Les fortes températures ont provoqué la mort d'au moins 70 personnes, principalement des hommes entre 53 et 85 ans. Cette chaleur extrême explique - en partie - ces décès, mais d'autres facteurs sont à prendre en compte, comme le manque de moyens de la province du Québec, et la solitude des personnes décédées. L’Ontario voisin, qui a aussi connu la canicule, ne recense aucun décès pour l’instant.
La canicule aura duré neuf jours dans l’est du Canada, du 27 juin au 5 juillet. Les températures ont atteint 35 degrés en moyenne au Québec et jusqu’à 45 degrés en ressenti. Une chaleur extrême que relativise Gerald Cheng, météorologue d’Environnement Canada, sur le site Internet de Radio-Canada :
« c’est juste samedi à Toronto où l’on a battu un record, mais c’est tout ».
54 morts au Québec, aucun en Ontario ?
Au moins
54 personnes seraient mortes à cause de cette chaleur accablante au Québec. Aucune en Ontario, la province voisine, alors que les températures avoisinaient aussi les 35 degrés la semaine du 2 juillet.
« On enquête systématiquement à chaque signalement de décès », indique Mylène Drouin, la directrice régionale de la santé publique de Montréal.
En Ontario aussi, on enquête. Et pour l’instant, aucun mort lié à cet épisode de canicule n’est recensé. Pas plus qu’en 2010, lors du précédent épisode de chaleur extrême au Canada, qui avait fait 106 morts au Québec. Les conclusions des différentes enquêtes en Ontario pourraient être connues dans
"des semaines, voire plusieurs mois », selon une porte-parole du bureau du coroner (procureur) de cette province qui comprend les villes d'Ottawa et de Toronto.
Le Québec, l’une des provinces les plus pauvres du Canada
Selon
l’Institut de la statistique du Québec, la province francophone arrive en queue de peloton si l’on prend en compte son revenu disponible par habitant. Le Québec se classe au 11e rang sur les 13 provinces du pays. Le site
Le Devoir rapporte qu’en 2015,
"en dollars courants, le revenu des Québécois a été de 26 857 dollars, un montant inférieur d’environ 5800 dollars à la moyenne canadienne". Des indicateurs économiques qui pourraient expliquer certains dysfonctionnements dans le système de santé publique québécois.
Les urgences à flux tendu
Les urgences québécoises ont été débordées par cette vague de chaleur.
Nous avons reçu 1200 appels en trois jours, soit une augmentation de 30%.
Benoît Garneau, le chef des opérations des Urgences-Santé
Un engorgement du système de santé, qui manque déjà crucialement de moyens. Le système de refroidissement des ambulances ne fonctionne pas toujours. Comme l’observe Réjean Leclerc, le président du syndicat du préhospitalier, sur Radio-Canada, « une dizaine de véhicules de Urgences-Santé ont de la difficulté à garder au froid la cabine avant », avant de reconnaître que ces véhicules sont « techniquement inadéquats pour transporter des patients qui parfois ont des coups de chaleur ou des insolations ».
Des hôpitaux qui manquent de moyens
Aucun décès n’est à déplorer dans les établissements du réseau de santé. Mais pour autant, le service de santé publique du Québec n'est pas exempt de dysfonctionnements. La chaleur s’accumule dans ces établissements vétustes, la plupart n’étant pas équipés de la climatisation. Le mercure dépasse les 32 degrés, comme à l'hôpital Maisonneuve-Rosemont où
"les patients sont de plus en plus affectés (par la chaleur)", observe Chantal Pichet, la cheffe d'unité en gériatrie, sur la télévision publique Radio-Canada. Le Parti québécois et la Coalition avenir Québec ont laissé entendre, mercredi, que le gouvernement n'en avait pas fait assez et assez vite, notamment en n’ajoutant pas la climatisation dans les établissements de santé.
Des personnes vulnérables
Sur son compte Twitter, le Premier ministre Justin Trudeau enjoint les Québécois à "bien se protéger ainsi que [leur] famille".
Car certains Montréalais, notamment les plus démunis, vivent seuls et, facteur aggravant : ils souffrent de maladies chroniques ou de dépendance à l'alcool ou à la drogue. Toutes les victimes sont décédées chez elles, une sur trois était atteinte d’une maladie mentale. La plupart des victimes de cette chaleur extrême sont « des hommes, âgés de 53 à 85 ans », indique Mylène Drouin, la directrice régionale de la santé publique de Montréal.
Même constat à quelques kilomètres de Montréal, en Estrie, où on recense au moins cinq décès liés à la chaleur.
Les victimes sont des adultes âgés ou, là encore, aux prises avec une maladie chronique.
La docteure Mélissa Généreux, directrice régionale de santé publique de l'Estrie
Les personnes décédées sont-elles victimes de l’isolement social ? De la réduction ou de l’absence d'un réseau associatif de proximité ?
Une stratégie de prévention
Face à l’isolement des personnes vulnérables, la mairie de Montréal distribue de l'eau aux organismes venant en aide aux gens en difficultés comme les sans-abri, qui sont en première ligne des vagues de chaleur ou de froid. Un système de porte-à-porte a aussi été mis en place afin de repérer les personnes les plus vulnérables. 270 pompiers et policiers ont assuré des visites à domicile la semaine du 2 juillet.
« 15 000 visites à domicile ont été réalisées » ce mardi, se félicite la mairesse de Montréal Valérie Plante. Dans le même temps, Mylène Drouin reconnaît à la télévision publique Radio-Canada les
« difficultés » du personnel de santé pour
« accéder aux personnes vulnérables », et ajoute qu’un bilan devrait être réalisé la semaine du 9 juillet en vue d’améliorer ce système.
Moins de climatisation au Québec qu’en Ontario
Toutes les personnes décédées au Québec vivaient dans des immeubles et des logements non climatisés. 42% des Québécois ont la climatisation chez eux, contre 74% en Ontario, d’après l’enquête sur les ménages et l'environnement de l’organisme Statistique Canada de 2009.
Une autre enquête menée par le département de santé publique de la ville de Toronto en 2010 montre que la quasi-totalité de ses habitants ont la climatisation chez eux (85%).
Les Montréalais se sont rués sur les climatiseurs ces derniers jours, mais face à la rupture de stocks, ce fut presque mission impossible pour s’en procurer un.
Je n'avais jamais vécu ça depuis 25 ans. J’ai vidé mon stock, je n'ai plus rien.
André Blais, de la quincaillerie Beaubien, Le Journal de Montréal
La pollution de l'air
Un autre facteur qui pourrait expliquer - en partie - ces décès potentiellement liés à la chaleur est la concentration élevée d’ozone et de polluants dans l’air qui, combinée à la chaleur et l’humidité, a créé une
"mauvaise" qualité d’air la semaine du 2 juillet. Mylène Drouin, la directrice régionale de la santé publique de Montréal, a précisé lors d'une conférence de presse qu'un épisode de smog était en cours dans la métropole. «
Un facteur de risque supplémentaire » et
« un irritant au niveau respiratoire », a-t-elle ajouté.
Environnement Canada prévoit une diminution de la chaleur ce week-end dans l'est du Canada. L'isolement des personnes vulnérables, et leur accès à la climatisation chez elles ou dans les hôpitaux publics, reste un enjeu majeur pour la province du Québec.