la protection de la culture et de la langue françaises.
Le grand perdant de ces élections, c’est le NPD (Nouveau Parti démocratique) et son chef Jagmeet Singh, qui a d’ailleurs perdu son siège de député de la Colombie-Britannique. Il a annoncé sa démission et quittera son poste dès qu’un nouveau chef ou une nouvelle cheffe sera élu-e.
Le NPD se retrouve avec sept députés : c’est une défaite historique pour ce parti, situé le plus à gauche sur l’échiquier politique canadien. La politique est parfois bien cruelle…
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Le Canada sort divisé de cette élection, entre les libéraux d’un côté et les conservateurs de l’autre. Et Mark Carney va avoir un double défi : affronter Donald Trump, négocier avec lui un nouvel accord de libre-échange, mais aussi gouverner avec un gouvernement qui n’a pas la majorité au Parlement canadien (vérifier les derniers chiffres), donc qui peut être renversé par les partis d’opposition si ces derniers le jugent nécessaire.
“Les mois seront difficiles et ils vont exiger des sacrifices, les défis devant nous sont intimidants, nous avons beaucoup de chemin à faire mais j’ai confiance en vous, j’ai confiance en le Canada”, a conclu le nouveau premier ministre dans un discours rassembleur.