Un palmarès inattendu. Le jury du Festival de Cannes, présidé cette année par les frères Ethan et Joel Coen, a sacré de la Palme d’or
Dheepan de Jacques Audiard. Le film, qui sera projeté en salle à partir du 26 août, évoque l’histoire de réfugiés sri-lankais exilés en France, faisant ainsi écho à
la crise des migrants à laquelle l’Europe et l’Asie du Sud-Est sont confrontées.
Extrait de Dheepan de Jacques Audiard.
Même si Ethan Coen a assuré à l’issue de la cérémonie de clôture que le film avait enthousiasmé tous les membres du jury, les critiques, elles, n'ont pas été au diapason.
Selon Les Inrocks, Dheepan comporte « pas mal de défauts », Le Parisien se demande, lui, si Jacques Audiard n’a pas raté son film et Télérama juge que le film est certes audacieux et réussi, mais de qualité inférieure à Un Prophète, une oeuvre précédente du même réalisateur.
Les "professionnels de la profession", pour reprendre l'expression de Godard, sont dubitatifs.
Habitué à dépasser le million d’entrées en France, Jacques Audiard et son Dheepan réussiront-t-ils à faire autant, voire mieux qu'Un Prohète (1.309.000 entrées) et De Rouille et d'os (1.930.000) ?
Car si la Palme d’or assure incontestablement une jolie visibilité médiatique, elle ne garantit pas pour autant un large succès public.
Des échecs relatifs
Dans l’histoire récente du Festival de Cannes, plusieurs films n’ont pas rencontré le succès commercial pourtant attendu des récipiendaires de la Palme d'or :
- Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures d'Apichatpong Weerasethakul (2010) n'a fait que 127.000 entrées ;
- Les Meilleurs intentions de Bille August (1992) plafonnait à 91.000 entrées ;
- Le Goût de la cerise d'Abbas Kiarostami (1997) dépassait tout juste les 161.000 entrées ;
- L'Eternité et un jour de Théo Angelopoulos (1998) réalisait, lui, environ 182.000 entrées.
Bande-annonce d'Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures d'Apichatpong Weerasethakul.
Des chiffres, cependant, à relativiser. En fait, tout dépend de la nationalité d’un film mais surtout de l'histoire qui fera, ou non, résonance avec le coeur du public. Ainsi,
4 mois, 3 semaines et 2 jours du Roumain Cristian Mungiu n’a pas le même budget ni le même impact sur les spectateurs que
Pulp Fiction de l’Américain Quentin Tarantino. L'histoire d'une étudiante qui tente de se faire avorter avec l'aide de sa colocataire a touché un nombre réduit de spectateurs qui lui ont préféré les gangsters de
Pulp Fiction et son lot de situations cruelles et cocasses.
Public et Jury, des avis différents
Parfois, il arrive que les Palmés remportent un succès moindre que les autres films en compétition. C'était le cas l'an dernier : Mommy de Xavier Dolan (Prix du Jury) dépassait largement le million d’entrées et faisait mieux que Winter Sleep de Nuri Bilge Ceylan (environ 360.000 entrées).
En 2006, Volver de Pedro Almodovar (Prix d’interprétation féminine pour toutes les actrices) faisait mieux que Le Vent se lève de Ken Loach. Polisse de Maïwenn (Prix du Jury) et The Artist de Michel Hazanavicius (Prix d'interprétation masculine pour Jean Dujardin) dépassaient également la Palme d'or de 2011 The Tree of Life de Terrence Malick au box-office.
Bande-annonce de Mommy de Xavier Dolan.
Plusieurs films projetés à Cannes sont d'ores et déjà sortis au cinéma. En quelques jours, le succès commercial est incontesté pour
La Tête haute d'Emmanuelle Bercot (plus de 250.000 entrées) et
Mad Max : Fury Road de George Miller (plus de 900.000 entrées).
Le démarrage est plus timide pour
La loi du marché de Stéphane Brizé et
Trois souvenirs de ma jeunesse d'Arnaud Desplechin, respectivement récompensés depuis leur sortie par le Prix d'interprétation masculine et le Prix SACD de La Quinzaine des Réalisateurs.
Ces films bénéficieront-ils à présent de "l'effet Cannes" ? Les producteurs retiennent leur souffle. Sans oublier de dégainer leur calculette ...
Palmarès de la 68e édition du Festival de Cannes
- Palme d’or : Dheepan de Jacques Audiard
- Prix d’interprétation féminine : Emmanuelle Bercot pour Mon roi ex aequo avec Rooney Mara pour Carol
- Prix d’interprétation masculine: Vincent Lindon pour La loi du marché
- Grand prix du Jury : Le fils de Saul de Lazlo Nemes
- Prix du jury : The Lobster de Yorgos Lanthimos
- Prix de la mise en scène : The Assassin de Hou Hsiao-Hsien
- Prix du scénario: Chronic de Michel Franco
- Caméra d'or: La tierra y la sombra de Cesar Augusto Acevedo
- Palme du court-métrage : Waves’98 d’Ely Dagher